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La chasse du sanglier au XVIIe siècle

D’après un ouvrage de Jean de Clamorgan écrit en vieux français, paru au début du XVIIe siècle.

La chasse du sanglier est beaucoup plus difficile et dangereuse que celle du cerf, parce que le sanglier ne craint pas les chiens ; au contraire, il les attend et même les poursuit afin de les mettre en pièces.

Aujourd’hui, la chasse du sanglier, quoique toujours dangereuse pour les chiens, est relativement facile avec les armes modernes. Mais, aux temps pas encore très lointains où il fallait chasser cet animal avec un épieu ou une épée, cela présentait certainement plus de difficultés.

Il y a quelque quatre cents ans, voici ce que l’on connaissait du sanglier et comment on le chassait :

Tous les sangliers ne méritent pas d’être chassés, mais seulement ceux qui n’ont pas atteint l’âge de quatre ans ; il faut encore qu’ils soient beaux, gros et gras, car, après quatre ans, ils sont amaigris de vieillesse et perdent leur bonté ! La meilleure saison pour chasser le sanglier est celle de la mi-septembre à la fin de décembre. Pour la facilité à les prendre, il faut attendre de préférence le printemps, car leur sang se renouvelle, ce qui est cause de leur grand repos.

Le veneur peut reconnaître la beauté du sanglier à différents signes. Les formes des traces grandes et larges, les pinces de devant rondes et grosses, le talon large démontrent que le sanglier est beau et grand ; si ces traces sont profondes, elles démontrent sa pesanteur.

Les boutis profonds et larges témoignent de la grosseur et de la longueur de sa hure.

Les fouilles longues, larges et grandes dénotent un fort sanglier.

Quant à la chasse du sanglier, elle requiert plutôt force d’hommes que de chiens, car les sangliers sont leurs vrais meurtriers. Il faut se servir des chiens avec beaucoup de prudence, et les piqueurs doivent rester parmi eux, afin de charger le sanglier de près ; celui-ci s’étonne et, au lieu d’exercer sa furie sur les chiens, est contraint de fuir. Il faut alors lâcher quelques chiens de relais, non des jeunes, mais des vieux et sages, qui vont secourir les premiers. Il ne faut pas craindre que le sanglier donne le change ou essaie quelque ruse, d’autant plus qu’il est pesant et que les chiens le suivent de près. Or, quand, après une longue course, les piqueurs voient qu’il perd ses forces, ils doivent, le plus secrètement possible, l’environner et aller droit à lui, tenant l’épée à la main, et le tuer ; il ne faut pas toutefois tenir la main basse, mais la lever et frapper en plongeant, en prenant garde de ne pas frapper du côté du cheval, mais de l’autre côté, car le sanglier se retourne du côté qu’il se sent atteint et pourrait donc le blesser. De plus, il est un certain que, si on met des colliers chargés de sonnettes aux cous des chiens quand ils courent le sanglier celui-ci les tue moins souvent et s’enfuit devant eux.

Le profit de la prise du sanglier est double, comme pour celle du cerf : d’une part la viande, d’autre part les remèdes. La viande du sanglier est meilleure que celle du cerf, si l’on s’en rapporte aux magnifiques banquets des anciens Romains, qui faisaient tant de cas de sa chair et le servaient tout entier sur leur table.

Les princes et grands seigneurs aiment surtout la hure, qu’ils estiment une viande délicate et exquise. L’on tient grand compte aussi des jeunes et tendres sangliers, appelés marcassins. La chair du sanglier nourrit beaucoup et engendre une grande quantité de sang.

Jean DE CLAMORGAN.

P.C.C. R. GENDRY.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 187