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Madagascar depuis la guerre

Madagascar, durement touchée par la crise économique, rétablissait sa situation quand la guerre éclata.

Les dernières statistiques complètes montrent le commerce de 1937 favorable à la colonie. Les importations s’élevaient à 127.956 tonnes, valant 467.786.000 francs. À l’exportation, 203.207 tonnes pour 589.742.000 francs. La métropole vend 343,7 millions et achète 407 millions.

En 1938, le commerce extérieur est de 500.000 tonnes, représentant plus d’un milliard de francs.

Après le désastre de 1940, Madagascar tourna son trafic vers l’Indochine et l’Extrême-Orient.

Lors de l’occupation par les Alliés, elle orienta son commerce vers les Nations Unies.

En 1944, les exportations se sont élevées à 127.000 tonnes, valant 1.200.000.000 de francs. Les importations sont montées à 61.000 tonnes, représentant les produits indispensables.

Le commerce extérieur est contrôlé par l’Administration.

Depuis la dévaluation du 26 décembre 1945, le franc à Madagascar vaut 1 fr. 70 de la métropole.

Le courrier hebdomadaire par avion (le plus utilisé) suit l’itinéraire : Paris, Alger, Tunis, Le Caire, Karthoum, Nairobi, Lindi, Tananarive. Une fois par mois, Madagascar est relié à Djibouti.

Avec l’autorisation de Vichy, pour menacer les communications entre les Indes, l’Australie et la Grande-Bretagne, les Japonais allaient s’installer à Madagascar. Les Britanniques prirent les devants.

Le 5 mai 1942, ils débarquèrent, prenant à revers Diégo-Suarez. En deux jours, ils en furent maîtres. Le Sud de l’île ne fut occupé que six mois plus tard. La population française accueillit sympathiquement cette libération. Un Comité national français libre reçut le contrôle de la colonie.

Le recensement de 1936 indique une population de 39.598 Européens, dont 25.255 Français et 3.758.338 indigènes. La densité est d’un peu moins de six habitants au kilomètre carré. Dans le Sud, certaines parties, mal pourvues d’eau et couvertes d’épineux, sont à peu près désertes.

Malgré un service de santé fortement organisé, renforcé de plusieurs centaines de médecins indigènes, la population reste stationnaire.

Au nord, sur les côtes, particulièrement dans la région du Sambirano, se trouvent de riches cultures. Au centre, sur les plateaux, on rencontre une végétation européenne, des cultures maraîchères, des arbres fruitiers, de l’élevage.

En résumé, un nombreux troupeau bovin alimente des usines de conserves et des frigorifiques. Le manioc, le tapioca, la vanille, le cacao, le café, les essences à parfums, le girofle, les pois du Cap, le sucre, le rhum forment une intéressante exportation.

L’industrie minière produit un peu d’or, des pierres fines (topazes, agates, etc. ...), des béryls utilisés comme minerais de glucinium, toutes sortes de quartz, du zircon, du corindon, des grenats, du kaolin, du minerai de nickel, de l’amiante, du talc, de la barytine, de la galène, du chrome. Le pétrole est décelé, mais les renseignements le concernant ainsi que les minerais d’urane ne doivent plus être signalés.

La production du graphite a détenu le record du monde ; en 1945, elle a dépassé 9.000 tonnes.

La production du mica a atteint 520 tonnes, dont 222 tonnes de mica phologopite.

Des schistes bitumineux sont reconnus.

Le charbon est exploité.

M. Jamet, prospecteur, découvrit, dans le Sud-Ouest, dans la région de la Sakoa, des affleurements de charbon.

Il prit 57 permis de recherches. Un syndicat fut constitué. Il envoya une mission. Le rapport signale, sur 16 kilomètres, des couches de charbon d’une épaisseur moyenne de 11 mètres avec un tonnage disponible de plus de 100.000 tonnes à l’hectare et un ensemble exploitable d’au moins 300.000.000 de tonnes.

La Société des charbonnages de la Sakoa fut constituée. Elle obtint, en 1936, quarante-sept périmètres de concession.

Le service local des Mines fit exécuter des recherches dirigées par M. Besairie, géologue. Elles révélèrent sur plus de 100 kilomètres des affleurements houillers permettant de fixer à un milliard de tonnes les réserves de houille.

Dès que le charbon fut signalé, le service des T. P. se préoccupa des moyens de l’amener à la côte.

Un premier projet de voie ferrée partait de Tuléar, un second signala Soalar au sud de Tuléar. Soalar est protégé des vents du sud-ouest. Le mouillage est bon. On peut y amener de l’eau douce captée dans la vallée de l’Onilaly. Une carrière à pied d’œuvre fournira les matériaux. Ce port représente la solution la plus économique et la plus pratique.

En juillet 1939, à la veille de la guerre, le ministre Georges Mandel ordonnait à l’Administration de Madagascar de commencer tout de suite une exploitation pilote, destinée à fournir le minimum indispensable de 30.000 tonnes. La Société concessionnaire mit son gisement à la disposition de la colonie pour la durée de la guerre. On commença l’extraction à la main par les travaux existants. Une machine à vapeur, un compresseur et un groupe électrogène furent installés. La perforation mécanique organisée. L’extraction monta à 100 tonnes par jour.

Après diverses tentatives de transport du charbon par pirogues, charrettes à bœufs, faute de camions, on ramassa toutes les voies de chantiers de la colonie et l’on réalisa le troisième projet de chemin de fer, construction de la voie de 60 de Soalar à la mine. À la fin de 1945, le rail arrivait au kilomètre 90. Le reste du trajet était fait par des camions (66 kilomètres).

Le charbon de la Sakoa contient 2,4 p. 100 d’humidité.

L’analyse donne : cendres, 14 ; carbone fixe, 60 ; matière volatile, 26. Le pouvoir calorifique à la bombe Malher est de 6.600 calories.

Les besoins locaux normaux peuvent être évalués à 60.000 tonnes.

On peut espérer fournir les soutes pour Dakar, Pointe-Noire, Djibouti, ainsi que nos chemins de fer africains, soit plusieurs centaines de milliers de tonnes, jusqu’à maintenant fournies par l’Europe.

Il faut s’équiper pour produire et transporter un million de tonnes par an.

La question la plus délicate à résoudre est celle de la main-d’œuvre. Madagascar ne dispose que d’un contingent trop faible pour assurer la marche simultanée des entreprises existantes. Il faudra importer de la main-d’œuvre.

L’Afrique ne peut plus en fournir. Pour ce qui est des Asiatiques de toutes origines, cela semble bien aléatoire et offre de sérieux inconvénients.

Il faudra surtout utiliser un matériel mécanique moderne, quitte à augmenter le personnel européen. Le climat de Madagascar, entre le 24° et le 25° de latitude sud, paraît le permettre en prenant les mesures voulues, logement, ravitaillement, hygiène, etc. ...

La centralisation dans un espace restreint des exploitations minières, du chemin de fer et du port, peut permettre de le tenter.

Victor TILLINAC.

Le Chasseur Français N°609 Août 1946 Page 266