Le concours international annuel des roses nouvelles de la
célèbre roseraie de Bagatelle, domaine de la ville de Paris, a été institué en
1907 par décision du conseil municipal. Voici, en résumé, comment ce concours a
lieu et ses répercussions mondiales.
Les rosiers de variétés inédites, plantés au cours de
l’hiver, sont examinés avec attribution de points de classement :
1° en juin de la première année, par le jury international,
qui juge des qualités d’ensemble des sujets de chaque variété ;
2° en septembre, par une sous-commission, qui constate les
degré de vigueur, beauté du feuillage, résistance aux maladies ;
3° dans l’intervalle, par un groupe de l’Administration, qui
suit les floraisons, chiffre le nombre des roses (c’est-à-dire la floribondité)
et le comportement des sujets.
Ces mêmes rosiers sont définitivement jugés la seconde année
par le jury international d’après leurs qualités d’ensemble (comportement,
beauté des roses, tenue, forme, couleur, originalité, etc.) et leur parfum. Les
récompenses suivantes sont attribuées : la médaille d’or de Bagatelle à la
variété championne française ; une seconde médaille d’or à la lauréate des
roses des variétés étrangères ; et, en plus, des certificats de mérite de
Bagatelle. Les rosiers sarmenteux plus longs à rétablir ne sont jugés
définitivement que la 3e année.
Cette grande compétition bénéficie d’une réputation
mondiale. Les licences d’édition et de multiplication des variétés primées sont
achetées par d’importantes firmes spécialisées et rapportent des droits
d’auteur substantiels à leurs créateurs. Elles motivent un chiffre d’affaire
considérable, notamment aux États-Unis, où elles sont très recherchées, et font
prime, car les nouvelles variétés françaises de roses battent de loin toutes
les autres. Elles sont multipliées outre-Atlantique par centaines de mille et
millions de sujets répartis dans tous les jardins, devenant les ambassadrices
parfumées de la qualité française. C’est ainsi, m’affirme-t-on, que la Rose Peace
(la paix), qui fait fureur aux États-Unis, va rapporter une quinzaine de
millions de droits à son obtenteur français !
Le concours des années 1941 à 1945 ne comportait que des
rosiers et des jurés français. Le jury qui fonctionna le 7 juin 1946
associait deux jurés étrangers : M. Lamesch, du grand-duché de
Luxembourg, et M. Payle, propriétaire d’un des plus vastes établissements
qui éditent les roses françaises aux États-Unis. M. Payle était venu
spécialement en avion pour traiter en même temps des droits d’édition de
nouvelles roses, au même titre que les chefs des grands magasins viennent
assister aux présentations de la haute couture parisienne pour acheter des
modèles. Ces roses ont donc une valeur d’exportation. La rose nouvelle classée
cette année première des vingt-deux variétés concurrentes est un hybride de thé
issu de semis inédits ; elle a été nommée André Le Troquer. C’est
une splendeur. Le rosier est très vigoureux, amplement ramifié, d’excellente
tenue, doté d’un beau et large feuillage d’un vert franc, brillant ;
chaque rose, portée par une tige forte et turgescente, est de belle taille, au
bouton élégamment allongé, d’une chaude couleur ocrée. Ce rosier forme de
vastes touffes ; et les roses coupées apporteront dans l’intérieur de la
maison un rayon doré d’intense ensoleillement.
La variété Caprice, gagnante du premier certificat,
présente une ascendance complexe. Elle a comme parents une rose de la nouvelle
classe ou race : floribunda x fantasque et un Polyantha. Le
rosier forme une touffe dense au beau feuillage, très remontant, remarquable
par sa générosité en belles roses d’un rouge éclatant et velouté, dont le
brillant est encore avivé par les onglets jaune d’or des pétales, couleur qui
s’entremêle en veinules avec le rouge.
La variété Bir Hakeim présente une originalité affirmée,
constituant des touffes très aérées, aux tiges d’une sveltesse nerveuse,
portant plusieurs roses d’un beau rouge velouté, roses de parterre et pour
fleurir la maison, que qualifie un certificat.
Un certificat spécial classe la variété suivante seconde au
concours de 1946. Elle a nom Alain. C’est un rosier polyantha, d’une
ascendance « tripartite », par conséquent très différent des autres.
Ses parents sont : Wilheim x Guinée x Orange-Triomphe, un de ces
rosiers de parterre que, pour cette raison, on désigne sous le nom de
rosiers-géraniums. Il forme des touffes denses, chaque tige se couronnant par
un panache de roses d’un beau rouge intense, demi-doubles, si abondantes
qu’elles masquent le feuillage. Cette variété venait d’obtenir, par surcroît,
le premier prix du concours annuel de la plus belle rose de France, organisé au
parc de la Tête d’Or, à Lyon. C’est un rosier très décoratif pour le jardin et
dont les panaches se prêteront à la composition de vastes corbeilles dans les
appartements.
Soixante nouvelles variétés engagées dans le concours
1946-1947 ont été examinées pour la première fois ce même 7 juin. Se
dégagera-t-il parmi elles, au jugement de 1947, la variété tant attendue, d’une
perfection telle qu’elle méritera le nom de Libération ? Ce nouveau
rosier devrait réunir le maximum de qualités et d’aptitudes pour justifier sa
destination : être planté en masses sur tous les points de départ de la
libération de notre France. Cette rose est également très attendue aux
États-Unis pour être éditée à des millions d’exemplaires.
R. D.
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