La loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale a été
modifiée sur plusieurs points par deux lois des 12 juillet 1941 et 24 septembre
1943. Ces lois ont été validées et maintenues en application par une ordonnance
du 14 avril 1945, en même temps que toute une série de décrets et
d’arrêtés ministériels relatifs à la pêche fluviale. La place limitée dont nous
disposons ne nous permet pas de parler aujourd’hui de ceux-ci, qui d’ailleurs
présentent un intérêt limité.
Une innovation résultant de la législation nouvelle consiste
dans la faculté accordée au Gouvernement de classer des cours d’eux ou portions
de cours d’eau où le droit de pêche n’est pas exercé au profit de l’État comme
« cours d’eau présentant un intérêt collectif pour la pêche ». Par
cette mesure, les cours d’eau ainsi classés ne perdent pas leur caractère
d’eaux privées, mais les propriétaires riverains de ces cours d’eau doivent se
constituer en associations syndicales ; le décret de classement attribue à
chaque association un secteur du cours d’eau.
La faculté accordée au Gouvernement de prononcer ce
classement n’est pas subordonnée au consentement des propriétaires ; au
contraire, avant la loi du 12 juillet 1941, une association syndicale ne
pouvait être constituée qu’en cas d’adhésion des trois quarts des propriétaires
intéressés représentant plus des trois quarts de la longueur des rives. On
retrouve encore actuellement une règle identique pour les cours d’eau privés
non classés comme présentant un intérêt collectif pour la pêche : des
associations syndicales peuvent aussi y être constituées, mais, pour cela, il
est nécessaire d’avoir l’adhésion des trois quarts des propriétaires intéressés
représentant plus des deux tiers de la longueur des deux rives additionnées, ou
des deux tiers des intéressés représentant plus des trois quarts de la longueur
des rives.
En principe, la constitution d’une association syndicale
dans les conditions qui viennent d’être indiquées n’a pas pour effet d’étendre
ou de réduire le droit de pêche des propriétaires riverains ; chacun d’eux
exerce le droit de pêche au droit de sa propriété jusqu’au milieu de la largeur
du cours d’eau. Mais les propriétaires compris dans l’association syndicale ont
la faculté de déroger à cette règle en décidant d’un commun accord qu’ils
pourront exercer le droit de pêche sur tout le secteur de l’association, sans
limitation d’emplacement ; ils peuvent aussi louer le droit de pêche sur
la section à des particuliers ou à des associations de pêche. Dans le cas où
ils conservent le droit de pêche, les propriétaires riverains peuvent demander
à constituer une association de pêche et pisciculture agréée. Nous en verrons
ci-après l’intérêt.
En ce qui concerne l’objet et les conditions de
fonctionnement de l’association syndicale, la loi nouvelle n’apporte pas de
changements importants à la législation antérieure : l’objet de
l’association est d’assurer la surveillance de la pêche, la mise en valeur
piscicole et la protection du poisson. Il s’agit là, pour l’association
syndicale, d’une obligation dont l’exécution doit se faire conformément au
programme établi par le décret de classement et qui entraîne des frais dont le
décret fixe le maximum. Si les propriétaires ne constituent pas l’association,
dans le cas où cette constitution est imposée comme conséquence du décret de
classement du cours d’eau, ou si l’association ne remplit pas les obligations
qui lui sont imposées par le décret de classement, le préfet doit, de sa propre
autorité, constituer l’association et nommer un premier syndic et un ou
plusieurs syndics adjoints, qui peuvent être choisis ou non parmi les
propriétaires intéressés. Ces syndics doivent assurer le fonctionnement de
l’association syndicale et, à cet effet, établir des règlements qui, après
homologation par arrêté préfectoral, s’imposent aux membres de l’association.
Les propriétaires riverains peuvent se soustraire aux
obligations qui leur sont imposées par les dispositions que nous venons
d’analyser en abandonnant gratuitement leur droit de pêche à l’association et
en s’engageant à ne pas le reprendre sans un préavis de cinq années. Cependant,
même en ce cas, les propriétaires restent tenus de participer aux frais
occasionnés par le curage du cours d’eau.
Une deuxième innovation résulte de la loi du 12 juillet
1941, modifiée par la loi du 14 septembre 1943. Ces deux textes ont
introduit dans l’article 5 de la loi de 1829 des conditions nouvelles pour
pouvoir pêcher aussi bien dans les eaux où le droit de pêche s’exerce au profit
de l’État que dans les autres. Antérieurement, en dehors du temps de la fraie,
la pêche à la ligne flottante tenue à la main était libre dans les eaux libres
et, dans les autres, subordonnée au seul consentement des propriétaires du
droit de pêche. Actuellement, dans les deux cas, outre les conditions
anciennement exigées, il est exigé de toute personne voulant pêcher qu’elle
fasse partie d’une association de pêche et pisciculture agréée par le ministre
de l’Agriculture et qu’elle ait payé, d’une part, la cotisation imposée à tous
les membres de l’association, d’autre part, une taxe annuelle destinée à faire
face aux dépenses de surveillance et de mise en valeur du domaine piscicole
national. Un décret du 12 juillet 1941 modifié par décret du 25 janvier
1944, sur lesquels nous reviendrons dans une prochaine causerie, règle les
conditions d’application des dispositions que nous venons d’exposer.
Il convient de signaler, pour terminer, que la loi du 12 juillet
1941 a ajouté à la loi de 1829 un nouvel article 69 bis aux termes
duquel tout jugement ou arrêt prononçant une condamnation pour délit de pêche
doit prononcer contre le délinquant, outre les amendes prononcées par les lois
antérieures, l’exclusion des associations de pêche et pisciculture pour une
durée de trois mois à deux ans, et, en cas de récidive, pour une durée de deux
à cinq ans. Cette pénalité supplémentaire entraîne interdiction de pêcher aussi
longtemps qu’elle dure. Cette interdiction laisse cependant subsister, pour les
propriétaires riverains, toutes les obligations qui leur sont imposées du fait
de leur adhésion à l’association syndicale.
Paul COLIN,
Avocat à la Cour d’appel de Paris, Docteur en Droit.
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