Beaucoup d’entre vous, surtout dans les zones suburbaines,
n’avez pu planter de pommes de terre cette année, faute des plants sur lesquels
vous comptiez. Des tickets de pommes de terre n’ont pas été honorés par les
fournisseurs auxquels vous les aviez remis, ceux-ci n’ayant pas été
approvisionnés. Lorsque des livraisons ont pu être effectuées, elles l’ont été
si tardivement que, dans maintes régions du Sud-Est et du Sud-Ouest, la récolte
du précieux et alimentaire tubercule en sera très réduite.
Prenez donc prudemment vos dispositions pour ne plus vous
trouver dans un pareil embarras en 1947 en constituant une réserve de plants, à
préparer dès maintenant et à constituer dès la récolte, même si vous ne deviez
pas en avoir l’utilisation et deviez, pour cela, les considérer, lorsque vous
serez fixé, comme pommes de terre de consommation.
On est arrivé à produire 200.000 tonnes de pommes de
terre sélectionnées en 1945. Avec l’appoint de celles importées, on est arrivé
à 400.000 tonnes pour les plantations de 1946, alors que les besoins
s’élevaient à 550.000 tonnes au moins, ce qui justifie le conseil donné
ci-dessus.
Par ailleurs, les années que nous venons de vivre ont été
fatales aux bonnes variétés de pommes de terre, tant elles sont menacées en
permanence par les affections de dégénérescence, cryptogamiques, physiologiques
et autres. Il s’y ajoute les dégâts commis par le doryphore et, dans le Sud-Est,
par la teigne dévastatrice. Une telle situation implique de constants
efforts : contrôle phytosanitaire sévère, renouvellement du plant,
traitements, etc., et, pour les sélectionneurs, une application continue dans
les régions et situations favorables à la culture régénératrice de cette grande
ressource alimentaire.
Il faudra donc, là aussi, du temps pour que vous puissiez
vous approvisionner de plants sains régénérés. Raison de plus pour que, cette
année principalement, vous sélectionniez vous-même, dans vos plantations de
pommes de terre, les sujets susceptibles de vous « dépanner ». Les
conseils qui suivent sont, bien entendu, valables pour les années suivantes,
dans la mesure où vous aurez à les appliquer.
Procédez à une première sélection « sur pied », au
cours de la végétation, une seconde à l’arrachage, une troisième à la prégermination,
à laquelle vous procéderez l’hiver prochain, et vous vous assurerez ainsi, en
ce qui concerne le choix et la préparation du plant, le maximum d’éléments de
réussite.
Observez attentivement la croissance de vos pommes de terre,
notamment au cours des façons culturales : binages, buttages, traitements.
En année normale, je vous conseillerais de supprimer sans regret les pieds dont
la végétation laisse à désirer. Cette année, le plus minime rendement que les
touffes déficitaires pourront vous donner est trop nécessaire pour que vous
vous en priviez.
Marquez donc, avec des baguettes, les pieds ou touffes de
pommes de terre présentant une belle vigueur végétative, aux tiges robustes,
dressées, au feuillage amplement développé, net et bien vert, parmi ceux dont
la végétation vous apparaît satisfaisante. Arrachez séparément les pieds
marqués les premiers, « en vert », c’est-à-dire au début du
flétrissement des tiges ou fanes encore dressées, les feuilles commençant à
jaunir. Les producteurs de plants ont reconnu depuis longtemps que l’arrachage
« en vert » est la meilleure méthode pour obtenir des plants sains, à
l’abri de la « fusariose », cette pourriture sèche qui se propage au
cours de la conservation.
Profitez pour cela des journées sèches de fin d’août et du
début de septembre pour les variétés hâtives et demi-hâtives et attendez,
autant que possible, que le sol soit ressuyé pour les arrachages plus tardifs.
Dans ce cas, procédez ensuite à l’arrachage des autres pommes de terre
destinées à votre consommation, à traiter également avec soins tant il est
désirable que vous évitiez toute perte.
Mettez les pommes de terre-plants dans un panier ou une
manne au fur et à mesure de l’arrachage des touffes. Ne les laissez pas, en
effet, sur le sol par temps chaud, car le soleil les cuit et vous risquez que
beaucoup des tubercules échauffés pourrissent rapidement. Les tubercules
arrachés par temps sec sont nets. Étendez-les, cependant, sous un hangar ou
tout autre abri pour les faire ressuyer ; les particules de terre se
détachent alors facilement et vous avez ainsi des tubercules nets pour leur
conservation. Triez ensuite soigneusement les tubercules, en éliminant tous
ceux blessés au cours de l’arrachage, tachés et, dans les régions envahies par
la teigne (zones méditerranéennes française et de l’Afrique du Nord), ceux qui
présentent des galeries creusées par la larve de ce parasite.
Si votre récolte de pommes de terre-plants correspond aux
quantités qui vous sont nécessaires, conservez tous les tubercules dans ce but,
sauf les minuscules. Les gros pourront être sectionnés au moment de la
plantation ou vous fournir de robustes boutures. Cette récolte est-elle
abondante et dépasse-t-elle les quantités de plants dont vous aurez
besoin ? Réservez les plus gros tubercules pour votre consommation, en gardant
comme plants ceux de grosseur moyenne, pesant de 30 à 40 grammes.
La lumière, même si elle verdit quelque peu les
tubercules-plants, en durcissant la peau, est favorable à une bonne
conservation. Vous pouvez donc les étendre momentanément au grenier ou dans
tout autre local avant de les entreposer dans la cave, à l’abri des gelées.
Nous vous dirons ultérieurement comment conserver les pommes de terre-plants et
les pommes de terre de consommation, afin de n’en perdre aucune.
Dans les zones méditerranéennes de la métropole et de
l’Afrique du Nord, ce sont les plantations effectuées en juillet et début
d’août qui fournissent les meilleurs plants pour les plantations de janvier à
mars, car ceux récoltés en juillet germent par trop rapidement.
En général, les pommes de terre de la seconde récolte, que
l’on désigne sous le nom de grenadines, parce que de grosseur moyenne, sont
appropriées à cette destination. Procédez également à la sélection « sur
pied » en marquant les meilleurs en fin septembre, début octobre. Procédez
à leur arrachage de fin octobre en janvier, en profitant d’une période
relativement sèche, car, dans les sols argileux, les tubercules sont enrobés de
terre, ce qui nous oblige à les mettre longuement à ressuyer en les étendant
sur le sol d’un local sec.
A. DE BRETEUIL.
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