Émission de 1861.
— Cette série est probablement la plus difficile de
toutes à trouver en véritable premier choix. Le centrage est habituellement
très mauvais : rares sont les timbres dont le dessin n’est pas entamé par
la dentelure. Les teintes employées furent rarement résistantes à la lumière ou
à l’oxydation, et aujourd’hui il est très difficile de trouver des spécimens
vraiment frais. Pour comble de malheur, l’Administration, hantée par la crainte
du réemploi des timbres usés, employa des cachets oblitérants dont le côté
artistique fut certainement le moindre souci. Tout cela réuni nous valut des
timbres philatéliquement atroces. Et c’est pourquoi de nombreux marchands,
lorsqu’ils ont en main un exemplaire acceptable, se croient autorisés à en
demander un prix très élevé, considérant que les cotes des catalogues
s’appliquent à la moyenne, qui est de second choix. En quoi ils ont tort, car
aucun des timbres types n’est rare, les très grands blocs, les feuilles
entières même étant obtenables ; ce qui n’est pas le cas pour les
précédentes émissions. En fait, le plein catalogue pour un exemplaire parfait
est le maximum que permet la prudence. Et tout timbre ayant le moindre défaut
doit subir une moins-value proportionnelle importante : c’est le cas de la
plupart des pièces offertes à la vente. À l’heure actuelle, par rapport aux
prix pratiqués à l’étranger, presque tous les timbres américains sont, en
France, vendus trop chers. Mais, si l’on tient compte des échelles de prix
relatives à la qualité, cette série est certainement la plus onéreuse de
toutes, contrairement aux apparences.
Nous ne dirons que quelques mots des timbres qualifiés
« première gravure » ou « premier tirage » et qui figurent
dans les catalogues aux prix astronomiques que l’on sait. À l’exception du 10 cents,
qui fut réellement employé, et du 24 cents violet, arbitrairement retiré
de l’émission dite régulière, dont il n’est qu’une variété de nuances, tous ces
soi-disant timbres ne sont que des sortes d’échantillons de fabrication, des
variétés d’essais. De nombreuses études philatéliques ont définitivement mis
les choses au point. Et, si de nombreuses personnes se cramponnent encore à
l’ancienne théorie qu’il s’agit de timbres et non d’essais, c’est que, pendant
de nombreuses années, cette manière de voir erronée fit que l’on échangea ces
pièces à des prix peut-être acceptables pour des timbres, mais beaucoup moins
pour des essais ; des essais aussi rares, de la même époque, ne valent, en
effet, au plus, que quelques dizaines de dollars.
Le 1 cent bleu existe en plusieurs nuances, les plus
rares étant l’indigo, un bleu foncé brillant et l’outremer du catalogue. On le
connaît sur trois sortes de papiers, mince, épais et vergé, ce dernier faisant
une très forte prime. Il existe de nombreuses variétés de planches, dont la
plupart ne sont d’ailleurs même pas indiquées au catalogue spécialisé Scott,
ainsi, du reste, que pour les autres timbres de la série. Car, contrairement
aux précédentes émissions, étudiées à fond dans tous leurs détails par des
spécialistes avertis, l’émission de 1861 est, pour ainsi dire, abandonnée et
n’offre que fort peu de littérature philatélique et d’études spécialisées.
Le 3 cents offre une gamme de nuances encore plus
étendue que le timbre précédent. L’une des plus connues est le fameux « pink »,
l’un des plus populaires de tous les timbres américains et dont les prix, qui
semblent quelque peu exagérés, se ressentent de cette popularité. En achetant
un exemplaire de cette nuance, faire bien attention de ne pas se faire refiler
une teinte très voisine, en particulier le rose pink, qui n’a pas le même
brillant, ni le même soutenu. Le véritable pink correspond exactement à ce que
les lapidaires appellent sang de pigeon pour la teinte de certains rubis. Le 3 cents
existe dans les mêmes variétés de papiers que le précédent, avec, aussi,
variétés de dentelures et nombreuses variétés de planches. Se méfier des
nuances rares lavées ou amenées par des procédés chimiques ou autrement. Les
variétés de teintes lake et scarlet (sorte de vermillon) ne sont que des essais
de couleurs et non des timbres.
Le 5 cents se présente aussi en plusieurs nuances, dont
l’une, le fameux « moutarde » (moutarde anglaise bien entendu, et non
dijonnaise), est pour le moins aussi classique que le 3 cents pink. Cette
nuance moutarde n’est d’ailleurs pas uniforme ; il en est au moins trois
variétés, dont la plus prisée combine le jaune de base avec un vert clair
olive, tandis que les autres se rapprocheraient davantage des ocres. Jusqu’à
quel point ces différentes teintes sont-elles d’origine et ne sont-elles pas
dues à des agents atmosphériques ? Question non encore résolue. Vu le prix
élevé de ces variétés en neuf, les timbres lavés sont assez fréquemment
rencontrés, et les nuances brunes de 1862, traitées chimiquement en clair, sont
souvent offertes comme étant les variétés rares. Les nuances brunes qui
suivirent offrent aussi de nombreuses différences, les teintes brun rouge
similaires à celles du 5 cents 1851 étant les plus recherchées. Dans cette
série des bruns aussi, il semble bien que plusieurs variétés de teintes ne sont
dues qu’à des agents chimiques, entre autre la « châtaigne ».
Le 10 cents offre cette particularité d’être le seul
« premier tirage » avec le dessin légèrement différent ayant droit au
titre de timbre ; car il est connu non seulement oblitéré, mais aussi sur
lettres (et en particulier dans une correspondance fameuse vers La Havane).
Quelles sont les raisons exactes de l’emploi de cet essai comme timbre
régulier ? erreur, pénurie momentanée ... on ne sait encore. Le
timbre régulier est connu en plusieurs nuances, la plus recherchée étant le
vert jaune, exactement similaire au premier tirage, ensuite le vert foncé. Il
semble que le vert bleu est plus rare que sa cote ne l’indique. Timbres lavés
assez communs.
Le 12 cents noir a probablement le record du mauvais
centrage. D’autre part, sa couleur favorise les lavages, qui sont très
nombreux. Il existe d’intéressantes variétés de planches, que le noir fait bien
ressortir et qui ne sont pas cotées à la valeur, ce timbre lui aussi étant
abandonné des spécialistes du planchage. Se méfier tout particulièrement des
oblitérations de couleurs qui, sur ce timbre noir, servent souvent de
camouflage à des lavages d’annulations à la plume.
M. L. WATERMARK.
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