L’oligoneuriella, éphémère crépusculaire, apparaît
aux premiers jours d’août. Reconnaissable à sa couleur, à son vol, à sa chute
sur l’eau, à l’heure fixe de son éclosion, le pêcheur averti ne s’y trompe
pas : les beaux coups du soir à l’heure douce des couchers de soleil, dans
le ciel et l’eau embrasés pour le plaisir des yeux, vont revenir.
Elle arrive en bandes serrées, qui se transforment
rapidement en nuées tourbillonnantes, au-dessus des courants vifs sur graviers
peu profonds, des eaux vives à clapotis ou à ressauts. Elle y fait la navette.
Puis, quand sa brève existence aérienne d’une heure environ
est finie, elle disparaît brusquement. On ne la reverra que le lendemain, à la
même heure, aux mêmes endroits, chaque soir, et jusqu’au début d’octobre.
Sa larve noire, à deux cerques, est fusiforme, plate en
dessous. Elle vit dans les courants rapides collée aux pierres. On l’appelle
parfois « cuquet noir » ; c’est l’amorce favorite des pêcheurs
aux cordes.
L’insecte a 15 millimètres, 4 ailes (2 rudimentaires)
à cinq nervures longitudinales (les transversales sont presque invisibles). Sa
couleur est gris-fumée, mais paraît gris bleuté dans l’air. L’abdomen a 10 anneaux
gris foncé séparés par une zone plus claire. Les yeux sont noirs, le thorax
brun clair, les pattes courtes et fines. Les cerques disparaissent pendant la
ponte, laissant à leur place des filaments de 10 millimètres pareils à de
la soie blanche très fine et frisée.
Au début de l’éclosion, elle vole souvent accouplée, tombe à
l’eau, va à la dérive, battant des ailes, puis se relève et repart dans le
ciel. Parfois un troisième partenaire s’incorpore au couple pour un instant. À
son arrivée, elle traîne une minuscule oriflamme (8 mm.) toute blanche.
Bientôt après, si le pêcheur regarde l’eau, il constate qu’elle est parsemée de
petits traits blancs que l’eau emporte : l’oligoneuriella éclôt si
rapidement qu’elle emporte avec elle son exuvie ; ce n’est que dans l’air
qu’elle s’en débarrasse. Enfin, quand la nuit arrive, la rivière se couvre de
pauvres petits corps inertes et vides, ailes à plat, sans mouvement. L’insecte,
ayant pondu d’un seul coup ses petits œufs jaune-or, meurt.
Au début de l’éclosion, vandoises, chevesnes, truites sont
friands de cet éphémère. Tant que l’insecte est vivant, il est gobé avidement
quand il touche l’eau, et le poisson saute de tous côtés. Vide, mort, ailes à
plat, il est encore pris, mais avec moins d’entrain ; enfin, le courant ne
portant plus rien, les gobages cessent, le calme et le silence reviennent dans la
nuit.
De cette observation, le pêcheur retiendra : la
constitution de l’insecte, la chute du couple dans l’eau, le corps
inanimé ; il en retirera au moins trois mouches, trois méthodes de pêche,
la nécessité de faire vite.
Mouches.
1° Insecte femelle seul.
— En voici les matériaux : hameçon 12 ou 13,
hackle de coq gris-fumée, bleuté ou tigré à barbules de 13 millimètres
environ. Trois brins de coton mercerisé gris, jaune-or, blanc. Monter une
araignée. Enrouler d’abord le brin jaune-or, en prenant sous lui le brin blanc
(coupé à 8 millimètres), l’effilocher sur un tiers de l’hameçon, faire
plusieurs tours (ce sont les œufs). Enrouler ensuite le fil gris après avoir
fixé le hackle, façonner les ailes. Ne laisser presque rien aux pattes et rien
sur les côtés.
En montant des ailes à plat (hameçon à ergot ou autre
procédé), sur un corps gris, on aura une variante pour la fin de la séance.
2° Mouche double.
— Elle imite l’insecte accouplé tombé à l’eau. Il
suffit de prendre sous le corps de la mouche précédente un bout de gros crin
sur lequel on habille symétriquement une mouche semblable.
Tactique.
— Déduite de l’observation ci-dessus : avant
l’arrivée des insectes, pêcher en noyée avec une seule mouche. Retraits.
Bientôt après, pêcher avec deux mouches, la simple en pointe, la double en
sauteuse « up stream », ou en suivant très librement ; tirer
plutôt dans le sens du courant. Ratés nombreux en dérivant. Mouche glissée
avant de changer de place dès que les touches faiblissent ... Changer de
place rapidement et souvent, surtout si la région est fréquemment pêchée :
y revenir.
Quand la nuit sera déjà venue, que vandoises, truites
sautent presque dans votre panier, allez sur la partie moins vive du gravier et
péchez-y avec la mouche à plat, montée à l’avance sur une deuxième canne, en
sèche, quelques tressaillements, mouche glissée.
Quand tout enfin semble revenu normal, allez dans la partie
morte (les cadavres d’insectes y sont encore), lancez-y votre mouche sans rien
voir, attendez deux ou trois secondes et ramenez lentement. C’est au
commencement du retrait que vous aurez les meilleures touches.
Enfin, quand la lune dépassera le « cimbel » des
peupliers et qu’elle inondera de lumière blafarde votre coup, vous pourrez
partir.
Pour réussir au coup du soir, il faut bien connaître les
coups, ne pas tâtonner, aller vite sans emballement. Pas d’épuisette, deux
cannes. C’est tellement absorbant que le pêcheur oublie tout de ce moment si
beau, si doux de la journée.
P. CARRÈRE.
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