Aviation

En 1938, douze lignes étaient en exploitation. C’étaient Toulouse-Casablanca, Casablanca-Dakar, Marseille-Alger, Marseille-Tunis et Dakar-Bamako, assurées par « Air-France ».

« Air-Afrique » exploitait Alger-Tananarive, Bangui-Brazzaville, Alger-Oran, Alger-Tunis, Gao-Bamako. Enfin l’« Air-Maritime » assurait les liaisons Dakar-Pointe-Noire et Niamey-Cotonou. Ce réseau avait une longueur de 27.275 kilomètres. Le nombre de voyages simples effectués s’élevait à 3.575, la capacité de transport offerte était de l’ordre de 5.000.000 (exactement 5.083.861 tonnes-kilomètre) et la capacité utilisée de moins de 3.000.000 (exactement 2.957.298 tonnes-kilomètre). Le pourcentage d’utilisation était donc généralement médiocre. Il ne dépassait 60 p. 100 que sur la ligne Alger-Tananarive (63 p. 100), sur Marseille-Tunis (64,4 p. 100). Il était, par contre, un des plus élevés du monde sur Marseille-Alger (89,6 p. 100), il était le plus faible sur la ligne Dakar-Bamako (25,4 p. 100). Ces chiffres traduisent bien le peu de confiance et d’intérêt que le public français témoignait alors à l’aviation marchande.

Ce réseau restait rudimentaire. La clientèle restait limitée et se recrutait parmi les hauts fonctionnaires, les hommes d’affaires et les industriels. Il n’existait pas de services spécialisés dans le transport du courrier postal. La part du courrier de première catégorie confiée à l’avion allait de 8 p.100, pour les lignes à destination de l’Algérie et de la Tunisie, à 20 p. 100 pour le Maroc et à 30 p. 100 pour l’Afrique centrale. Il n’était naturellement pas question de transporter des marchandises.

L’infrastructure, les services de sécurité étaient encore dans l’enfance. Il n’y avait pas de piste en dur.

La situation actuelle est déjà bien différente. On a développé le réseau créé par le colonel de Marmier. Ce réseau comprenait originairement une ligne Damas-Brazzaville, avec une bretelle sur Dakar, une ligne Damas-Tananarive, puis une ligne Damas-Alger. Il avait une longueur de 37.000 kilomètres. De nouvelles lignes sont ouvertes, les fréquences améliorées. La libération survenue, les têtes de lignes sont reportées à Paris, Oran, Tunis, Casablanca, Dakar, Brazzaville, Tananarive, Damas, qui sont desservis. Saïgon le sera dès que le permettront les événements, militaires ; nos appareils atteignent déjà Calcutta.

Il existe des services réguliers entre Tunis, Alger et Casablanca, entre Bône et Alger. Il existe également des circuits tunisiens et marocains, des circuits à l’intérieur de l’A. O. F. et en Mauritanie, des liaisons particulières entre l’Afrique du Nord et l’A. O. F., entre Alger et Damas, entre Alger et Tananarive. Madagascar est dotée d’un réseau intérieur important : le kilométrage prévu est de 730.000 par an. Nous sommes assez loin du modeste réseau d’avant guerre. D’ores et déjà, la Réunion et Maurice sont reliées à la Grande Ile, ce qui n’avait jamais pu être réalisé avant 1945.

Le développement total de notre réseau impérial atteint actuellement 112.905 kilomètres (y compris les tronçons survolant le territoire métropolitain). Les fréquences ont été considérablement améliorées. C’est ainsi que, pour Alger seulement, il y a 21 services par semaine dans chaque sens.

Il n’est pas encore possible de donner les kilométrages effectués, les tonnages kilométriques offerts et utilisés, le premier exercice n’étant pas encore terminé. Il s’agit, d’ailleurs, d’une année d’organisation. L’établissement des statistiques présente des difficultés. Mais, d’après les horaires applicables à partir du 22 octobre, le kilométrage mensuel sera de 887.920, dont 558.920 sur les lignes France-Outre mer et 329.630 sur les lignes purement coloniales. Le nombre des passagers transportés est de 5.066 par mois et le nombre des passagers-kilomètre produits est de 11.983.035 par mois, ce qui correspond à un tonnage offert de 1.198.303 tonnes kilométriques. Le coefficient d’utilisation des appareils est de 80 p. 100. Il convient, d’ailleurs, de souligner que ces chiffres ne comprennent que les transports effectués par le réseau des lignes aériennes françaises, c’est-à-dire par l’organisme qui englobe nos anciennes compagnies. Ils ne comprennent pas les services de rapatriement assurés par les avions militaires pour les départements des Colonies, des Affaires étrangères, et des Prisonniers et Déportés. La valeur de ces derniers transports seuls dépasse certainement un milliard de francs.

La totalité du courrier postal à destination des territoires d’outre-mer est transportée par air. Par la force des choses, le transport des marchandises conserve encore un caractère accidentel ou plutôt subsidiaire.

Les résultats obtenus étant encourageants, on peut concevoir pour un proche avenir des projets plus ambitieux.

Aux liaisons actuelles viendront s’ajouter des réseaux locaux intérieurs à l’Afrique du Nord, à l’Indochine, à l’Afrique-Équatoriale. Madagascar sera reliée, d’une part, à l’Indochine, d’autre part, à l’Afrique du Sud. La Guyane, les Antilles seront desservies ainsi que Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Certains itinéraires seront rectifiés, le nombre des services accru.

Des appareils modernes, rapides et sûrs, seront mis en service. Des quadrimoteurs Languedoc, d’une vitesse moyenne de 400 kilomètres, assureront les services long-courriers, cependant que les trimoteurs Ju-52 seront affectés à des lignes locales et au transport des marchandises en attendant la sortie de nos bimoteurs modernes SO 94 et SO 30 R qui sont destinés à les remplacer.

En résumé, on peut s’attendre à un essor considérable de l’aviation marchande entre la France et nos territoires d’outre-mer et à l’intérieur de ces territoires. Quelques chiffres donneront une idée de l’ordre de grandeur de ce développement, bien qu’ils ne concernent pas uniquement les lignes susvisées, mais l’ensemble du réseau français. En 1938, les appareils des diverses compagnies françaises d’aviation commerciale parcouraient 12 millions de kilomètres par an. Ce chiffre a été largement dépassé dès 1945 ; le programme de 1946 prévoit 48 millions de kilomètres ; celui de 1950, 112 millions de kilomètres.

Ainsi sera réalisée une puissante aviation marchande au service de la communauté française.

Armand AVRONSART.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 151