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Techniques culturales modernes

L’emploi des explosifs

La première difficulté que rencontre toute personne désireuse d’organiser une culture fruitière est le manque de personnel pour effectuer la plantation. On sait, en effet, que la réussite d’une culture fruitière dépend de divers facteurs, et notamment du bon choix des arbres à planter et d’une préparation convenable du sol.

Cette préparation, surtout, doit être très soignée, et nous avons, à différentes reprises, dans ces colonnes, attiré l’attention de nos lecteurs sur la nécessité de travailler le sol à une profondeur aussi grande que possible et de chercher, par la même occasion, à y faire pénétrer des éléments fertilisants.

Déjà avant la guerre, on avait cherché à suppléer à la main-d’œuvre, qui se raréfiait de plus en plus, par l’emploi des explosifs. Cette pratique avait dû être abandonnée par suite des circonstances. En présence de la hausse croissante des salaires, la méthode doit à nouveau se répandre, et ceci d’autant plus aisément que la fabrication des explosifs agricoles est, dès à présent, activement poussée, que l’emploi en est des plus faciles et permet une grande rapidité d’exécution du travail.

Ce qu’est l’explosif agricole.

— C’est un mélange de divers produits (trinitrotoluène, dinitrocrésol, dinitronaphtaline, trinitrophénol) qui rentre dans la catégorie des explosifs brisants. Le commerce le livre en cartouches cylindriques de 100 grammes, enveloppées de papier paraffiné extérieurement.

Pour provoquer l’explosion d’une cartouche, il faut une sorte de capsule ou détonateur et un cordon Bickford ou mèche de sûreté.

Comment se procurer l’explosif ?

— L’explosif agricole ne doit être employé qu’à des travaux d’amélioration agricole : dérochement, dessouchage, sous-solage, creusement de puits, établissement de trous de plantation d’arbres fruitiers, etc. ...

Les autorisations d’achat sont données par la préfecture, après avis de la Direction des Services agricoles.

Le transport des cartouches et des détonateurs ne peut s’effectuer qu’en petite vitesse et toujours séparément. La conservation doit également s’en faire séparément, dans des locaux sans feu et sans lit, les détonateurs étant enfermés dans un tiroir fermant à clé.

Moyennant ces précautions, on écartera tout risque d’accident.

Avantages de l’emploi de l’explosif en arboriculture.

— La préparation du sol qui consiste simplement dans le creusement d’un trou carré ou circulaire, bien que classique, se révèle à l’usage insuffisante. Elle aboutit, en fait, à établir une cuvette dans laquelle, tôt ou tard, les racines de l’arbre se trouveront gênées.

L’explosif réalise, au contraire, l’ameublissement du sol et du sous-sol dans de nombreuses directions grâce aux fissures déterminées par la déflagration.

Il permet, en outre, d’incorporer au sol des engrais appropriés en les disposant à proximité de la charge.

Comment utiliser l’explosif agricole ?

— À l’emplacement choisi, on creuse, avec une barre à mine de 3cm,5 de diamètre, un avant-trou de 70 centimètres de profondeur.

On coupe ensuite 80 à 90 centimètres de mèche de sûreté, puis on en introduit, doucement et sans tourner, l’extrémité dans le détonateur, préalablement vidé de la poudre de liège qu’il contient. Au moyen d’une pince, on opère le sertissage, de façon à ce que la mèche soit bien maintenue en place dans le détonateur.

On pratique ensuite l’amorçage. Pour cela, on déplie le papier de l’extrémité supérieure d’une cartouche, on y prépare le logement du détonateur et on enfonce celui-ci de façon qu’il se trouve noyé dans l’explosif. On replie alors le papier, que l’on attache autour de la mèche.

Puis on descend la cartouche amorcée au fond du trou en l’y poussant doucement avec une baguette de bois.

Enfin, on opère le bourrage, qui consiste à remplir le trou de terre fine ou de sable, en serrant d’abord légèrement, puis plus fortement, à l’aide, par exemple, d’un manche d’outil. La mèche doit alors dépasser du sol de 15 à 20 centimètres.

Il ne reste plus qu’à fendre l’extrémité de la mèche avec un couteau, à l’allumer, à s’assurer qu’elle crépite bien, puis à s’éloigner.

L’explosion se produit au bout de quarante-cinq à cinquante secondes, sans faire beaucoup de bruit. La terre est, à l’emplacement du trou, soulevée et ne forme guère, lorsqu’on a mis seulement une cartouche, qu’un petit monticule à peine plus gros qu’une taupinière. Mais, en dégageant à la pelle l’emplacement de l’arbre à planter, on s’aperçoit que l’explosion a remué au moins un mètre cube de terre et provoqué de nombreuses fissures.

Prix de revient de l’opération.

— D’essais effectués un peu en grand, au cours de l’hiver dernier, il ressort que le prix de revient d’un trou de plantation à l’aide de l’explosif agricole varie de 20 à 25 francs et que l’exécution du travail est particulièrement rapide, 5 ouvriers pouvant arriver à faire 150 trous par jour et davantage.

Conclusion.

— Par ce qui précède, on peut se rendre compte de l’intérêt que présente, pour l’arboriculteur moderne, l’emploi de l’explosif agricole. Grâce à lui, il pourra suppléer, dans la plupart des cas, à la pénurie de main-d’œuvre et réaliser, dans de bien meilleures conditions, la préparation du sol indispensable pour faire une bonne plantation.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°610 Octobre 1946 Page 299