J’assistais dernièrement aux épreuves athlétiques comptant
pour les examens de la formation prémilitaire. Ces jeunes gens de vingt ans
manifestaient une remarquable infériorité physique : beaucoup ne pouvaient
sauter 1 mètre en hauteur, d’autres ne couraient pas les 100 mètres
en quinze secondes, certains enfin ne savaient même pas comment tenir leur
poids afin de le lancer. Au total, environ 30 p. 100 de déchets, et ceci,
avant les épreuves militaires proprement dites.
Insouciance des jeunes, manque de compétence de la part des
entraîneurs ? Les deux à la fois sans doute.
La compétence, au point de vue sportif et même simplement
physique, ne peut s’acquérir que lentement. Il faut que cette tâche ardue soit
confiée à des éducateurs sérieux et aimant leur métier, ne voulant que le bien
des jeunes qu’ils ont charge de former, connaissant physiologiquement les
réactions provoquées dans l’organisme par certains exercices.
Or le personnel préposé à l’éducation physique des jeunes de
la formation prémilitaire est-il toujours à la hauteur de sa tâche ?
Souvent, ce sont les gendarmes des petits villages qui
prennent les jeunes en mains ; leurs connaissances militaires sont sans
doute excellentes, mais leur « gymnastique » est, la plupart du
temps, dérisoire, quand elle n’est pas inexistante. Ceci est un peu excusable,
il y a longtemps qu’ils ont quitté les bancs de l’école, et ils ne sont plus
familiarisés avec l’effort physique.
Trouver un remède à cet état de choses ? Rien de plus
facile si on le voulait vraiment. Puisque les jeunes gens sont soumis à une
journée de formation prémilitaire par semaine, pourquoi ne pas les grouper dans
un centre important, ville ou gros bourg ? Là, des moniteurs autorisés,
tant civils que militaires, pourraient les faire travailler avec profit.
Mais, en général, nos jeunes aiment-ils les activités
physiques ? Hélas ! leur réponse, tant par leur tenue que par leur
langage, est souvent négative. L’éducation physique à la formation prémilitaire
est pour eux soit une corvée, soit une partie de chahut, soit une occasion de
« tirer au flanc ».
La jeunesse française ne voit pas et ne veut pas voir
l’utilité de l’effort qu’on lui demande ; seul son plaisir compte :
dancing, café, cinéma, flâneries sans but. Rien ne lui tient à cœur, rien ne
l’intéresse, elle tourne en rond sur elle-même comme une bête traquée et
cernée, cherchant en vain une issue pour se dégager.
Cette insouciance est du reste le mal le plus grave dont
nous souffrons actuellement en France. Nous avons perdu le goût de l’effort
accompli uniquement pour lui-même ; on ne veut pas engager sa
responsabilité ni prendre d’initiative. Personne ne veut se poser en chef, mais
tout le monde est prêt à s’abriter derrière une autorité fictive et ...
lointaine.
Une éducation morale saine serait rapidement souhaitable si
l’on ne veut pas voir le pays sombrer dans l’apathie, le vice et, au delà,
l’anarchie.
Reconstruction matérielle de nos ruines, de notre industrie,
de notre commerce, certes, mais, par-dessus tout, reconstruction physique,
morale et civique. Il faut inculquer aux jeunes l’esprit du stade, l’esprit de
la lutte loyale et sans calculs où l’on ne remporte qu’un seul prix : la
victoire sur le temps ou l’espace par sa propre action, sa propre volonté. Si
l’esprit se fortifie dans le courage, l’énergie, la maîtrise de soi, le corps
en subit indubitablement le contre-coup. Physique et moral sont étroitement
liés.
Donc, physiquement, un gros effort s’impose, afin de donner
au pays une jeunesse saine et forte, capable de représenter dignement nos
couleurs dans les concours internationaux. Ling, dans l’un de ses ouvrages sur
la méthode suédoise, n’écrivait-il pas : « Quand la France s’occupera
d’éducation physique, il se passera quelque chose de grand dans le
monde. » Oui, si nous le voulons !
José MARTIN.
|