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Le saumon de fontaine

Il a été importé du Canada à la fin du siècle dernier. Son aspect extérieur fait de lui le plus beau des salmonidés vivant actuellement en France.

Sa conformation générale et sa taille sont celles de la truite et de l’omble chevalier. Il n’a rien du saumon, c’est un omble dont le nom scientifique est Salvelinus fontinalis. Sa coloration est splendide. De nombreuses zébrures irrégulières, blanchâtres, de forme vermiculaire, ressortent du fond vert bleu métallique de son dos. Ces zébrures pâles deviennent sur les flancs des taches arrondies qui ressortent un peu moins sur le fond vert pâlissant jusqu’au blanc sur le ventre. Ces zébrures caractéristiques garnissent toute la dorsale et une partie de la caudale.

Enfin, le premier rayon des pectorales, des ventrales et de l’anale est blanc et ressort sur le reste des nageoires qui est souvent orangé. Ce caractère n’est pas indiqué par Roule et est cependant particulièrement net.

Dans l’eau, on ne le distingue de la truite que par les zébrures du dos et les lignes blanches des rayons des nageoires inférieures.

Il est très rare en France et ne peut vivre que dans des eaux très froides. Les quelques introductions suivies de succès l’ont été dans des torrents de haute altitude des Vosges, des Alpes et des Pyrénées. Certains de ces torrents sont enneigés et glacés plusieurs mois de l’année, et le saumon de fontaine se rattrape à la belle saison en dévorant les larves aquatiques, les porte-bois et les petites grenouilles. Il prospère certainement mieux dans ces eaux très froides que la truite fario elle-même.

On ne peut conseiller son introduction que dans des eaux ne dépassant pas l’été 15 ou 16°. En revanche, le froid et la glace l’indiffèrent.

À mon avis, il serait à sa place, outre les torrents de haute montagne, dans certains cours d’eau froide du massif Central, du Morvan en particulier, dans certaines sources très froides de nos régions calcaires et dans certains bassins alimentés par des eaux souterraines glaciales.

Il atteindrait, paraît-il, le kilogramme. J’en ai vu des exemplaires de 5 à 600  grammes. Ceux que j’ai pris en montagne pesaient 2 à 300 grammes et devaient avoir deux ans.

Sa chair est très saumonée, de couleur presque orangée, semblable à celle de l’abricot. Le goût est, à mon avis, supérieur à celui de la truite, et même à celui de l’omble chevalier de nos lacs alpins, dont il est spécifiquement très voisin, et avec qui, paraît-il, il peut s’hybrider. Un saumon de fontaine meunière tient, quant au goût, de la truite et du homard.

On le pêche à la ligne, tout comme la truite. J’en ai péché au ver et au porte-bois. Dans les torrents violents où je le cherchais, je n’ai pas eu l’occasion d’observer de moucheronnages, mais il n’y a pas de raison qu’il ne mouche pas comme la truite. La défense est brutale, mais il se fatigue plus vite que la truite et vient rapidement à l’épuisette.

Il pond un peu avant la truite, normalement en novembre.

Sa ponte, la dimension et le nombre de ses œufs sont ceux de la truite. Son élevage artificiel est également celui de la truite, et il se prête également fort bien à la fécondation artificielle.

Comment se procurer des alevins de saumon de fontaine ? Les salmoniculteurs qui fournissent la truite portion des restaurants ont, en général, des eaux trop chaudes et préfèrent l’arc-en-ciel. On en trouvait avant guerre chez certains pisciculteurs de l’Est. Espérons que, bientôt, les amateurs et les sociétés de pêche pourront en acquérir dans ces piscicultures.

D’ailleurs, avec l’avion, il est facile d’en faire venir des États-Unis ou du Canada, qui, depuis la Libération, ont envoyé à plusieurs reprises des œufs de truites vivants pour nos piscicultures.

LE ROSEAU.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 387