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Les bonnes mouches à truites

Avez-vous consulté parfois un catalogue d’articles de pêche et les planches en couleurs représentant les mouches artificielles ? Certes oui ; vous avez été fort embarrassés devant cette débauche de teintes, devant ce cocktail de coloris. Jamais vous ne vous seriez doutés qu’il soit nécessaire d’avoir une telle variété de mouches pour pêcher avec quelques chances de succès.

Et vous aviez bien raison ; on peut être très bon pêcheur à la mouche sans être un entomologiste ou un collectionneur. Ce qui contribue encore à compliquer les choses, c’est que, la plupart du temps, ces mouches portent un nom étranger, probablement parce qu’il n’existe pas de concordance exacte dans notre langue ou ... pour d’autres raisons ... Souvent, la même mouche, de même nom, a des teintes différentes sur deux catalogues ...

Aussi, vais-je essayer de guider le choix des hésitants, en recherchant la simplicité d’abord, l’efficacité évidemment, le naturel ensuite, avec quelques fantaisies reconnues bonnes par l’usage. Je désignerai les mouches par la teinte de leur corps et de leurs ailes et, si elles correspondent à un insecte réel, par leur nom scientifique en latin, pour les mouches flottantes seulement.

Elles se classent en deux catégories : celles qui ne sont qu’un assemblage de fines plumes, de soies brillantes, sans autre prétention qu’une présentation convenable, et celles qui tendent à représenter un insecte réel. Toutes ces petites merveilles ne sont que de vagues sosies des gracieuses éphémères dont la sarabande effrénée anime le crépuscule.

Ceci dit, commençons notre choix :

En mouche noyée, la grosseur normale correspond au no 12, taille ordinaire des larves et nymphes aquatiques, sauf quelques exceptions : dytiques, libellules, mouches de pierre, etc., on les nomme araignées.

Elles sont dépourvues d’ailes, peu fournies en plumes, de manière à pouvoir couler rapidement.

Les meilleurs sont : mouche à corps noir, cerclé d’argent, plume noire, excellente en tout temps, à utiliser en pointe du bas de ligne ; mouche brune, plume rousse, bonne mouche au début de la saison ; mouche tango, corps orange, plume rousse, imitation du Telephorus lividus (téléphore), mouche excellente les jours de vent, en été ; il ne vit pas essentiellement sur les rives ; mouches en barbes de plumes de paon, probablement une imitation de la Melasoma populi, corps en barbes de plumes de paon, cerclé de soie jaune ou de fil doré, plume rousse.

Je limite à dessein cette nomenclature d’imitations de coléoptères ; d’autres familles fournissent d’excellents modèles. Citons : mouche grise (Potamanthus refusens), corps gris, soie ou laine, cerclé jaune ou argent, plume gris bleuté (essentiel) ; excellente mouche qui pourrait être la mouche unique ; mouche marron, corps marron, annelé de soie jaune, plume tachetée de perdrix ou de faisan, bonne en mars, début avril ; mouche olive (genre Bœtis), corps olive, plus ou moins clair, cerclé de jaune, plume olive (teinte), car il n’en existe pas au naturel ; mouche grise, tachetée : même genre que la mouche grise précédemment décrite, mais avec plumes de perdrix grise, tachetée de noir, mouche de printemps.

Nous en resterons là pour les mouches noyées : c’est très suffisant pour débuter avec succès.

En ce qui concerne les mouches flottantes, la silhouette a plus d’importance que la teinte ; elle se détache, en effet, en surface, en gris ou même noir, avec le ciel comme écran.

Nous mettrons donc en tête encore la mouche grise, plus fournie en plumes, deux au lieu d’une pour la collerette, avec trois longues barbes en queue, destinées surtout à maintenir un bon équilibre dans la flottaison. On peut même y substituer une fine plume, augmentant la surface portante, sans trop épaissir la silhouette ; puis la mouche jaune, corps jaune-paille, cerclé noir ou marron foncé, plume olive clair, excellente au moment de la mouche de mai, sur les rivières possédant la grande éphémère si connue (Ephemera vulgata ou danica). Elle est plus facile à lancer correctement que le grand modèle.

Elle est très meurtrière, le soir, les ailes (ou les plumes) à plat : c’est l’insecte qui meurt après avoir pondu. Les grosses truites en sont friandes.

Enfin, j’ai gardé pour terminer une artificielle qui est née de ma fabrication, c’est la phrygane brune, aux trois stades de sa vie : larve et nymphe (en mouches noyées), insecte parfait (en mouche flottante). C’est la mouche de septembre qui pullule sur les aulnes de certaines rivières. J’ai fait, en Haute-Loire, des pêches splendides avec elle : ailes brun foncé, chocolat, se rejoignant en forme de toit ; corps un peu plus clair ; la larve est le ver d’eau, la nymphe est ce même ver plus avancé, avec des pattes.

Toutes ces mouches, sauf la mouche de mai, seront montées sur hameçons légers, fins de fer, no 14 en général pour la truite ; no 16 pour l’ombre, qui affectionne les moucherons microscopiques ; il ne happe pas les mouches, il les aspire dans un léger tourbillon.

Au risque de faire bondir les purs de la dry fly, j’affirme qu’il suffira d’utiliser ces modèles pour réussir à peu près partout, si on sait se servir de sa canne.

Je ne discute pas l’efficacité d’un plus grand nombre de mouches, mais je m’adresse aux débutants, et le choix que je leur indique est largement suffisant.

Maintenant, résumons-nous : aux amateurs de simplicité, je dirai : « Prenez des mouches grises, brunes, noires, plus ou moins fournies, selon le genre de pêche auquel vous les destinez, vous pourrez pêcher partout avec quelques chances de succès.

» Mais, surtout, cherchez parmi vos amis un vrai pêcheur à la mouche qui connaisse bien son affaire ; demandez-lui quelques leçons pratiques, cela vaudra mieux que la lecture de tous les grimoires. »

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 191