Un effort de culture important a été réalisé en 1946 ;
le salut alimentaire est apparu dans l’extension des surfaces consacrées à la
pomme de terre, et, les circonstances du printemps aidant, il semble que l’on
soit assuré d’approvisionnements convenables pour l’hiver. La baisse des prix
qui résulte d’un rendement élevé va entraîner des conséquences sérieuses pour
la campagne 1947, et, en grande culture notamment, il est possible que
l’on restreigne les plantations au printemps prochain.
Il ne saurait s’agir de vouloir perpétuer indéfiniment une
politique de taxation des marchandises, et d’ailleurs, la vente au-dessous des
prix taxés est le reflet d’une concurrence à la production qui porte en soi de
précieux enseignements ; mais, automatiquement, comparant les avances à
faire et les recettes à espérer, le producteur qui dépasse le cadre familial
modifie la répartition de ses cultures.
Parmi les facteurs de la production, celui qui présente la
plus grande importance dans la culture de la pomme de terre est certainement le
plant. Bien choisi, il comporte la garantie d’une bonne récolte dans les
circonstances climatériques normales ; de qualité défectueuse, il réduit à
néant les efforts culturaux. Or un bon plant coûte cher, soit qu’on l’achète, soit
qu’on le produise à la ferme. La sélection sanitaire, qui constitue le point de
départ, demande une attention soutenue, des sacrifices par la suppression des
pieds malades, par la réduction du poids obtenu en arrêtant brutalement la
végétation. Plusieurs années sont nécessaires pour réaliser à une échelle
convenable une commercialisation suffisante des plants ; des échecs sont
fréquents qui entraînent la suppression complète de familles sur lesquelles des
espérances avaient été fondées. Enfin, il est démontré que tous les lieux ne
réalisent pas les conditions de milieu à infection faible ou nulle.
Ce bon plant étant indispensable, beaucoup pourront hésiter
devant le maintien d’une culture aux résultats aléatoires, ou bien, tentant de
passer une année, ne renouvelleront pas leurs plants ; il vaut donc mieux,
en résumé, chercher à mieux faire encore ce qui a déjà été poursuivi, diminuer
ainsi le prix de revient à l’unité et ne pas perdre la partie avant de l’avoir
jouée.
En prévision d’un non renouvellement intégral du plant, des
quantités appropriées ont dû être placées en réserve, choisies dans la récolte
de l’année ; les conditions de conservation de ce plant futur sont
primordiales pour réussir. Dans la plus large mesure possible, préparer le calibrage
des plants par un triage sommaire. On trie le plus souvent à la main ; si
le triage est mécanique, veiller à l’emploi d’un trieur dont les pièces ne
froissent pas les tubercules ; c’est par les parties blessées que pénètre
les germes du fusarium, qui cause des dégâts formidables en cours de
conservation et même en terre, après la plantation.
Où conserver les plants ? Pour chercher à trouver une
solution, indiquons qu’il faut amener en terre, au moment de la plantation, des
tubercules sains, portant des germes vigoureux plus ou moins évolués, le tout
avec le minimum de déperdition des matières de réserve. La technique
recommandée présentement est la suivante : placer les pommes de terre dans
des clayettes, en vrac ou rangées, disposer ces clayettes dans un lieu très
éclairé et à l’abri des gelées. Pendant le courant de l’hiver, procéder à des
visites pour enlever les tubercules malades ; c’est le moment de faire de
fortes éliminations pour les sujets atteints de fusariose, de sortir également
les pommes de terre fileuses à germes grêles ; si l’on aperçoit des
pucerons, procéder à leur destruction par pulvérisation d’insecticides appropriés.
Le gros écueil est d’éviter la formation de germes allongés qui épuisent le
tubercule ; on est parfois contraint de dégermer : perte inutile de
réserves.
Pour éviter les pertes, les dégermages, des cultivateurs
utilisent une autre technique ; les tubercules sont placés en clayettes,
mais dans un local à température assez basse pour que la germination ne
commence pas. L’entassement relatif des clayettes dans un bâtiment de la ferme
entretient une température suffisamment élevée pour qu’il n’y ait pas de
craintes de gelées, et, dès que les journées sont plus ensoleillées, en
février, début mars au plus tard, on sort dehors à la grande lumière ; il
a même été constaté que de petites gelées blanches ne nuisent pas. Les germes
obtenus sont parfaits.
Naturellement, il est un autre procédé qui consiste à
utiliser des germoirs spécialement édifiés ; véritable cage de verre à
double paroi ; les clayettes y sont baignées de lumière, un dispositif
spécial permet de réchauffer, en cas de baisse sérieuse de la température. Ce
germoir hollandais est coûteux ; on étudie actuellement des formules de
germoirs préfabriqués qui devraient donner satisfaction.
Mais d’autres idées se font jour ; l’ennui, c’est
d’avoir, pendant tout l’hiver, ce souci de la gelée et ces tracas pour
l’allongement prématuré des germes ; on n’a pas de charbon, et, d’autre
part, au moment de la plantation, il est désagréable de confier à la planteuse
mécanique des germes allongés, même ramifiés ; ce n’est pas cela qu’il
faut réaliser. On envisage une autre solution : au lieu d’avoir à
réchauffer les locaux de conservation s’il gèle, disposer un système de refroidissement
en tas, entre 2 et 4° : pas de gelée à redouter, aucun départ des germes.
Les tubercules resteraient ainsi pendant plusieurs mois, et, en février-mars,
aurait lieu la mise en clayettes, même à l’air libre, ou bien étalage des
plants sur de grandes surfaces largement éclairées. Le verdissement constitue
déjà un état d’avancement de la végétation, l’élimination des malades peut se
faire, ainsi que l’enlèvement des pommes de terre fileuses. Le problème n’est
donc pas épuisé. D’ailleurs, on met en doute l’utilité même de la
prégermination ; jusqu’à nouvel ordre, il ne semble pas qu’il faille
abandonner cette pratique ; l’expérience l’a sanctionnée depuis
longtemps ; l’essentiel est de faire germer convenablement.
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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