Depuis que les événements de guerre et la crise du papier
ont forcé d’interrompre la publication du Chasseur Français, certaines
modifications se sont produites dans l’obtention et la vente des plants
français, et des recherches nouvelles ont été effectuées sur les maladies de la
pomme de terre. Faire connaître d’abord aux lecteurs du journal ces quelques
nouveautés est une nécessité absolue, tant pour les producteurs que pour les
consommateurs. Dans cet exposé, nous tâcherons de signaler brièvement les
améliorations réalisées en France en matière de plants.
Les facteurs de la production.
— En raison des difficultés grandissantes éprouvées
pour le ravitaillement de la population, la production de la pomme de terre a
été et reste encore au premier plan de l’actualité. Si l’on n’a pas souffert
d’une disette alimentaire plus grave, c’est certainement à la pomme de terre
qu’on le doit. Accroître sans cesse le rendement de cette précieuse solanée a
été une des préoccupations les plus angoissantes de nos dirigeants. Or il faut
bien savoir qu’en dehors de l’étendue globale consacrée dans le pays à la pomme
de terre le rendement de cette culture est fonction de quatre facteurs
principaux ; la qualité des plants employés, la fumure utilisée, les circonstances
atmosphériques estivales, la lutte rationnelle contre les maladies et les
insectes déprédateurs.
Sur les conditions climatériques, nous ne pouvons
malheureusement rien, et l’exemple de l’année 1945 illustre bien cette manière
de voir : par suite d’une longue et intense sécheresse, les rendements
globaux ont fléchi considérablement. Il y a eu néanmoins, notons-le en passant,
des régions beaucoup plus favorisées que d’autres (zones maritimes, zones
montagneuses, etc.).
Pour la question des engrais, j’entends des engrais
extérieurs à la ferme, la France s’est trouvée tout à fait défavorisée
par rapport à d’autres pays. Alors qu’en Allemagne les engrais synthétiques
azotés étaient distribués abondamment dans les fermes (cela aux dires des
prisonniers), le cultivateur français n’a presque rien pu obtenir. Les engrais
chimiques de toute nature ont été et continuent encore à être livrés au
compte-gouttes. C’est là, certainement, une des causes principales de la
réduction des rendements ; ce n’est pas, comme on l’entend dire parfois,
l’esprit routinier des cultivateurs. Avec une fumure complémentaire convenable
d’engrais minéraux, on peut évaluer au bas mot un accroissement de récolte de
20 p. 100 pour l’ensemble du pays.
Les traitements contre les parasites (j’entends la
lutte contre le doryphore et le mildiou) ont pu, jusqu’à un certain point, être
bien conduits ; les cultivateurs, autant que je sache, ont pu, presque
toujours, se procurer des produits antidoryphoriques. D’autre part, si le
sulfate de cuivre a manqué, le mildiou de la pomme de terre, qui sévit surtout
en années humides, a fait relativement peu de ravages. D’ailleurs, on a eu
récemment l’heureuse idée de livrer des produits à base de cuivre et d’arsenic,
produits qui permettent de fabriquer des bouillies mixtes efficaces à la fois
contre le mildiou et le doryphore.
La campagne du plant.
— Reste, sur les quatre facteurs de la production,
celui de la qualité des plants employés. C’est là une question
extrêmement importante. On sait qu’avant la guerre on importait chaque année un
certain tonnage de plants étrangers de Hollande et d’Allemagne, de
Tchécoslovaquie, de Pologne et des Pays nordiques principalement, plants qui
revenaient cher, mais dont on était satisfait. Ces importations n’ont pas été totalement
supprimées du fait de la guerre et de l’occupation, mais elles ont été
ralenties et elles le sont encore, en raison de la rareté du matériel roulant.
Par la force des choses, on a dû accroître considérablement la production du
plant français, tout en maintenant quelque garantie sur sa valeur sanitaire. Il
y a donc eu nécessité de faire dans la métropole une véritable campagne du
plant.
L’extension et la diffusion des méthodes de sélection.
— Les lecteurs du Chasseur Français qui, avant
guerre, ont suivi mes articles sur l’amélioration de la pomme de terre ont pu
connaître qu’une organisation s’était créée en France pour la production des
plants sélectionnés, cela à l’instar de ce qui avait été déjà créé dans les
pays voisins. Cette organisation, appelée Fédération nationale des
producteurs de plants de pommes de terre, a son siège à Paris. Elle a pour
but de grouper tous les syndicats français s’occupant de sélection, de fournir
à ces syndicats affiliés les directives nécessaires avec un personnel spécialisé
pour la surveillance des divers contrôles. Or cette Fédération a pris, depuis
le début de la guerre, une extension considérable.
Grâce aux efforts combinés de ses dirigeants et à l’aide
méritoire apportée par les directeurs départementaux des services agricoles,
les professeurs d’agriculture, le nombre de syndicats s’occupant de l’obtention
du plant s’est accru d’une façon remarquable. Alors qu’en 1938 la production
des plants contrôlés et sélectionnés se cantonnait surtout en Bretagne et dans quelques
départements du Nord et du Massif Central, elle s’étendait en 1944 sur 26
départements, dont nous donnerons les noms plus loin. En fait, jamais on n’a
autant parlé qu’aujourd’hui de contrôle, d’épuration, d’isolement, de sélection
généalogique, de familles, de classes, etc. Est-ce à dire que les résultats
obtenus soient toujours parfaits, sinon satisfaisants ? C’est un peu tôt
pour en juger ; je me permettrai, dans un prochain article, d’apporter
quelques réserves sur ce sujet. Bornons-nous, pour l’instant, à féliciter la
Fédération et le personnel officiel du ministère de l’Agriculture pour l’œuvre gigantesque
entreprise dans le but d’améliorer le plant français.
Les syndicats de sélection.
— La Fédération possède un organe de documentation
technique qui a pour titre : La pomme de terre française. On peut
trouver, dans le numéro d’août 1945, la nomenclature par départements des
syndicats de producteurs de plants de pommes de terre ayant eu des cultures
agréées par la Commission officielle de contrôle, en 1944. La sélection s’est
effectuée dans 26 départements, groupant environ 125 syndicats. Les quatre
départements bretons : Finistère, Morbihan, Côtes-du-Nord,
Ille-et-Vilaine, comprennent à eux seuls la moitié environ de ces syndicats. Un
autre groupement important est constitué dans la partie septentrionale, de la
France, lequel englobe 27 syndicats (départements du Nord, de la Somme et
de l’Aisne). Les autres syndicats se rencontrent dans les départements
suivants ; Aveyron, Côte-d’Or, Creuse, Doubs, Eure, Haute-Garonne, Isère,
Jura, Loire, Haute-Loire, Loiret, Loir-et-Cher, Nièvre, Oise, Pas-de-Calais,
Puy-de-Dôme, Savoie, Seine-et-Oise, Haute-Vienne. Ce sont là les chiffres de
1944 ; depuis, le mouvement s’est encore étendu aux départements suivants :
Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Ardèche, Ardennes, Ariège, Aude, Cantal, Corrèze,
Eure-et-Loir, Gironde, Loire-Inférieure, Lozère, Marne, Mayenne,
Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Rhône, Haute-Saône, Saône-et-Loire,
Sarthe, Haute-Savoie, Seine-et-Marne, Seine-Inférieure, Tarn, Vendée, Vienne,
Vosges, Yonne, où les syndicats nouvellement créés sont soumis à un stage
probatoire de deux ans, avant d’être admis à produire du plant sélectionné.
Quant à la superficie consacrée à la sélection, nous
sommes également renseignés par le journal de la Fédération (numéro de janvier
1946).
Les superficies globales agréées par variétés et par
classes, pour le plant de 1945, atteignent 15.260 hectares, dont environ
6.091 ha. Classe D, 3.505 ha. Classe C, 3.515 ha. Classe B,
2.000 ha. Classe A, et 148 ha. élite. Comme les contrôleurs
n’acceptent pas toutes les cultures, on peut supposer que 30.000 à 40.000 hectares
ont dû être visités.
Cl. PERRET.
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