Les conseils dus à la pratique que je vais donner ci-dessous
peuvent aussi bien s’appliquer aux chiens courants qu’aux chiens d’arrêt et
même à toutes les races. Je m’adresse surtout aux amateurs possédant une lice
ou deux dont ils veulent conserver le sang pour leur usage personnel ou pour
leurs amis.
Quand cette lice commencera à entrer en folie, la prudence
exigera qu’on l’isole, car, si ordinairement elle ne se laissera saillir que du
dixième au onzième jour qui suivra le début de la folie, avec un mâle qu’elle
connaît bien, il pourrait en être autrement avant. De plus, sa présence énerve
les mâles et les incite à se battre.
Le meilleur isoloir est un grenier bien clos ; là, pas
de fuite ou d’introduction de mâle indésirable à craindre.
Vers le dixième jour, on présentera la chienne à l’étalon
choisi. Si celui-ci appartient à un chenil éloigné et qu’un voyage en chemin de
fer soit nécessaire, on devra l’expédier deux ou trois jours à l’avance de
façon à ce qu’elle soit présentée au mâle bien reposée ; après deux
saillies, la chienne ne devra être réexpédiée qu’au moins quarante-huit heures
après la dernière.
Le choix de l’étalon sera l’objet d’une profonde
méditation : certains grands lauréats d’épreuves très nerveux ne
conviennent pas à toutes les lices ; pour ceux-ci, une chienne à
tempérament lymphatique conviendra toujours, tandis que, pour une nerveuse, il
vaudra mieux utiliser un mâle de caractère plus débonnaire. Des exemples
nombreux de l’authenticité de ces principes peuvent se citer.
Après la saillie, la chienne sera encore isolée pendant une
dizaine de jours, puis elle pourra reprendre sa place au chenil. Il faudra,
jusqu’à la mise-bas, faire faire d’assez longues promenades à allure
modérée ; la bicyclette pourra servir.
La chienne qui a déjà produit porte habituellement soixante
jours, la primaire soixante-deux à soixante-trois jours ; quelques jours
avant la date de la mise-bas, on devra laver les mamelles à l’eau tiède
crésylée afin d’éviter qu’en tétant les jeunes n’absorbent des œufs de vers.
Pour la mise-bas, installer la chienne dans une niche
suffisamment vaste, bien garnie de paille très propre.
Après cette mise-bas, ne pas trop se presser de manipuler
les jeunes, afin de détruire ceux qui seraient en excédent sur le nombre que
l’on se propose de conserver. Les laisser tous téter le premier lait pendant
quarante-huit heures.
Il y aurait intérêt à conserver toute la portée jusqu’à un
certain âge, car le choix fait au bout de quelques jours serait peut-être tout
différent de celui fait à six mois.
Il est bien rare qu’une chienne bien nourrie ne puisse pas
élever toute sa portée jusqu’au sevrage. J’ai connu une Setter-Gordon qui a
élevé une portée de 12 chiots ; elle appartenait à un restaurateur
parisien et avait constamment à sa disposition viande et soupe.
Si on peut se procurer une chienne nourrice, l’élevage de
toute la portée en sera facilité. L’acceptation par celle-ci de ses nourrissons
pourra se faire après l’enlèvement de ses propres chiots ou en les mélangeant
d’abord à ceux-ci qui seront supprimés après cette acceptation.
Jusqu’à l’âge de un mois, il n’y aura pas à intervenir pour
la nourriture des jeunes, il faudra seulement alimenter confortablement la
mère : lait, viande crue de préférence et abats ; cœur et tripes. À
l’âge de un mois, on pourra donner aux jeunes un peu de lait tiède coupé par
moitié d’eau de Vichy. Le lait de vache entier ne convient pas à l’estomac des
chiots, il occasionne soit l’entérite, soit la diarrhée. Il n’en est pas de
même du lait de chèvre, qui peut-être donné pur. À six semaines, on présentera
de la viande crue ou des tripes (bœuf ou cheval) hachées et saupoudrées de
farine d’os.
En suivant ces prescriptions, on n’aura pas à intervenir
pour le sevrage, la mère s’en chargera quand elle n’aura plus de lait, et le
plus tard sera le meilleur. Il faudra veiller à ce que les jeunes ne soient pas
infectés par les vers, ce qui arrive très souvent. En ce cas, leur administrer
un vermifuge léger après un jeûne de vingt-quatre heures.
Après le sevrage, on augmentera la ration qui sera composée
de viande et de farineux. En ces temps où il est impossible d’employer le pain
on y suppléera par de la farine d’orge, ou mieux d’avoine.
La viande crue ou les tripes pourront toujours être
employées dans la mesure où l’on pourra s’en procurer.
Les jeunes ne devront jamais être attachés, et, s’ils ne
disposent pas d’un espace suffisant, ils devront être promenés, tous les jours
si possible.
Si on a observé ces prescriptions, on aura, à l’âge de dix
ou douze mois, des jeunes vigoureux dont l’organisme opposera une sérieuse
résistance à la maladie du jeune âge.
A. ROHARD.
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