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La chèvre du Massif central

La race dite du Massif central englobe les populations caprines habitant cette région ainsi que le Poitou. Les chèvres qui sont appelées à tort auvergnates et poitevines appartiennent en réalité à cette catégorie et n’ont entre elles que de petites différences.

La chèvre « Massif central » se rapproche de sa compagne des Pyrénées, qui l’a même influencée quelque peu : nous en avons déjà parlé.

L’alpine, au poil ras, étant le prototype de la chèvre d’Europe, on peut se demander pourquoi les animaux dont il est question ici et ceux des Pyrénées portent long poil. Pour expliquer la chose, il faut remonter à l’époque des grandes invasions historiques venant d’Asie. La chèvre, pouvant marcher longtemps et plus facilement que les bovins, constituait pour ces peuplades des troupeaux de ravitaillement. Les régions envahies furent donc témoins de croisements entre les bêtes du pays et des sujets venant d’une contrée où la race type devait être, comme elle l’est d’ailleurs actuellement encore, à poil long. Il s’agit donc d’un mélange très ancien que le temps a stabilisé. N’oublions pas non plus l’influence qu’ont pu avoir des chevriers ambulants poussant devant eux un troupeau hétéroclite.

La chèvre du Massif central — revenons à nos moutons ! — est plus petite que l’alpine ; en Auvergne, la taille est encore moins grande. Le chanfrein est droit ; le museau, plus fin que celui des chèvres pyrénéennes ou alpines. L’oreille, droite, est en cornet.

Dans le Poitou, le Marais notamment, la race s’est améliorée. Les laiteries coopératives, qui désiraient obtenir une quantité de fromage plus importante, se sont mises à contrôler les chèvres ; d’où augmentation de la production lactée. Pour raison d’amélioration encore, on importe des alpines. Le croisement donne à la première génération des métis trois quarts de sang alpin et un quart de sang « Massif central ». La supériorité de l’alpine se trouve ainsi prouvée. Perchée sur ses monts, loin des voies de communication, elle n’a subi aucune altération.

Il n’y a pas lieu de s’inquiéter de la longueur du poil, variant d’ailleurs, suivant les sujets et chez le même animal, d’une région du corps à l’autre. N’attachons pas non plus de trop grande importance aux cornes, qui n’existent souvent pas. Quant aux coloris, ils sont très variables, comme pour la chèvre commune, mais on trouve peu de robes uniformément blanches. Beaucoup de sujets ont une livrée noire ou foncée, avec la poitrine et le ventre blancs, ainsi que la race interne des cuisses et le pourtour de la queue.

On retrouve le blanc, ou une teinte claire, sur les pattes, qui portent au-dessus des onglons une marque noire ressemblant à un coup de pinceau. La tête de la chèvre du Massif central est barrée par deux lignes claires, nettement délimitées, joignant la région des yeux à celle des narines. C’est ce que l’on nomme une liste.

Comme couleur générale, assez courante, on trouve un mélange de poils blancs, noirs, bruns et beiges. On pourrait à la rigueur parler ici de ton « poivre et sel ».

La chèvre du Massif central ne produit pas beaucoup de lait ; c’est probablement la raison d’être du proverbe cité par M. Henri Pourrat dans Ceux d’Auvergne :

D’une perte il y a gain.
Chèvre qui n’a pas de lait
Est chèvre qui saute bien.

Mais la richesse de ce lait en matière grasse compense un peu, puisqu’on en fait des fromages cotés : « La Motte-Bougon », « Saint-Loup », etc. Dans ces régions, il faudrait utiliser, industrialiser peut-être, cette matière première qu’est le poil de chèvre. On n’en fera évidemment pas des châles de Cachemire comme avec la toison de la chèvre du même nom, mais de grosses toiles (sacs), des cordelettes et même des semelles d’espadrilles.

Remarquez aussi que la chèvre du Massif central, lorsqu’elle est loin de son pays d’origine, supporte assez mal la stabulation. Qu’on la laisse donc à sa terre, puisqu’elle y joue bien son rôle de chèvre indigène.

Nota.

— Ne pas confondre la chèvre du Mont d’Or, lequel, haut de 600 mètres, est situé au nord-ouest de Lyon, avec la chèvre du Mont Dore, qui est une bête auvergnate à rattacher, comme nous l’avons vu, à la race du Massif central.

Il existait autrefois un fromage fabriqué exclusivement avec du lait de chèvre et qui portait le nom de Mont d’Or.

M. CH. KRAFFT DE BOERIO.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 160