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Les mouches d’hiver

La nemoure brune en aiguille

Il y a deux insectes aquatiques, assez communs, qui permettent de pêcher à la mouche en hiver, avec beaucoup de chances de succès. Ce sont une nemoure et une éphémère.

LA NEMOURE EN AIGUILLE.

— C’est la petite « voilette » des pêcheurs parisiens. Je crois voir en elle une nemoure, peut-être la nemoure du saule (Willow Fly), mais plutôt la Needle Brown (brune en aiguille). La Willow Fly est classée mouche d’été, la Needle Brown mouche de printemps. Tantôt classé dans les nemoures, tantôt dans les perlides, cet insecte prouve que ces deux espèces sont bien voisines et qu’elles se ressemblent beaucoup.

Cette nemoure est une petite perlide sans cerques, aux antennes plus longues, de couleur différente. Le corps diffère un peu d’aspect, il est plus fin, fusiforme ; les ailes se recouvrent plus parfaitement, enveloppant très élégamment le thorax et l’abdomen comme dans une gaine. Le tailleur qui la créa s’y connaissait. L’ensemble évoque assez bien l’idée d’une aiguille dans son étui. Les ailes, sur lesquelles se détache une nervation aux lignes élégantes, pures, harmonieuses, ont des taches grisâtres en forme d’œil, signe prophylactique qui, chez les anciens, écartait le mauvais sort : ceci pour les pêcheurs superstitieux à qui on aura souhaité bonne pêche. La tête est fine, les antennes longues et mobiles, gracieusement courbes.

On la trouve à partir du 10 décembre environ, en janvier, février et mars. Les plus fortes éclosions ont lieu dans la deuxième quinzaine de février. Elle est diurne, ce qui est assez rare dans les phryganides. Elle éclôt au milieu du jour, par soleil et beau temps, vers 13 heures, et jusqu’au soir, provoquant parfois, sous l’influence du vent d’autan chaud, des gobages qui rappellent ceux de l’été. Par éclore, nous entendons, pour cet insecte, le fait de quitter l’abri : herbes, pierres, branches, écorce des arbres, où il s’était remisé pour lutter contre le froid, en attendant le soleil et l’heure des amours.

Par beau temps calme, la nemoure s’élève dans l’air assez haut, le corps incliné, l’abdomen recourbé vers le ciel, puis, brusquement, de très haut, se laisse choir verticalement sur l’eau, reste un instant immobile, ouvre les ailes, mais ne s’envole pas. Elle se dirige rapidement vers la rive, en battant des ailes, se faufile entre les cailloux et se perd dans la berge. C’est sa façon de pondre.

La nemoure possède toutes les caractéristiques des phryganes quant aux proportions et au port des ailes : corps de 13mm,5 entièrement noir, ainsi que les antennes, de 11 millimètres ; les pattes, plus claires, se rapprochent de la couleur des ailes gris-fumée, légèrement fauve. Les ailes se replient en forme de toit arrondi. Celles de dessous sont franchement plus claires et se replient sur elles-mêmes en se refermant. Les ailes de dessus, attachées au protothorax, celles de dessous, au mésothorax, laissent entre elles un intervalle de 2 millimètres environ, très visible lorsque l’insecte vole, ce qui lui donne un volume apparent plus grand qu’il n’est en réalité. Ne pas confondre avec la phrygane noire d’automne, complètement noire, corps et ailes.

La mouche.

— C’est une mouche bâtarde pouvant être considérée comme mouche sèche ou noyée. Les éléments sont : corps : coton mercerisé noir ; ailes : hackle de coq gris tigré doré ; pas de cerques ; deux antennes facultatives barbules de coq noir (je préfère supprimer les antennes) ; pattes : comme les ailes, préférablement hackle de coq brun ; hameçon : du no 14 au no 12, la taille de l’insecte étant variable (le no 12 correspond aux dimensions ci-dessus d’un insecte moyen et au croquis).

Habillage.

— Deux méthodes : a. commencer comme pour toute araignée ; ne pas oublier que le corps doit être les deux tiers de la dimension totale et que les ailes dépassent le corps d’un bon tiers. Choisir, en conséquence, un hackle à barbules longues. Prendre ce hackle sous le corps, faire la collerette, la séparer en deux parties — ailes et pattes, — rabattre les ailes sur le corps, les maintenir dans cette position par quelques tours de fil avant le nœud final. Terminer en allégeant et supprimant aux ciseaux tout ce qui est de trop ou qui peut gêner la navigation. On peut monter les pattes séparément, avec un hackle brillant de coq brun avant de faire la collerette.

b. Appliquer, après avoir monté le corps et les pattes, la méthode espagnole, en superposant deux pinceaux de barbules à tonalités différentes, la plus claire étant dessous. Couper toute la partie supérieure de la collerette avant de poser les pinceaux de barbules.

Ces deux méthodes donnent des mouches sensiblement égales ; je préfère la seconde. S’appliquer à obtenir des mouches fines, légères, élégantes.

Tactique.

— Chercher le poisson dans les courants calmes, lisses, sur gravier, au début de l’hiver, dans les tenues que vous connaissez généralement à proximité de grands fonds et de retraites tranquilles. En hiver plus que jamais, le poisson n’est pas partout. Les gobages seront un indice précieux. Pêche en dérivant avec deux mouches. La sauteuse graissée, la mouche de pointe et 40 centimètres de crin glycériné. Dériver ligne toujours tendue et relâcher dans tout le parcours de la mouche. Retenir parfois la mouche arrêtée, ce qui fait remonter la mouche de pointe et provoque des touches franches. Pas de brutalité dans ces mouvements, qui doivent être plutôt lents.

Travailler aussi la mouche en mouche glissée, déduit de la façon de pondre et aussi de l’observation du vent, qui, parfois, entraîne rapidement l’insecte d’une rive à l’autre, presque sans frôler l’eau. Dans ce cas, l’insecte ne réagit pas et se laisse emporter.

BULDO.

— Combiner le travail du moulinet avec celui de la canne pour les relâchers. Donner du fil parfois en faisant quelques tours en sens inverse et ... attention. Très agréable en hiver, et sportif malgré tout.

Cette mouche peut être favorablement accouplée en pointe avec l’éphémère noire, surtout par temps gris ou variable.

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 386