Comment le titre de champion devrait-il normalement être
délivré, pour que scientifiquement les races canines s’améliorent ?
Dans les lignes qui vont suivre, nous nous sommes inspiré
des études qui, de ce point de vue, ont été faites en animaliculture concernant
les animaux domestiques, et, sans vouloir faire un cours aux cynophiles, il
nous faut leur fournir quelques explications à caractère scientifique.
La cynophilie sportive, qui a toujours déclaré avoir pour
but l’amélioration des races canines, a montré son indigence en ne désignant le
champion que du point de vue morphologique.
M. de Kermadec a écrit que souvent des excellents ne
tenaient qu’à un poil et que, parmi ceux qui seraient dignes du ruban bleu,
certains auraient plus servi l’amélioration de la race que le champion
sportif. Rien de plus exact, et je vais essayer de le démontrer.
Sur ce sujet, la conception des cynologues et des
cyno-techniciens est tout autre que celle des cynophiles sportifs.
La forme du chien, c’est quelque chose, mais les
aptitudes fonctionnelles, c’est encore mieux. Un extérieur remarquable ne doit
pas suffire pour déclarer un chien champion, car ce qui intéresse
particulièrement, c’est la transmission des caractères du géniteur à ses
descendants. Il faut donc distinguer entre le phénotype et le génotype.
On appelle phénotype d’un individu l’ensemble des caractères
morphologiques, physiologiques, psychologiques et pathologiques qu’il
extériorise :
Morphologiques (variation de la conformation
externe : robe, forme, texture du poil, pigmentation, etc.).
Physiologiques (fécondité, précocité, locomotion,
longévité, lactation, etc.).
Psychologiques (intelligence, instinct, dressage,
etc.).
Pathologiques (réceptif ou réfractaire à une
affection).
Le génotype, au contraire, c’est l’ensemble des
attributs visibles, cachés ou en latence que l’individu détient en puissance
héréditaire et qu’il peut transmettre à ses descendants.
Une sélection qui ne s’appuie que sur l’examen
extérieur (expositions canines, concours de beauté) et sur le contrôle des
rendements (field-trials, épreuve de travail), en dehors de toute
épreuve de reproduction, est une sélection phénotype.
Une sélection qui met en œuvre l’épreuve de la reproduction
est une sélection génotype, car ce sont les jeunes qui déterminent alors la
véritable valeur d’élevage du géniteur et qui peuvent aider à déclarer ce
géniteur sujet d’élite.
L’éleveur doit choisir l’étalon parmi les chiens qualifiés
d’élite parce qu’étant le résultat non seulement d’une sélection phénotype, mais
aussi d’une sélection génotype. L’Association des cynologues et des
caniculteurs français, fondée en 1937, n’a cessé d’étudier les applications de
la génétique, ou science expérimentale de l’hérédité, en vue de l’amélioration
de l’élevage canin en France, pour indiquer l’orientation que les éleveurs
doivent imprimer à leurs efforts à l’effet d’avoir les plus grandes chances de
réussite.
Le chien déclaré champion en cynophilie sportive ne peut
logiquement être retenu par l’éleveur sérieux, et ce chien doit s’incliner
devant le chien déclaré d’élite par les milieux scientifiques officiels
cynologiques et cynotechniques; il est, avant tout, reproducteur et raceur.
La principale valeur de ce chien est donnée par la force
héréditaire et la formule génétique ; elle est déterminée par trois signes
distinctifs : l’examen de l’aspect extérieur, l’analyse de l’ascendance et
l’étude de la descendance.
L’aspect extérieur ne renseigne pas sur la formule
biologique du géniteur et ne correspond pas au patrimoine héréditaire de
l’individu.
Analyse de l’ascendance. Elle s’appuie sur la
ressemblance des membres d’une même famille, d’une même lignée, des ancêtres.
En constatant celle-ci, on est à peu près certain que les ascendants avaient
eux-mêmes non seulement un patrimoine héréditaire, mais possédaient une
structure biologique univoque. Les reproducteurs choisis parmi eux ne peuvent
manquer de jouir d’une forte puissance héréditaire.
Si les livres généalogiques sont tenus correctement, l’étude
des générations antérieures est aisée, démonstrative, car la filiation est
suivie de génération en génération, mais toutefois certains ont une valeur
différente suivant leur organisation.
Recrutés parmi les meilleurs spécimens par des techniciens
dont on admet la compétence et surtout le désintéressement, un certain nombre
de reproducteurs doivent, dans le Livre de l’Élite, occuper la première
place, c’est-à-dire les premières pages.
Il faut, dans la suite, être très sévère pour l’inscription
des descendants.
En France, jouissent d’une certaine autorité des livres d’« origines »
tenus régulièrement, mais ces livres ne sont pas de véritables livres
généalogiques, et leur ancienneté ne doit pas leur conférer un crédit
inestimable.
Des chiens inscrits sur ces registres constituaient, pensait-on,
des individualités superbes qui devaient transmettre leurs qualités. Erreur,
les déceptions, les échecs déjouaient parfois les espérances ; malgré
leurs origines, l’étalon ou la lice donnaient des descendants indignes. La
valeur héréditaire, basée sur un vieux et long pedigree, n’était qu’illusion,
et l’ancienneté ne peut servir de critérium pour la valeur d’un livre des
origines.
Il ne faut pas hésiter à éliminer de l’inscription des
livres généalogiques des candidats insuffisants, non conformes au modèle
stéréotypé du standard, non homogènes et de formule biologique différente. Il
faut que l’inscription aux livres généalogiques soit très épurée. L’homogénéité
des animaux dans la race, l’harmonicité des sujets la composant sont à la base
de la pureté de la race et sont les véritables critériums de la valeur du
livre.
La similitude des sujets à travers les générations dénote
l’identité du patrimoine héréditaire, prouve l’uniformité des cellules
sexuelles, garantit la capacité génétique du reproducteur. Elle permet de
prévoir les qualités des descendants avec une sécurité presque absolue.
On a constaté en animaliculture que des métis de seconde
génération peuvent être homozygotes. Homozygote est l’individu chez lequel
chaque facteur génétique envisagé est présent à l’état double, en raison
de la similitude des gamètes. Tous les individus qui ont la même formule
biologique et où les cellules sexuelles sont pareilles sont des homozygotes, ou
purs, et peuvent devenir têtes de lignée pure et souches d’un registre
généalogique incorruptible.
Le livre généalogique n’a d’autorité que par la qualité des
origines, le mode et la sévérité des inscriptions au titre de l’ascendance et
de l’homogénéité des animaux inscrits.
Je décomposerai dans la pratique en quatre stades
l’inscription des chiens après certificat de saillie et certificat de naissance
reçu quarante-huit heures après la mise bas.
Premier stade.
— Inscription sur le livre d’élevage de l’éleveur.
Deuxième stade.
— Inscription sur le livre d’élevage du club s’occupant
de la race.
Troisième stade.
— Inscription aux livres généalogiques officiels en
s’entourant de tous renseignements auprès du club s’occupant de la race.
Quatrième stade.
— Inscription comme étalon ou lice approuvée au livre
d’élite.
Un chien ne devrait être déclaré d’élite que s’il répondait
aux questions suivantes :
1° Être inscrit à un livre généalogique officiel à quatre générations ;
2° Être d’un extérieur remarquable, en présentant les caractères de pureté de sa race ;
3° Être reproducteur-raceur possédant une très forte
puissance héréditaire manifestée à la fois par l’amélioration des formes, les
aptitudes au travail, etc. ... ;
4° Faire une étude approfondie de l’ascendance pour assurer
comme reproducteur une descendance au moins égale à la sienne propre, et que,
par certains de cette descendance d’un extérieur remarquable, il ait contribué
à un haut degré à l’amélioration de sa race, tant du point de vue morphologique
que de celui des familles de reproduction. Il faut que la bonne influence du
géniteur soit suivie à travers les générations.
Dr HÉROUT,
vétérinaire.
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