Un lecteur du Chasseur Français, relevant, dans l’une
de nos dernières causeries, l’affirmation qu’un canon choke permettant un
groupement de 70 p. 100 aux distances normales était des plus suffisant,
nous écrit ce qui suit :
« Je suis certainement de votre avis pour le tir du
lapin, du lièvre, ainsi que pour le perdreau et la bécasse. Mais, pour le tir
de la grive au posé, je désirerais obtenir un groupement plus serré, ce qui me
permettrait de tirer plus loin. En augmentant le choke et peut-être aussi la longueur
du canon, ne pourrait-on conserver un groupement supérieur au delà de
35 mètres ? »
Au cours de ces dernières années, des questions analogues
nous ont été posées à plusieurs reprises au sujet du tir du canard avec les
calibres 10 et 12. Nous allons, aujourd’hui, préciser ce que l’on peut faire
dans cet ordre d’idées.
Rappelons que l’on caractérise le groupement d’un canon à la
distance usuelle de 35 mètres, soit par le pourcentage de la charge
contenue dans un cercle de 0m,76 de diamètre, soit par le rayon du
cercle contenant 50 p. 100 de la charge. La première notation est plus
simple, la seconde offre certains avantages pour les calculs balistiques.
L’étude méthodique de ces valeurs numériques a permis de
constater qu’elles dépendent non seulement du degré de rétrécissement du canon,
mais encore de beaucoup d’autres causes particulières, parmi lesquelles
interviennent principalement le mode de chargement, la vitesse initiale, la
dimension des plombs et la composition de leur alliage.
Les armes à canon unique, ayant des vibrations plus
régulières, ont, en général, une légère supériorité de groupement sur les
fusils doubles. Nous le notons ici sans y attacher trop d’importance : il
suffira que le chasseur désireux de tirer le maximum d’un choke sache qu’il a
un certain intérêt à employer le fusil à un seul canon.
On sait, d’autre part, que le plomb durci, c’est-à-dire
allié à une faible quantité d’antimoine, donne une dispersion inférieure à
celle du plomb ordinaire. Cet avantage est dû à la moindre déformation des
grains au moment du départ du coup.
Les expériences faites par le général Journée ont démontré,
en outre, que, dans les canons choke comme dans les canons cylindriques, la
dispersion varie avec la grosseur des grains dans les limites ci-après, la
notation adoptée étant ici le rayon du cercle de 50 p. 100 des atteintes.
Distance 35 mètres. |
Plomb nos |
11 |
8 |
6 |
4 |
3 |
1 |
R50 en cm |
39 |
30 |
27 |
26 |
26 |
26 |
On voit de suite que l’augmentation de la dispersion a lieu
principalement avec l’emploi des petits plombs et que, du no 4
au no 1, elle est constante. Les valeurs ainsi obtenues varient
évidemment avec le profil du choke adopté, et on peut assez souvent améliorer
le pourcentage du groupement lorsque l’on se limite à une certaine grosseur de
plomb. L’influence de la longueur du canon est relativement faible au voisinage
des longueurs usuelles.
Le mode de chargement intervient dans le choix de la bourre
de séparation, qui doit être à la fois élastique et plastique sous un minimum
de poids, ainsi que dans celui de la rondelle de fermeture, qui donne d’autant
moins de dispersion qu’elle est plus légère. Enfin l’explosif employé doit
fournir une vitesse optima de 375 mètres environ avec une combustion aussi
progressive que possible assurant le minimum de déformation (1).
En possession de ces données, nous pouvons revenir à
l’examen de la question posée par notre correspondant. Si nous désirons tirer
le maximum d’un canon choke, nous serons amenés à le spécialiser dans
l’utilisation de grains d’une certaine dimension. C’est précisément ce que l’on
fait pour les fusils canardiers, qui sont établis en vue de l’emploi des nos 0
à 4. Il ne serait pas impossible de rechercher un profil de choke donnant un
minimum de dispersion aux plombs nos 8 à 10 et d’améliorer
quelque peu le groupement de ces numéros ; toutefois, nous estimons que
ces vues sont un peu trop théoriques :
Premièrement, parce que, dans les circonstances présentes
— et malheureusement d’ici longtemps, — il importe avant tout de
fournir aux chasseurs désarmés des armes courantes et non d’en étudier de
nouvelles.
Deuxièmement, parce que des armes spécialisées ne pourraient
être construites qu’en petites séries, donc à des conditions onéreuses.
Et, troisièmement, parce qu’il convient de se rappeler qu’en
cherchant à diminuer la dispersion aux longues distances on augmente
l’influence de l’écart de centrage et qu’il ne sert à rien d’envoyer à côté du
but un paquet de plombs très serrés. Lorsque l’on employait autrefois les
charges grillagées dans les canons lisses, elles faisaient balle assez souvent
en accusant des écarts considérables par rapport au but.
Le problème ne pourrait être correctement résolu que par une
charge à dispersion différée tirée en canon rayé à l’exemple des projectiles
d’artillerie. Ce serait une complication, pensons-nous, trop importante pour
les calibres usuels, bien que le général Journée l’ait entrevue comme possible.
Elle pourra peut-être, dans l’avenir, être envisagée pour les canons
canardiers.
Il reste de tout ceci que le chasseur désireux de tirer le
maximum d’une arme ordinaire doit se borner à employer des munitions de premier
choix et consacrer quelques cartouches à l’étude des groupements obtenus. Ces
quelques cartouches-là lui en feront, par la suite, économiser beaucoup
d’autres.
Exceptionnellement, on peut, au prix d’une certaine
augmentation de pression, améliorer le tir des canons choke en remplissant les
interstices des grains de plomb avec une substance pulvérulente telle que la
fécule, le talc ou la sciure de bois fine. Ne jamais employer de corps agglomérants,
tels que la paraffine ou le suif.
Après quoi, il n’y aura plus, pour le reste, qu’à s’en
remettre à saint Hubert.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
(1) Rappelons que les vitesses initiales et les vitesses à
35 mètres ne sont pas toujours proportionnelles. On obtient assez souvent
de très bonnes vitesses à 35 mètres avec des poudres progressives donnant
des vitesses initiales un peu inférieures à la normale. Les grains de plomb,
peu déformés au départ, étant ainsi plus aérodynamiques, conservent mieux leur
vitesse. Au delà de 375 mètres de vitesse initiale, la dispersion augmente sensiblement.
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