Entre le calibre d’une bouche à feu, le poids et la nature
de sa charge, la vitesse initiale obtenue et la pression développée, il existe
un certain nombre de relations imposant la valeur de certains de ces éléments
lorsque les autres ont été arbitrairement choisis. Supposons, par exemple, que,
dans un fusil calibre 12, tirant de la poudre T et du plomb moyen aux
charges respectives de 2gr,20 et 32 grammes, la pression soit
de 400 kilos et la vitesse initiale de 375 mètres ; si nous
augmentons la charge de plomb seule, nous abaisserons la vitesse
initiale et ferons augmenter la pression. Si nous augmentons à la fois
la charge de poudre et celle de plomb, la vitesse et la pression augmenteront
de concert, et inversement. Il est donc rationnel de se demander quels sont les
éléments les plus avantageux à fixer a priori dans la pratique du tir de
chasse.
Il convient en premier lieu de remarquer que, dans l’étude
de la mécanique, la véritable notion de base est celle de force, notion qui
prend sa source dans l’effort physique. Le poids n’est lui-même qu’une variété
de la force, et il est bien naturel que l’ordre de puissance des bouches à feu
ait été primitivement désigné par le poids des charges employées. Le diamètre
de l’arme, mesure beaucoup plus abstraite, n’est intervenu que postérieurement,
et nous allons essayer de démontrer qu’en ce qui concerne les armes de chasse
seul le poids de la charge a un sens pratique.
Nos lecteurs n’ignorent pas que les chiffres qui
caractérisent les calibres usuels se rapportent tout simplement au nombre de
balles sphériques contenues dans une livre ancienne, c’est-à-dire, en France,
dans 489gr,5 de plomb ordinaire. En raison des divergences avec les
autres pays, une commission internationale a unifié, en 1910-1911, les
constantes des calibres les plus usuels et a fait adopter les dimensions
ci-après :
Calibre nominal. |
12 ——— |
14 ——— |
16 ——— |
20 ——— |
Ancien diamètre français en millimètres |
19,08 |
18,12 |
17,33 |
16,09 |
Diamètre international en millimètres |
18,50 |
17,60 |
16,80 |
15,60 |
Mais, comme dans toute fabrication il faut bien admettre une
certaine tolérance, on a adopté, en France, les dimensions suivantes :
Calibre nominal. |
12 ——— |
14 ——— |
16 ——— |
20 ——— |
Minimum en millimètres |
18,10 |
17,20 |
16,80 |
15,60 |
Maximum en millimètres |
18,50 |
17,60 |
17,20 |
16,00 |
Poids de la balle correspondante (moyenne) en grammes |
——— 37,00 |
——— 31,70 |
——— 28,80 |
——— 23,68 |
Examinons maintenant pourquoi les charges employées dans le
tir à plomb sont respectivement dans les trois calibres usuels de 32 grammes,
28 grammes et 24 grammes.
L’usager du fusil de chasse désire à la fois posséder une
arme puissante, susceptible de lui faire tirer du gibier le plus loin possible,
et ne pas porter un fusil trop lourd ou trop désagréable à tirer par suite du
recul. Il a bien fallu adopter un compromis entre ces desiderata
contradictoires, et voici la voie dans laquelle on s’est engagé.
Nous avons déjà dit, dans une précédente causerie, que la
technique métallurgique possédait aujourd’hui toute une série d’aciers à haute
résistance dont les caractéristiques sont telles que la diminution du poids,
dans chaque calibre, aurait pu atteindre une très forte proportion si la
question de la vitesse du recul et, par conséquent, de l’impression
physiologique ne venait limiter l’allégement. On peut donc construire une arme légère
et inconfortable ou une arme normale et à recul acceptable ; le
chasseur peut donc déjà choisir entre le désagrément d’encaisser quelques chocs
à l’épaule et celui de porter un fusil qui lui semble trop lourd. À cette
dernière alternative, un seul remède : la réduction de la charge et du
calibre.
En particulier, la majorité des tireurs s’est décidée,
depuis une trentaine d’années, à renoncer au calibre 12 d’un poids supérieur
à 3 kilogrammes et à la charge de 37 grammes. Tout au plus les
tireurs au pigeon emploient-ils celle de 36 grammes dans des armes
spécialement étoffées. Le calibre 12 de chasse d’un poids inférieur à 3 kilos
utilise aujourd’hui la charge de 32 grammes avec un recul très acceptable
et réalise le meilleur compromis possible entre la puissance et le confort. À
l’examen de notre dernier tableau, on voit que ce calibre 12 de chasse est
en réalité un calibre 14, puisque sa charge de 32 grammes correspond
à celle de ce dernier, disparu dans l’oubli. Il est probable que, si
l’appréciation des chasseurs, au lieu de se diviser, dès le début du XIXe
siècle, entre les calibres 12 et 16, s’était portée sur le calibre 14,
nous serions aujourd’hui tous pourvus de fusils de ce calibre. Les armuriers et
les fabricants de munitions auraient certainement bénéficié, en cette affaire,
d’une notable simplification dans leur fabrication et dans leurs
approvisionnements, mais nous estimons que le chasseur y aurait perdu, et voici
pourquoi. En employant la charge d’un calibre 14 dans une arme calibre 12,
on tend à diminuer la pression, ce qui procure l’avantage d’une plus grande
marge de sécurité ou d’un allégement possible, en même temps qu’un meilleur tir
par suite d’une déformation moindre des grains de la charge. Et cette charge de
32 grammes, admirablement adaptée aux besoins de nos chasses ordinaires,
tirée à la vitesse de 375 mètres, est, au fond, la plus puissante que le
chasseur moyennement constitué puisse utiliser.
Ces dernières années, on a même proposé d’alléger à nouveau
la charge du calibre 12 et de la réduire à celle du calibre 16, soit
28 grammes, en employant des fusils spécialement construits et d’un poids
très léger. Il est évident que l’on bénéficie, dans ces conditions, de
pressions particulièrement faibles, mais le recul de ces armes est généralement
plus désagréable que celui d’un calibre 16 de poids normal, et, si un
chasseur estime que la charge de 28 grammes est favorable à son genre de
chasse et à son adresse, il a tout intérêt à la tirer dans un calibre 16.
Dans un autre ordre d’idées, certains tireurs ont parfois
songé à faire construire des armes calibre 16 ou calibre 20 très
étoffées, à longues chambres, et à y employer des charges de 35 grammes ou
de 30 grammes. Ces combinaisons, utilisables avec la poudre noire et
particulièrement avec les fusils à baguette, n’ont plus leur raison d’être
actuellement ; pour les motifs précédents, elles ont l’inconvénient de
conduire à l’emploi de canons très épais, aussi lourds que ceux d’un calibre
supérieur ; le recul est identique et la dispersion plus importante en
raison de la déformation des plombs.
Pour nous résumer, si nous tirons la charge de 32 grammes
de plombs à la vitesse initiale de 375 mètres dans les calibres 12,
16 et 20, les quantités de poudre à employer développeront des pressions de
l’ordre suivant :
400 kilos en calibre 12 ;
700 kilos en calibre 16 ;
850 kilos en calibre 20.
Théoriquement, la puissance destructrice sera la même, la
vitesse de recul dépendra du poids de l’arme, la dispersion sera plus forte
dans les calibres 16 et 20, et les pressions seront trop importantes dans
ces mêmes calibres.
On voit donc que, si l’on décide de chasser avec un certain
poids de plomb parce que ce poids, lancé à la vitesse de 375 mètres,
convient au terrain et au tireur, on a avantage à utiliser ladite charge dans
le calibre usuel le plus fort, et qu’en somme c’est le choix judicieux du
calibre qui régularise la pression et la maintient au voisinage d’une valeur acceptable.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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