C’est une maladie dont il n’est pas élégant de parler, car,
en temps normal, elle est l’apanage des gens malpropres ; après les grands
mouvements de population, on la voit, au contraire, sévir dans des milieux qui
en sont ordinairement exempts.
L’idée que cette affection se rencontre surtout chez les
gens sales est tellement ancrée dans certains esprits qu’ils oublient d’y
songer chez des gens ayant l’habitude de se laver.
On sait que la gale est un parasite animal, l’acare ou
sarcopte ; le mâle vit sur la peau, et la femelle, une fois fécondée,
creuse dans l’épaisseur de l’épiderme des galeries, improprement appelées
sillons, dans lesquelles elle pond ses œufs ; de là proviennent les
intolérables démangeaisons, surtout nocturnes.
Pour que la contagion s’effectue, il faut un contact assez
prolongé, habituellement une cohabitation dans le même lit ; cette
contamination peut néanmoins se faire par le port de vêtements infectés, le
séjour dans des draps mal lessivés, voire même en chemin de fer ; quant à
la contamination par une simple poignée de main ou par un objet manipulé par un
galeux, elle appartient à la légende. Les démangeaisons ne commencent à se
faire sentir qu’une quinzaine de jours après la contamination.
Le sillon constitue l’élément caractéristique ; il est
classique de le rechercher aux mains, entre les doigts ; à l’œil nu, on le
voit sous l’apparence d’une strie grisâtre sinueuse, longue d’un
demi-centimètre en moyenne ; avec une loupe, on voit l’orifice d’entrée
et, à l’autre extrémité, une petite élevure nacrée dans laquelle se tient le
parasite et d’où on peut l’extraire avec une pointe de canif.
Chez les gens soigneux, la gale ne se manifeste pas toujours
aux mains, et il faut la rechercher dans ses lieux de prédilection, à la face
interne des avant-bras, des bras, des cuisses, aux aisselles, à la partie
inférieure du dos, aux organes génitaux chez l’homme, aux seins chez la femme,
aux pieds chez l’enfant.
Souvent, en pareil cas, les sillons sont difficiles à
découvrir, masqués par des lésions de grattage et les infections surajoutées
qu’elles entraînent ; on trouve alors des papules, des vésicules, des
pustules, toute la gamme des inflorescences cutanées ; la présence de
petites vésicules perlées met souvent sur la voie du diagnostic, et, d’une façon
générale, la diversité des éléments éveille déjà la suspicion.
Il est des cas où, malgré tout, le doute subsiste et où l’on
en est réduit à faire un traitement d’épreuve, heureusement dépourvu
aujourd’hui des désagréments qu’il occasionnait jadis.
Il ne faut, en effet, pas compter sur l’interrogatoire, à
part les cas où l’on apprend que le sujet cohabite avec une personne qui se
gratte ; la source de contamination est parfois ignorée ou volontairement
cachée.
Le vieux traitement de la frotte, en usage à l’hôpital
Saint-Louis, héroïque, mais brutal, a fait son temps ; il consistait,
après une friction assez rude pour ouvrir tous les sillons effectuée avec un
gros molleton enduit de savon noir, à passer sur tout le corps la fameuse
pommade d’Helmerich à base de soufre et de carbonate de potasse, très mal
tolérée, surtout par les peaux délicates.
La pommade au polysulfure de potassium est moins offensante,
mais non moins malodorante ; on l’applique sur tout le corps, sauf la
face, que la gale respecte toujours, et le sujet remet ses vêtements qui se
trouvent automatiquement désinfectés ; il en change le lendemain, après un
nouveau bain.
On trouve en pharmacie une excellente lotion à base de
soufre colloïdal, dépourvue d’odeur, plus agréable que cette pommade. Le baume
du Pérou peut s’employer de la même façon, mais c’est un remède dispendieux.
Le traitement le plus commode consiste dans l’usage du
benzoate de benzyle, qui est la substance active du baume du Pérou et qui
possède comme lui une odeur agréable.
Après un bain savonneux, à la rigueur une simple douche, on
étend sur tout le corps encore mouillé, avec un pinceau plat genre « queue
de morue », un mélange à parties égales de benzoate de benzyle, de savon
noir et d’alcool à 90° ;
On laisse sécher, ce qui demande une ou deux minutes, et on
fait une nouvelle application ; le sujet remet alors ses vêtements, qu’il
changera le lendemain après un nouveau bain ; il aura soin d’envoyer ses
draps à la lessive, de passer à la benzine les gants et les pantoufles. Bien
entendu, le traitement devra également être appliqué au conjoint.
À de rares exceptions près, la guérison est obtenue par une
seule application, mais il arrive souvent, chez les nerveux surtout, qu’il
persiste un certain prurit ; il ne faut pas se hâter de conclure à une
rechute, se contenter de bains d’amidon, de lotions calmantes.
La rechute, si elle se produit, provient de ce que le
traitement a bien détruit les parasites, mais a pu laisser subsister des
œufs ; ceux-ci mettent quinze jours environ à éclore, ce n’est donc
qu’après ce laps de temps qu’on pourra faire un nouveau traitement.
Dr A. GOTTSCHALK.
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