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Le bouclage

Voilà bien, certes, l’inconvénient le plus désagréable de la pêche au lancer léger.

Il a non seulement une influence désastreuse sur le résultat de la pêche et le plaisir qu’on en éprouve, mais notre système nerveux est mis à rude épreuve ; bien des découragements, bien des abandons ont eu pour cause initiale le bouclage.

Je ne connais rien de plus vexant que de ramener un devon, une cuiller ou tout autre leurre à l’envers, sur un joli « coup » où l’on escomptait l’attaque d’un beau poisson.

C’est un épouvantail qui vient de passer, semant la panique sur son chemin. Le carnassier suit quelquefois un leurre normal de loin, sans se décider à l’attaquer, et ce n’est qu’au deuxième ou au troisième passage qu’il lui saute dessus : le brochet, surtout, est coutumier du fait. Cette année encore, j’ai pris plusieurs de ces voraces, repérés en plein soleil, qui ne se sont décidés à l’attaque qu’après plusieurs tentatives infructueuses.

Mais soyez bien certains qu’un appât qui a bouclé sur le bas de ligne a mis en fuite tous les carnassiers, même les plus audacieux, même les plus faméliques.

On a dit — et c’est exact — que l’allure irrégulière d’un appât à lancer était à rechercher, parce que plus attirante ; mais vraiment le leurre bouclé a un aspect par trop anormal.

En quoi consiste donc ce fameux bouclage — ceci pour les profanes complets ?

Lors de la brusque détente du poignet et de l’irrésistible élan qui en résulte, le poids, qu’il soit en tête ou sur le bas de ligne, part le premier, entraînant à sa suite cuiller ou poisson mort.

Plus l’élan est brutal, plus l’appât a tendance à refermer l’angle formé par le bas de ligne, avec le plomb au sommet de l’angle (fig. 1).

Ce dernier devient très petit — je veux dire à branches très courtes, — si l’appât est plombé en tête, car les deux côtés de l’angle sont alors représentés par l’appât et le grappin articulé sur l’axe (fig. 2).

Mais, si faible soit-il, il n’en existe pas moins, et le résultat est aussi désastreux que dans le premier cas.

Les figures sont plus explicites que des pages de texte.

Si, comme dans la figure 2, il y a deux articulations, le désastre est inévitable.

Bien sûr, un lancer en souplesse, avec accompagnement du bras, peut limiter le dégât, mais au détriment du jet, forcément réduit, étant donnée la faible impulsion du coup de départ.

Comment pallier cette calamité ?

Dans le premier cas, vous pourrez, lorsque l’appât sera à fin de course, au moment où il va arriver au but, donner à votre canne une légère secousse en arrière, laquelle aura pour effet de retarder la chute du poids, sans arrêter l’élan du leurre, qui passera le premier.

Mais je vous préviens que si vous n’êtes pas déjà assez habile, vous ne réussirez pas cette parade.

D’ailleurs, cette façon de plomber un bas de ligne a vécu — avec raison ; nous n’insisterons donc pas, laissant les routiniers se débattre avec leurs ennuis.

Et, pour les autres, pour ceux qui plombent en tête, c’est-à-dire pour la presque généralité des pêcheurs avertis, qu’allons-nous dire ?

Les palliatifs sont nombreux ; nous ne citerons que les principaux :

1° Ne pas articuler entre le plomb et la cuiller, mais seulement entre la tige et l’armement, ou alors faire en sorte que cette articulation se trouve dans un élargissement du canal pour lequel le fil d’acier passe dans le plomb (fig. 3) ;

2° Choisir un plomb dont l’arrière soit assez large pour que la tige renversée ne puisse dépasser l’angle droit (fig. 4) ;

3° Brider les articulations par un petit bout de tube de caoutchouc très étroit ; elles pourront jouer aisément pendant la défense du poisson, sans bouger pendant le lancer ;

4° Protéger la pointe du ou des hameçons par une légère tige d’acier coudée, s’aplatissant aisément sous la dent du vorace sans se déplacer sous un simple choc (fig. 5).

C’est également une façon efficace d’empêcher l’accrochage dans les herbes. J’emploie ce procédé dans les rivières et étangs encombrés de végétation, soit au lancer léger, soit au lancer lourd, et je m’en trouve bien ;

5° Faire précéder le plomb d’un léger avancé en fil de fer galvanisé ; le poisson ne s’en effraiera pas ; beaucoup de cuillers du commerce sont ainsi montées ;

6° Choisir un hameçon simple assez grand, au lieu d’un triple ; vous prendrez autant de poissons, avec moins de risques d’accrochages dans les obstacles.

Je crois que l’hameçon simple arrivera à détrôner son confrère multiple, et avec raison. Essayez et vous jugerez ; je ne parle d’ailleurs toujours que par expérience.

Vous verrez que ce bouclage qui affole bien des pêcheurs novices ne résiste pas aux quelques petits « trucs » que je vous indique, et il y en a d’autres que vous trouverez vous-même ou que vous apprendrez, sans doute, de confrères plus habiles que moi-même ; mais, comme je me trouve fort bien de ceux décrits ci-dessus, je m’en contente.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°610 Octobre 1946 Page 287