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Soins au verger

La période chaude et humide que nous venons de traverser, très favorable aux essences fruitières, a hâté la sortie des yeux et l’éclosion des bourgeons floraux. Les vergers en « livrée de noce » se sont transformés en de superbes taches blanches, roses et rouges, toutes parfumées de ces senteurs donnant à l’atmosphère et aux êtres vivants l’impression d’un rajeunissement succédant à la torpeur de l’hiver. Dans l’admiration de tout ce qui l’entoure, le praticien reprend avec bonheur le chemin de son champ, stimulé par les futures récoltes.

Devant la rapidité de la sortie des bourgeons, l’arboriculteur a dû se hâter pour terminer la taille et les traitements d’hiver et de printemps. Si l’époque de la taille n’a aucune influence sur la récolte quand elle est effectuée pendant la vie latente de l’arbre, ses effets peuvent être désastreux lorsque l’arbre est en végétation. On sait que chez l’arbre fruitier, après qu’il a amené sa récolte à maturité, ses feuilles continuent à fonctionner ; elles produisent de la sève élaborée, celle-ci va s’accumuler sous forme de réserves à proximité des yeux situés sur les rameaux d’un an. Ceux-ci-trouveront au printemps, dans ces réserves, la nourriture dont ils auront besoin au moment de la floraison et de la nouaison du fruit. En cette période, la sève est fort réduite, les feuilles jeunes ne peuvent remplir leurs fonctions multiples, de croissance et assurer la floraison et la nouaison. Pendant cette activité, les réserves entrent en fonction pour remplacer la déficience des feuilles. De ce qui précède, nous tirons la conclusion suivante : une taille tardive prive les jeunes organes en croissance d’une nourriture qui retardera leur développement. L’arbre ne pouvant répondre aux besoins des fleurs et des fruits, ceux-ci tomberont prématurément et la récolte sera perdue. Conclusions : un arbre faible doit toujours être taillé de bonne heure, un arbre vigoureux, doit, au contraire, être taillé en végétation afin de le préparer pour l’année suivante à la fructification.

Lorsque les circonstances obligent à une taille tardive, on remédiera aux mauvais effets en répandant 100 kilogrammes de nitrate de potasse à l’hectare ou 150 kilogrammes de sulfate d’ammoniaque, que l’on pourra remplacer par 150 kilogrammes de nitrate de soude, dans le cas où le produit précédent manquerait. Cet apport favorisant la nouaison d’un plus grand nombre de fleurs et celles-ci étant mieux alimentées, les fruits seront en plus grand nombre et plus gros.

Taille en vert des arbres fruitiers.

— Le praticien considère généralement la taille en vert ou d’été comme un travail indispensable à ses arbres ; il l’effectue avec un art plus ou moins consommé. Beaucoup d’amateurs, par contre, voient dans cette besogne une opération négligeable d’intérêt secondaire, parce qu’elle arrive au moment où les travaux sont très nombreux. Cependant, un simple examen montre qu’elle a une importance aussi grande que la taille en sec et que cette dernière ne peut rien sans la précédente et que, si, dans le présent, l’absence de l’ébourgeonnement ne paraît pas avoir une grande influence sur la fructification, il n’en est pas de même dans la suite. Dans l’établissement de la charpente de l’arbre, la forme et la distribution des coursonnes, son importance est capitale ; elle doit être considérée comme le complément indispensable de la taille d’hiver et le seul moyen de réaliser l’idée poursuivie dans son exécution.

Ébourgeonnement.

— C’est enlever toutes les pousses inutiles et ne conserver que celles indispensables pour former la charpente et la distribution convenable des coursonnes et des productions fruitières.

Ébourgeonnement pour la fructification.

— Dans les essences fructifiant sur des rameaux mixtes, c’est-à-dire portant des feuilles et des fleurs (vigne), l’ébourgeonnement, en préparant la forme, règle la fructification et assure une meilleure croissance aux fruits conservés. Sur les arbres où les fleurs apparaissent sur le vieux bois (pommier, poirier), l’ébourgeonnement conserve aux fruits les meilleures places, régulièrement situées le long des charpentières.

Les arbres donnant leur récolte sur les pousses de l’année précédente, il faut préparer le remplacement en même temps que la fructification est assurée (pêcher, abricotier). L’ébourgeonnement, supprimant les pousses inutiles, est l’unique procédé qui permette de faciliter la poussée sur celles qui se formeront dans l’année. Cette opération n’a donc pas une action immédiate sur la fructification, mais elle l’assure pour l’avenir et la régularise dans le présent.

Ébourgeonnement pour la forme.

— Par la taille d’hiver, on dirige la forme en laissant les yeux convenablement situés en nombre suffisant. L’action de la sève n’agira pas également sur chacun d’eux, si on ne la dirige pas. Elle prend souvent une direction au détriment des régions voisines, pousse trop vigoureusement dans des bourgeons inutiles, se dépense en pure perte sur des rameaux qui seront supprimés à la prochaine taille. Ainsi abandonné à lui-même, l’arbre le mieux taillé déjoue toutes les combinaisons du praticien. Avec l’ébourgeonnement effectué en temps opportun, on fait disparaître les pousses que l’arbre produirait inutilement et l’on conserve celles qui doivent servir à la formation ou la continuation des charpentières et celles occupant des situations convenables pour assurer la fructification dans le présent et l’avenir.

Pincement.

— Dans un arbre fruitier, toutes les nouvelles pousses ne sont pas visitées par la sève avec la même intensité. Les parties verticales, les extrémités des charpentières sont plus favorisées que celles venues dans les régions inférieures. Celles-ci sont abandonnées, leur croissance diminue de plus en plus, pour arriver à disparaître. À cette période, toutes ces régions se dénudent, les charpentières présentent des parties sans végétation, ne portant plus de fruits ; la production sera diminuée et le rendement de la plantation ne sera plus rémunérateur.

Cette situation ne peut se régulariser que par l’usage du pincement, en coupant l’extrémité des organes herbacés. Cette opération, supprimant la zone d’accroissement, arrête la sève en ce point pour la canaliser dans les régions inférieures.

Pratique du pincement.

— Le pincement doit s’effectuer au moment où l’extrémité du rameau est herbacée et peut se couper avec l’ongle. Effectué trop tôt, une poussée de sève aurait lieu et le premier œil au-dessous de la section partirait en rameau anticipé. L’opération serait à recommencer, aucun résultat ne serait acquis. Trop tard, la sève peu abondante ne serait plus capable de donner une poussée. Il ressort de ce qui précède que le pincement doit se faire en plusieurs fois à mesure que les rameaux arrivent à l’état de développement convenable ; on devra donc l’appliquer successivement.

Un pincement effectué trop long ne provoque pas un reflux de sève assez prononcé et ne fait pas grossir suffisamment le bourgeon à l’aisselle des feuilles inférieures. Trop court, il forme des poussées vigoureuses sur les yeux de la base et provoque leur évolution en bourgeons anticipés.

Effets du pincement.

— Cette opération vieillit le rameau sur lequel il est appliqué et le prépare à la fructification. Il provoque le grossissement des yeux à l’aisselle des feuilles, et ces derniers se transforment par la suite en productions fruitières. En passant par ces divers stades, le premier est caractérisé par la naissance à la base de deux ou trois petites feuilles en bouquets à l’aisselle des feuilles sur la partie pincée ; l’œil du centre grossit, les feuilles s’élargissent ; en fin d’année, l’œil du centre est pointu, porté sur une petite branchette lisse ou ridée. Ce dard se transformera l’année suivante en bourgeon fructifère ; souvent ce bourgeon, dans les variétés très fertiles, se met à fruit l’année de sa formation.

E. DEAUX.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 201