Dans les régions cidricoles où, comme en Normandie, le mode
de plantation le plus généralement adopté est la plantation en verger herbé
(cour, herbage planté), la formation de la tête des pommiers à cidre qui
doivent y être cultivés ne préoccupe pas assez les cultivateurs cidriers, eu
égard au réel intérêt qu’elle présente pour eux, comme nous allons le montrer
après avoir dit quelques mots des différentes formes qu’affectent ces arbres
suivant la façon dont leurs branches se dirigent naturellement.
Formes de la tête des pommiers.
— En se basant sur les formes les plus répandues dans
les vergers, on peut classer les pommiers à cidre en quatre groupes :
1° Pommiers à forme verticale ;
2° Pommiers à forme sphérique ;
3° Pommiers à forme divergente ;
4° Pommiers à forme horizontale.
Entre ces quatre groupes, il en est un qui possède une plus
grande importance que les autres, c’est celui qui réunit les pommiers à forme
verticale, et voici pourquoi :
Pommiers à forme verticale.
— La raison de cette importance est d’ordre cultural et
économique.
Elle est d’ordre cultural en ce sens que ce genre de
pommiers doit être préféré pour la plantation des vergers où l’on met des
animaux pâturer en liberté, notamment des chevaux, mulets, ânes, bœufs, vaches,
parce que la direction ascendante de leurs branches inférieures les place hors
des atteintes de ces animaux à toute époque de l’année.
Elle est d’ordre économique parce que la hauteur des
branches, en empêchant les animaux de les briser et d’en manger les fruits, évite,
d’une part, les dommages qui en seraient résultés pour les arbres et, d’autre
part, pour les animaux, les dangers consécutifs à « l’empommage ».
Enfin, il convient d’ajouter que cette forme facilite, dans beaucoup de cas, la
circulation des véhicules, principalement au moment de la récolte des pommes.
Il y a donc un réel intérêt pour les cultivateurs cidriers à
connaître des pommiers de ce genre, afin de les cultiver de préférence à ceux
dont la tête présente une autre forme.
Dans ce but, nous avons choisi, parmi un assez grand nombre
de variétés, celles dont la liste suit. Elles appartiennent aux trois saisons
ou maturations et sont reconnues par les pomologues comme bonnes ou
excellentes.
Elles n’excluent pas, bien entendu, les sortes locales de
pommiers à tête verticale dont la réputation est justifiée dans la région où se
trouve le verger qui doit en être complanté.
Variétés de pommiers.
Première saison.
— Doux Joseph, Jannet pointu. Précoce David, Reine des
hâtives, Railé Varin.
Deuxième saison.
— Amer doux, Barbarie, Bramtot, Mettais, Clozette, Doux
amer gris, Fréquin rouge, Omout, Joly rouge.
Troisième saison.
— Amère de Berthecourt, Argile grise, Doux Normandie, Fréquin
Andièvre, Galopin, Grise dieppois, Martin Fessard, Moulin à vent. Muscadet,
Reine des pommes, Rousse de la Sarthe, de Boutteville, Groseillier, Doux Belan,
Armagnac, Ambrette, Amère petite de Bray, Rouge Avenel.
Bien que ces trente variétés méritent toutes d’être
cultivées dans les vergers des régions où elles sont bien adaptées, il en est
dix que nous conseillons plus spécialement. Les arbres sont tous fertiles,
rustiques et vigoureux, et souvent à un très haut degré. Quant aux fruits,
leurs caractères essentiels sont très résumés ci-dessous. Nous comprenons dans
ces dix variétés le Binet blanc, bien que sa tête soit plus arrondie que
dressée, mais c’est que, d’une part, ses branches sont très résistantes et ne
s’inclinent pas sous le poids des fruits et que, d’autre part, ses fruits
servent de base aux « pommées » très estimées. Les analyses se
rapportent à un litre de jus.
Railé Varin. — Fruit rouge, moyen, plat ;
chair douce, parfumée ; maturité octobre. Jus coloré ; cidre de bonne
qualité, pouvant créer une marque ; sucre : 240 grammes.
Bramtot. — Fruit jaune gros, plat ou conique.
Chair douce, amère. Maturité novembre-décembre. Cidre pâle, parfumé, convenant
pour marque très fine ; sucre : 165 grammes.
Doux amer gris. — Fruit jaune, verdâtre, moyen,
conique ; chair douce, amère. Maturité novembre-décembre. Cidre très
coloré et alcoolique. Variété convenant pour tous terrains ; sucre :
188 grammes.
Joly rouge. — Fruit rouge, teinté de vert, gros,
plat ou conique. Chair douce, amère, parfumée. Maturité en novembre, mais se
conservant bien. Cidre coloré, excellent pour une marque ; sucre :
132 grammes.
Mettais. — Fruit rouge orangé, gros, plat ;
chair assez amère, parfumée. Maturité fin novembre. Cidre bien coloré, restant
longtemps doux ; sucre : 148 grammes.
Binet blanc. — Fruit jaune, moyen, plat.
Maturité novembre. Cidre assez coloré. Chair douce, parfumée ;
sucre : 163 grammes.
Doux Normandie. — Fruit rouge, gros, plat ;
chair douce. Maturité novembre-décembre. Cidre coloré, excellent, de bonne
garde ; sucre : 166 grammes.
Grise Dieppois. — Fruit gris roux, petit,
plat ; chair douce. Maturité novembre et décembre. Jus très coloré,
alcoolique, pour distillation ; sucre : 196 grammes.
Reine des pommes. — Fruit rouge, gros,
plat ; chair amère. Maturité décembre-janvier. Cidre de bon goût et belle
coloration ; sucre : 167 grammes.
Rouge Bruyère ou Argile grise. — Fruit
gris roux, gros, plat ; chair douce, amère. Maturité décembre-janvier.
Cidre coloré, alcoolique, pour distillation ; sucre : 194 grammes.
Par la beauté de leur épiderme et surtout par la fermeté de
leur chair, toutes ces sortes conviennent pour le commerce des fruits à cidre,
tandis que les plus sucrées d’entre elles sont capables de fournir des cidres
alcooliques d’un haut rendement en eau-de-vie ou alcool neutre qui, si tout le
sucre fermentait complètement, pourrait s’élever entre 9 et 11 p. 100
d’alcool pur.
Étant donnée la réputation bien établie de ces sortes, il
est facile de se les procurer à l’état d’arbres greffés dans toutes les
principales pépinières.
L. LANEUVILLE.
|