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Viticulture

Insecticides et fongicides

Pendant l’occupation, ceux qui, le matin, étaient à l’écoute de l’émission de la Radio agricole ont pu entendre cette phrase : « Nous consommons ce que les parasites veulent bien nous laisser. » En effet, depuis le sanglier jusqu’au microscopique virus filtrant, en passant par la gent ailée ou poilue, quantité d’êtres vivants, animaux ou végétaux, tentent de détruire ce que l’homme produit péniblement ; ce dernier est donc en lutte constante contre ces ennemis visibles ou non, sans compter les intempéries, contre lesquelles il est souvent désarmé.

Par ailleurs, nous avons été appelé à assister, en 1930, au Congrès international du Rat, et nous nous souvenons qu’un congressiste a dit que, si ce rongeur avait été aussi gros que le tigre, l’humanité n’existerait plus.

Examinons maintenant quels sont les nouveaux produits sur lesquels nous pouvons compter dans l’avenir pour nous débarrasser des indésirables.

Le viticulteur emploie peu d’insecticides, il utilise surtout les fongicides (produits anticryptogamiques), dont les principaux sont : les sels de cuivre et le soufre.

Nous avons actuellement des insecticides nouveaux, la presse nous a entretenu de deux, qui sont le D. D. T. et l’hexachlorocyclohexane, que nous désignerons plus simplement sous le nom d’hexa.

Le premier, le D. D. T., n’est pas nouveau ; il a été découvert, en 1874, par un savant suisse, O. Zeidler, qui a isolé un corps cristallisé blanc, inodore, le dichloro-diphényl-trichlorétane, qui a reçu le nom de D. D. T. (initiales des trois mots).

Soixante-cinq ans après, un autre savant suisse, M. P. Muller, essayait ce produit avec succès contre les parasites végétaux : vers des choux et des fruits, charançons, etc.

Il semble bien qu’en France ce produit soit resté une curiosité de laboratoire, car le grand public n’a appris son existence que par l’emploi qu’en a fait l’armée américaine en Italie.

Le D. D. T., vendu sous la forme d’un produit cristallisé blanc, insoluble dans l’eau, mais soluble dans de nombreux solvants, est surtout efficace contre le doryphore et l’anthonome ; il peut être associé à la plupart des bouillies, de façon à obtenir à la fois un produit insecticide et fongicide.

Le second, l’hexa, a été découvert en France, en 1941, par un chimiste français, M. A. Dupire, et, l’année suivante, en Angleterre, par F. D. Leicester et Widnes. À cette époque, les relations entre les deux pays étant inexistantes, il est à prévoir que ces savants ont travaillé chacun pour son propre compte.

En Angleterre, ce produit est connu sous le no 666, et la presse de ce pays en a parlé sous le nom de « gammexane ».

Ce produit odorant est, contre le doryphore, l’un des plus puissants insecticides ; il est employé en quantité moindre que le D. D. T. ; on estime que 100 d’hexa correspond à 300 de D. D. T. ; son prix est également moindre, sa fabrication étant plus simple.

Si nous nous sommes étendus un peu sur ces deux produits, c’est qu’en viticulture, comme nous l’avons vu, associés ou non aux bouillies, ils peuvent servir d’insecticides contre les nombreux ennemis de la vigne et, en particulier, contre la forme gallique du phylloxéra.

De plus, les essais poursuivis, tant en France qu’en Angleterre, sur la désinfection des sols (insectes nuisibles) sont très encourageants, et on peut prévoir le jour prochain où nos services techniques mettront au point une méthode qui limitera le développement du phylloxéra et, par voie de conséquence, la maladie dite du court-noué.

Signalons enfin un produit préconisé par M. Loustaunau-Deguilhem, dans son ouvrage sur les traitements insecticides contre le ver de la grappe, et remplaçant les arsenicaux : le polynitrodibenzopyrol.

Parmi les fongicides ou anticryptogamiques, on peut prévoir que les sels de cuivre et le soufre seront remplacés peu à peu par des produits synthétiques, dont quelques-uns comment à apparaître sur le marché.

L’an dernier, une grande firme, dont l’honnêteté professionnelle ne saurait être suspectée, préconisait comme produit préventif et curatif du mildiou un corps de la chimie organique obtenu par synthèse.

L’auteur que nous venons de citer à propos du polynitrodibenzopyrol est très satisfait, comme adhésif ajouté à la bouillie bordelaise, de l’alcool terpénique sulfoné, produit qui est également à l’essai contre l’oïdium.

Disons un mot d’un produit de remplacement vendu pendant l’occupation : l’ammoniure de cuivre cellulosique.

Lorsqu’on dissout, en proportions définies, le cuivre pur (cuivre rouge) dans l’ammoniaque (solution de gaz ammoniac dans l’eau), on obtient une solution d’un beau bleu que les alchimistes avaient nommée eau céleste. Plus tard, on s’est aperçu que cette « eau » avait la propriété de dissoudre la cellulose (lisez le coton dégraissé ou le papier filtre). La solution garde sa couleur, mais devient un peu plus visqueuse. Nous avons nous-même préparé ce produit et l’avons pulvérisé sur des feuilles de vigne préalablement détachées du sarment. Nous avons observé qu’après évaporation de l’eau et du gaz ammoniac il restait sur les feuilles des taches bleues d’oxyde de cuivre, emprisonnées dans une mince pellicule de cellulose transparente.

Après séchage complet, nous avons immergé les feuilles dans l’eau pendant douze heures et avons constaté, au bout de ce temps, que les taches n’avaient pas disparu.

En attendant que les produits de remplacement du cuivre apparaissent en quantité sur le marché, il serait intéressant d’employer cette solution, qui pourrait faire une économie de sels de cuivre.

Nous ne croyons pas que c’est le produit ci-dessus qui a été vendu sous le nom d’ammoniure de cuivre, lequel a causé quelques mécomptes dans le Bordelais en brûlant les jeunes pousses.

Conclusion.

— Il est possible que, dans quelques années, le vigneron ne soit plus tributaire des sels de cuivre ni du soufre pour ses traitements et qu’il ait à sa disposition d’autres produits beaucoup plus actifs et qui soient à la fois insecticides et fongicides.

Dans ce domaine, nous croyons que tous les espoirs sont permis.

Nous nous ferons du reste un devoir de tenir les lecteurs de cette revue au courant de ces innovations.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 350