La loi du 18 avril 1946 a apporté d’importantes
modifications à la législation sur les baux à loyer d’immeubles ou de locaux à
usage commercial, industriel ou artisanal.
En voici les principales.
Durée minima des baux renouvelables.
— Les commerçants, industriels et artisans qui désirent
obtenir le renouvellement de leur bail, lorsque celui-ci arrive à expiration,
doivent justifier d’une certaine durée de location.
Cette durée vient d’être sensiblement réduite par la loi
nouvelle du 18 avril 1946.
Aux termes de l’article 1er de cette loi, le
renouvellement du bail peut être invoqué par les locataires ou leurs ayants
droit qui justifient soit d’une jouissance consécutive de deux années en vertu
d’un ou plusieurs baux écrits successifs, soit d’une jouissance consécutive de
quatre années en vertu ou bien d’un ou plusieurs baux verbaux successifs, ou
bien de baux écrits en verbaux successifs.
Procédure de la demande de renouvellement.
— La procédure à suivre en vue d’obtenir le
renouvellement du bail a été remaniée sur plusieurs points par la loi en
question.
Délai. — Le délai dans lequel doit être formée
la demande de renouvellement du bail est de six mois au moins et de deux ans au
plus avant l’expiration du bail ou de sa prorogation suivant le cas. Auparavant,
le minimum et le maximum de ce délai étaient respectivement de dix-huit mois et
de deux ans avant la fin du bail.
Forme. — Le commerçant n’a plus la faculté de
demander le renouvellement du bail par lettre recommandée avec avis de
réception ou par acte intrajudiciaire ; il doit formuler cette demande par
acte intrajudiciaire seulement.
Contenu. — Dans sa demande de renouvellement, le
locataire avait à mentionner, à peine de nullité, la forme et le délai dans
lesquels le préavis devait être donné par le propriétaire qui désirait exercer
le droit de reprise. Cette obligation a été supprimée par la loi nouvelle.
Représentation des parties. — En cas de
différend devant les tribunaux, les parties doivent, en principe, comparaître
en personne.
La loi du 30 juin 1926 les autorisait cependant à se
faire assister et, en cas d’excuse, à se faire représenter par un avoué ou un
avocat régulièrement inscrit, dispensé de procuration.
La loi du 18 avril 1946 supprime cette obligation de
produire des excuses pour pouvoir se faire représenter par un avoué ou par un
avocat.
Désignation de l’expert. — En cas de désaccord
des parties devant le président du tribunal civil, non pas sur le principe du
renouvellement du bail, mais sur les conditions de ce renouvellement, le président
invitait le bailleur et le preneur à désigner chacun un arbitre ; ceux-ci
devaient donner leur avis à ce sujet.
Désormais, c’est à un seul expert désigné par le président
du tribunal civil qu’est confié le soin de rechercher tous éléments d’appréciation
permettant de fixer équitablement les conditions du bail renouvelé.
Indemnité d’éviction au commerçant.
— Le commerçant évincé par suite du non-renouvellement
de son bail arrivé à expiration peut prétendre, en principe, à une indemnité
d’éviction.
La loi du 18 avril 1946 vient de renforcer sur quelques
points le principe de ce droit à indemnité du commerçant évincé.
Offre d’un tiers. — Cette loi ne permet plus au
propriétaire de refuser le renouvellement du bail sans être tenu à l’indemnité
d’éviction, lorsqu’il justifie d’une offre de prix de location de la part d’un
tiers que le commerçant ne peut faire lui-même.
Collectivités propriétaires. — Les collectivités
(État, départements, communes, établissements publics) ne peuvent plus refuser
le renouvellement de leurs baux, même en invoquant une raison d’utilité
publique, sous peine d’être tenues de payer l’indemnité d’éviction au
locataire.
Taux de l’indemnité. — La loi nouvelle précise
que l’indemnité d’éviction sera au moins égale à la valeur du fonds, sauf le
cas où il sera démontré par le propriétaire que le locataire évincé possède
d’autres fonds de commerce, ou que le local dont il s’agit abrite des
succursales, ou encore le cas où le propriétaire fera la preuve que le
préjudice est moindre.
Révision du prix du bail en cours.
— Si, pendant la durée du bail, les conditions
économiques se modifient au point d’entraîner une variation de plus du quart de
la valeur locative, fixée soit amiablement, soit par voie de justice, les
parties peuvent demander la révision du prix ainsi fixé.
Cette demande n’est cependant recevable que trois ans au
moins après l’entrée en jouissance du locataire et ne peut être renouvelée que
tous les trois ans après que le nouveau prix aura été payé.
Droit de reprise du propriétaire.
— Le propriétaire peut refuser le renouvellement du
bail sans être tenu à l’indemnité d’éviction, s’il est établi que l’immeuble
doit être totalement ou partiellement détruit parce que menaçant ruine ou étant
en état d’insalubrité reconnue.
Le locataire a le droit de rester dans les lieux jusqu’au
commencement des travaux ; il a priorité pour louer dans l’immeuble
reconstruit.
Par contre, le droit de reprise n’est plus reconnu au
propriétaire lorsqu’il veut l’exercer pour l’habitation au profit de ses
ascendants, à moins de payer une indemnité d’éviction.
De même, le propriétaire ne peut reprendre les lieux en vue
d’une occupation industrielle ou commerciale rigoureusement personnelle (son
conjoint, ses descendants, ascendants et leurs conjoints en sont exclus) que
dans les trois cas suivants :
1° Si le locataire n’a pas exploité personnellement et
pendant quatre années entières et consécutives le fonds de commerce installé
dans les lieux ;
2° Si le locataire est une société anonyme ou en commandite
par actions ou entreprise à succursales multiples, à moins que le propriétaire
entre lui-même dans l’une de ces catégories ;
3° Si le propriétaire a été sinistré dans son habitation
personnelle ou dans son exploitation industrielle ou commerciale, de telle
sorte qu’il est dans l’impossibilité de l’occuper ou d’y exercer son
entreprise.
Droit à prorogation des commerçants.
— L’article 2 de la loi du 18 avril 1946
dispose, en outre, que sont prorogés de plein droit jusqu’au 1er janvier
1948 les baux à usage commercial, industriel ou artisanal échus depuis le 1er septembre
1939 et non encore renouvelés, à la condition que les titulaires de ces baux ou
leurs ayants droit soient encore dans les lieux.
Les collaborateurs, les épurés, les condamnés pour profits
illicites sont exclus de ce bénéfice.
En principe, le droit de reprise du propriétaire est
suspendu jusqu’à cette même date du 1er janvier 1948, sauf
exceptions prévues par la loi.
Relevés de forclusions et déchéances.
— Nonobstant toute décision de justice non encore
exécutée, sont relevés des forclusions, déchéances ou irrecevabilités encourues
au titre de la loi du 30 juin 1926 les locataires occupant encore les
lieux.
Ils doivent, à cet effet, former une demande afin de
renouvellement de bail ou d’indemnité d’éviction dans les six mois de la
publication de la loi du 18 avril 1946. Ce délai est prolongé pour les
prisonniers ou déportés. Une disposition spéciale est prévue pour les déportés,
les spoliés.
L. CROUZATIER.
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