Quelques auteurs halieutiques considèrent la mouche d’aulne
— Sialis lutaria — comme rare en France ; d’autres la
trouvent très commune ... Je l’ai trouvée, pour ma part, très facilement.
C’est un insecte qui intéresse surtout les pêcheurs de petites rivières, de
ruisseaux charmants et intimes où poussent le bouton d’or et l’iris jaune dans
le fond sablonneux d’une eau pure, quoique on la trouve partout, d’avril à
août.
La Sialis est un insecte intermédiaire entre les tricoptères
et les perlides, mais ressemble beaucoup plus aux premiers. Elle en a toutes
les proportions quant à la forme ; ses ailes, au nombre de quatre de 13 millimètres,
plus enveloppantes, sont également en forme de toit, mais à pente plus
prononcée et au faîte légèrement courbe, ce qui pourrait faire dire d’elle
qu’elle est la « bossue » de la rivière à l’instar de la pintade à la
ferme. La nervation, très nette, se détache en brun foncé sur un fond de
cellophane légèrement teinté de bistre à reflets hyalins ; les tricoptères
ont, au contraire, un aspect mat et même poilu. Leurs mœurs sont semblables,
leur vie très voisine. La larve est aquatique, mais elle quitte l’eau avant sa
dernière métamorphose. La Sialis pond sur les herbes et les feuilles de l’iris.
Le moment venu, elle se place, presque toujours la tête en bas, à une hauteur
variable, qui n’a de limite que l’extrémité de la feuille, sur la face opposée
au soleil, de préférence, et, par émissions successives et lentes, elle la
recouvre patiemment par sa ponte d’une croûte noirâtre et plate solidement
fixée, très visible. Les œufs éclosent plusieurs jours après, les petites larvules
gagnent immédiatement le fond de la rivière, où commence leur vie aquatique.
Comme quelques tricoptères, l’insecte est diurne, plus
facile à prendre qu’eux ; son vol, quoique lourd, est plus rectiligne que
celui des phryganes, qui volent en zigzag.
Comme de règle, le mâle est légèrement plus petit que la
femelle. La longueur totale est de 12 à 13 millimètres, la tête et le
thorax (5 à 6 millimètres) sont d’un noir un peu velouté, les pattes (8 millimètres),
moins longues que chez les phryganes, noires et brillantes, ainsi que les
antennes (6 à 7 millimètres). L’abdomen (7 à 8 millimètres) est brun
noirâtre, avec anneaux brun foncé jaunâtre, cerclés de brun jaune plus clair.
C’est un insecte assez petit, trop petit pour pêcher
au naturel, mais très agréable pour donner une petite mouche excellente, très
meurtrière, très simple, peu embarrassante pour le choix de la couleur et du
matériau.
Mouches. — Les Anglais pèchent beaucoup, dit-on,
avec une imitation de la Sialis, l’« Aider ». S’ils pèchent beaucoup
avec elle, c’est qu’elle doit être bonne. Mais, vraiment, l’Aider est une
interprétation bien libre et qui rappelle un peu trop le Cochy-Bondhu, le Coachman
et d’autres. Jamais la Sialis n’a eu un ventre pareil ! Aussi je préfère
être plus réaliste, au moins si je veux pêcher avec une mouche d’aulne.
La première interprétation rappelle celle du tricoptère.
Hameçon no 16, corps de soie ou de coton mercerisé noir, bien
arrondi, thorax plus volumineux que l’abdomen, pattes en hackles de coq noir
brillant obtenues par une collerette dont on coupe la partie supérieure. Monter
au-dessus, à l’espagnole, un pinceau de barbules de coq noir décolorées ou
tigré sombre. Respecter la proportion du corps et des ailes (corps = 2/3
de l’ensemble), les ailes dépassant l’hameçon.
Deuxième interprétation. — Une simple araignée,
hameçon no 16, corps noir, collerette à barbules courtes de
hackle de coq tigré doré. Nous interpréterons plusieurs insectes de cette
façon. On peut considérer cette mouche comme une mouche d’ensemble. Malgré
l’importance des antennes, je les néglige pour ne pas gêner la navigation en
noyée surtout.
Pêche. — En sèche de préférence, deux
mouches : l’araignée en pointe, « up stream » sur les graviers
peu profonds, à n’importe quelle heure. Sous les arbres, de préférence, avec la
chaleur, s’il n’y a pas d’éclosion, près de la rive. En noyée, matin et soir.
Ces mouches, très légères, donnent un sport agréable, elles
sèchent facilement, et l’on peut se passer de les graisser.
P. CARRÈRE.
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