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Égermez vos pommes de terre

pour les conserver fraîches et substantielles.

Malgré les précautions prises pour leur entreposage, les tubercules de pommes de terre émettent des bourgeons ou germes, longues pousses étiolées et anémiées, en raison de l’obscurité du local de conservation. Cette manifestation végétative se produit dès octobre sur les pommes de terre récoltées en juillet, dans la zone méditerranéenne ; généralement à partir de décembre dans les contrées plus septentrionales ; d’autant plus prématurément que la température du local est plus élevée.

Ce sont les yeux principaux, les plus généreux et vigoureux, qui se développent les premiers, vidant les tubercules de leur substance. La chair mollit, alors que l’épiderme se ride et se flétrit. L’égermage manuel ou chimique conseillé n’est applicable qu’aux pommes de terre de consommation, bien entendu.

Égermage manuel.

— Stoppez cette indésirable végétation en passant vos pommes de terre en revue toutes les quatre à cinq semaines. Éliminez les tubercules qui se gâtent et détachez, sur les autres, les germes, par une simple pression des doigts ou en les saisissant entre le pouce et l’index. Mieux encore, et de façon plus effective, en enlevant chaque germe à sa naissance avec une petite gouge, ainsi que l’on procède en féculerie. Une plume à écrire entrés dans le porte-plume en sens inverse (le bec à l’intérieur) fait une gouge parfaite. Vous sectionnez ainsi, en même temps, les germes stipulaires ou secondaires.

Égermage chimique.

— Voulez-vous procéder plus rapidement ? Préparez un bain acidulé, solution faible d’acide sulfurique du commerce (à 66° Baumé), à raison de 10 à 15 grammes d’acide sulfurique par litre d’eau pour les pommes de terre à peau fine (Royale, Early rose, etc.) ; jusqu’à 20 grammes pour celles à peau plus ferme (Esterlingen, Bintge, etc.).

Préparez ce bain dans une cuve en bois ou en ciment, tel un petit lavoir en ciment dont vous connaissez ou calculez la capacité. Emplissez cette cuve à moitié avec de l’eau claire. Versez goutte à goutte, ou lentement, l’acide sulfurique dans cette eau, en brassant le tout avec une latte ou un bâton.

Si vos pommes de terre sont terreuses, lavez-les et, après les avoir égouttées, plongez-les dans le bain acidulé en les laissant immergées pendant dix-huit à vingt-quatre heures.

Retirez-les, lavez-les, étalez-les pour les sécher, puis entreposez-les dans le local qui leur est destiné. L’épiderme de ces pommes de terre paraît avoir subi un rajeunissement. Il est net et lustré comme s’il avait été passé à la peau de chamois. Un point gris noir remplace chaque œil, qui paraît avoir été touché par une pointe de feu. Les yeux sont annihilés, et, si un œil secondaire persiste parfois, il ne développe qu’une pousse filiforme, sans consistance et sans action. La qualité de la pomme de terre ne subit aucune modification.

Prégermination.

— Vous avez entreposé à part les pommes de terre plants ou semences destinées à vos plantations. Mettez ces pommes de terre en germination le plus tôt possible. De multiples avantages s’attachent à cette opération. D’abord, elle vous permet de sélectionner vos tubercules, en éliminant tous ceux qui émettent des germes filiformes (les pommes de terre dites fileuses). Ce sont des tubercules dégénérés qui ne produiraient rien. Vous êtes sûr ainsi d’une parfaite levée, avec une avance de quinze à vingt jours, de tous les tubercules.

Rangez ces tubercules verticalement, les uns à côté des autres, les dépressions des yeux à la partie supérieure, dans des clayettes d’environ 60 à 65 centimètres de longueur, 40 à 42 centimètres de largeur, avec un rebord de 8 à 10 centimètres, dotées de pieds de 6 à 8 centimètres de haut. À défaut, utilisez des caissettes plates, dites plateaux, comme celles qui servent à l’emballage des fruits.

Disposez ces clayettes les unes à côté des autres, dans un local éclairé, à température très basse, mais où la gelée ne pénètre pas ; ou superposées, mais en laissant un vide de 6 à 8 centimètres entre chaque clayette ou caissette, pour que la lumière frappe bien tous les tubercules. Dans la zone méditerranéenne, placez à volonté ces clayettes ou caissettes garnies au grenier, où il ne gèle généralement pas.

Dans ces conditions, les tubercules émettent lentement des germes courts, trapus, corsés, intensément colorés de violet et de vert, à la pointe desquels pointent déjà des racines en couronne. Ils vous assurent les meilleurs plants qui soient, pour une production plus hâtive et de meilleur rendement. Si vous manquiez de plants, les pousses développées vous fourniraient d’excellentes boutures régénératrices.

A. de BRETEUIL.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 346