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Taille de formation des arbres

Elle se pratique dans les années qui suivent immédiatement la plantation d’un jeune arbre.

Les principes en varient dans des limites fort étendues, selon qu’il s’agit de donner à celui-ci telle ou telle forme.

Ainsi, lorsqu’il s’agit de former des arbres pour le verger, la taille de formation est rudimentaire. Elle vise seulement à obtenir plus vite le nombre de branches nécessaires pour avoir une tête suffisamment fournie et à bien répartir celles-ci au pourtour. L’intervention du cultivateur n’a, ici, d’autre but que d’aider la nature et de la guider.

Le traitement des espèces fruitières qui se conduisent en touffes ou buissons est également simple. On provoque la ramification des branches initiales, puis, lorsqu’on a assez de branches, on se contente de supprimer le bois mort et d’équilibrer les diverses parties de la touffe. On opère ainsi pour le noisetier, le figuier, le groseillier, le cassissier.

Mais il n’en est plus de même lorsqu’il s’agit d’établir des formes artificielles. Il s’agit alors d’imposer à l’arbre une véritable contrainte, et le résultat ne peut pas toujours être obtenu avec la même facilité. Cependant, si l’on veut bien tenir compte de quelques règles générales, la formation deviendra beaucoup plus facile à réaliser.

Il faut d’abord se souvenir que la sève a tendance à se porter vers les extrémités des branches, surtout si celles-ci sont verticales, et à faire développer, en pousses vigoureuses, les yeux placés à proximité de ces extrémités. Elle n’a qu’une faible action, parfois nulle, sur les yeux placés plus bas, lesquels ne donnent souvent naissance à aucune pousse. Justement, dans la taille de formation, on cherche à réagir le plus possible contre cette tendance et à faire développer des ramifications sur toute la longueur de la partie de la branche conservée.

Le point de départ de toutes les formes taillées est le scion, ou greffe d’un an, acheté en pépinière. Il représente l’axe, ou tronc, de la forme à établir.

La première taille à lui appliquer a pour but d’obtenir un certain nombre de branches de charpente et une pousse ou flèche prolongeant l’axe. Dans une palmette, par exemple, la première taille permet d’obtenir deux branches de charpente et une flèche, mais s’il s’agissait d’établir un fuseau au lieu d’une palmette, on chercherait à avoir cinq ou six branches, plus une flèche.

La taille de deuxième année visera à l’obtention de plusieurs nouvelles branches de charpente (deux pour une palmette) et d’une nouvelle flèche. En outre, par une taille appropriée, on cherchera à avoir, sur chacune des branches de charpente déjà obtenues, un certain nombre de ramifications fruitières et une pousse terminale vigoureuse, ou prolongement.

Chaque hiver, une nouvelle taille sera appliquée. C’est en taillant la flèche que, successivement, on obtiendra toutes les branches de charpente, et c’est en taillant les prolongements de chacune des branches qu’on arrivera à garnir celles-ci, sans interruption, de ramifications fruitières.

Ces ramifications obtenues, il restera à leur appliquer la taille de fructification.

Comment équilibrer deux branches d’inégale vigueur.

— Fort souvent, les branches de charpente obtenues à la suite d’une taille annuelle ne sont pas de même force. Or il est désirable, pour la conservation de la forme, que les branches insérées à la même hauteur, ou à une hauteur voisine sur le tronc d’un arbre, aient un diamètre sensiblement égal. À un diamètre donné correspond, en effet, un nombre déterminé de vaisseaux ligneux et une alimentation en sève brute proportionnelle à ce nombre.

Lorsqu’il y a inégalité, il est utile de chercher, dès que possible, à rétablir l’équilibre. Plusieurs moyens sont à la disposition de l’arboriculteur pour y parvenir. Il peut les employer séparément, ou simultanément, suivant que la différence à compenser est faible ou qu’elle est considérable.

Lorsqu’elle est faible, on peut se contenter de tailler court la plus forte branche et long la plus chétive (fig. 1).

Lorsqu’elle est plus grande, on peut, en plus de ce moyen, en mettre en œuvre un second. Il consiste à rapprocher de la direction horizontale la branche forte b, en se servant à cet effet d’un arcboutant, et de la direction verticale la branche faible a, en la tirant dans la position voulue, avec un brin d’osier par exemple (fig. 2).

Enfin, lorsque la différence est considérable, on peut user d’un troisième procédé, qui consiste à faire une entaille au-dessous de la branche forte b, à son point d’insertion sur le tronc de l’arbre, et, inversement, à en faire une autre au-dessus de la branche trop faible a. Ces deux entailles, pénétrant assez profondément pour sectionner un certain nombre de vaisseaux conducteurs de sève brute, agiront, la première pour diminuer l’alimentation de la branche vigoureuse, la seconde pour augmenter celle de la branche chétive. Leur action complétera celle des procédés précédents (fig. 3).

Ce dernier moyen, très énergique, ne peut malheureusement pas être employé pour toutes les essences fruitières. Sans inconvénient pour le poirier, il ne doit, en effet, être utilisé qu’avec prudence pour le pommier, très sujet au chancre. Il n’est pas applicable au pêcher, sur lequel il déterminerait fréquemment la gomme.

Longueur à conserver aux prolongements lors de la taille.

— On admet, dans la pratique courante, que l’on peut conserver, lors de la taille, le tiers d’un prolongement d’une branche de direction verticale, la moitié d’un prolongement d’une branche oblique et les deux tiers d’un prolongement d’une branche horizontale.

Ces données varient d’ailleurs, dans l’application, dans d’assez larges limites, avec l’essence fruitière et aussi avec la variété, plus ou moins disposée à se garnir de ramifications fruitières. C’est surtout par une observation continue et patiente des résultats obtenus que l’on arrivera à fixer la longueur à conserver aux prolongements des branches de charpente des différentes variétés que l’on cultive.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 348