Dans notre dernière causerie sur le Salon de l’Automobile,
nous avions seulement effleuré la question des nouveaux modèles de cylindrée
ultra-réduite. Il avait été précisé qu’un des grands soucis de nos
constructeurs nationaux était la recherche de la consommation minimum ;
formule qui devient d’actualité après chaque guerre. En 1919, nous avions connu
les cyclecars, dont la cylindrée était limitée à 1.100 centimètres cubes
et qui bénéficiaient, à l’époque de la taxation au cheval, de sérieux
dégrèvements fiscaux. Cette fois-ci, les difficultés d’importation de
l’essence, jointes à la réglementation des bons, font que cette question de
consommation a véritablement obsédé nos ingénieurs. Peut-être même a-t-on
dépassé les limites au delà desquelles on se demande si, en France, certains
modèles trouveront preneurs une fois les premières nécessités urgentes
comblées. Quoi qu’il en soit, il apparaît utile de jeter un regard sur ces
véhicules nouveaux, dont certaines solutions techniques ne manquent pas
d’intérêt.
Écartons les grandes marques telles que la nouvelle Renault
et la Simca 5. Cette dernière a donné des preuves réelles de ses
possibilités ; elle est entrée dans nos mœurs ; elle a droit de cité.
Elle n’a fait appel qu’à des solutions classiques. Elle n’a jamais choqué notre
œil. Nos chansonniers l’ont chantée. Elle a connu le succès.
Voyons les nouveaux venus. Voici la 3 CV Boitel, type
« Populaire », signe des temps. Caisse monocoque tout acier. Roues
avant indépendantes. La direction est à crémaillère ; freins hydrauliques
sur les 4 roues. Boîte 3 vitesses. Traction arrière classique. Poids
total : 350 kilogrammes ; carrosserie roadster 2 places.
Mais voici du nouveau : moteur 2 cylindres 2 temps de
400 centimètres cubes de cylindrée donnant une puissance fiscale de 3 CV.
Vitesse de catalogue : 80 à 90 kilomètres avec moyenne de 60 à 70.
Consommation, 3 litres et demi aux 100 kilomètres.
Sima Violet, après l’autre « dernière » guerre,
nous avait présenté déjà un 2 temps. Après quelques succès spectaculaires,
cette marque, dédaignée du public, était bien vite tombée dans l’oubli.
Quant à la Benjamin 2 temps, de la même époque, elle
eut le même sort, après une agonie prolongée grâce au montage de moteurs
Chapuis-Dornier et Ruby du type le plus classique à 4 temps. Encrassage
des bougies, départ difficile, consommation élevée après un kilométrage souvent
restreint sont les causes de la suspicion du public pour ces moteurs de
construction pourtant simple. Quel sera le sort de Boitel ? L’avenir nous
le dira. On peut être assez pessimiste.
Rovin a connu, de son côté, un réel succès de curiosité.
Celui-ci a marqué de sa griffe, entre les deux guerres, la construction
motocycliste. Le véhicule présenté est du type « motocar » le plus
pur. Poids à vide maximum : 300 kilogrammes. Moteur robuste
monocylindrique de 260 centimètres cubes donnant près de 7 CV à 7.500
tours-minute et placé à l’arrière. Les solutions mécaniques auxquelles il est fait
appel sont sanctionnées par la pratique. Performances annoncées : vitesse
maximum, 70 kilomètres-heure, d’où découle une moyenne acceptable de 50
kilomètres-heure. Consommation : 4l, 15 aux 100 kilomètres.
Quant à la Mathis V. L. 333, elle a adopté des cyclecars
de jadis : Morgan, Sénéchal, la solution, assez peu prisée des usagers,
des 3 roues. Ici on se trouve devant un moteur 2 cylindres de
750 centimètres cubes. La carrosserie est spacieuse et du type conduite
intérieure. Profilage aérodynamique. Consommation autour des 6 litres au
cent.
Bernardet, de son côté, a soumis à la critique un modèle à 4 cylindres
opposés par groupe de 2, de 800 centimètres cubes de cylindrée. Nous
savons qu’en théorie cette solution assure un équilibrage parfait avec absence
totale de vibrations. Boîte à vitesses courante. Freins lockheed. Suspension avant
à roues indépendantes par ressorts à boudin de grand diamètre et très souples.
À l’arrière, ressorts à lames. Amortisseurs hydrauliques. Châssis coque
constituant la carrosserie et formé d’éléments métalliques en tôle assemblés
par soudure électrique. Puissance fiscale, 5 CV. Consommation, moins de 7 litres
aux 100 kilomètres.
Un mot, en passant, sur la Georges Irat, qui nous présente
une carrosserie à 3 places de front. Belle ligne et présentation heureuse.
Solutions traditionnelles : 4 cylindres, 4 vitesses, cylindrée
1.100 centimètres cubes. Nous la mentionnons ici, car ses parrains nous
ont assuré une consommation de 6 litres et demi à 7 litres aux 100 kilomètres.
Faisons confiance. Pour faire léger et combattre cet ennemi de toujours, le
« poids mort », on a délaissé le plus possible les alliages à base
d’aluminium pour le magnésium.
La H. H. S. Julien nous emporte dans les
innovations techniques les plus hautes. Moteur monocylindrique
310 centimètres cubes disposé à l’arrière avec soupapes en tête,
commandées par culbuteurs. Suspension à roues indépendantes ; carrosserie
originale entraînant un poids à vide n’excédant pas 275 kilogrammes. Ce
cabriolet consomme moins de 3 litres et demi au cent. À lui le grand prix
de sobriété.
Mentionnons, pour être complet, la Simca 5 et la 202
Peugeot, vieilles connaissances, maintenant chevronnées.
Terminons sur la nouvelle 4 CV Renault dont nous avons,
dans notre dernier numéro, donné une description succincte. Rappelons ici les
caractéristiques générales : 4 cylindres à culbuteurs de
760 centimètres cubes, absorbant, en régime normal, 6 litres aux 100 kilomètres.
Moteur à l’arrière, roues indépendantes, lignes agréables.
Tant d’innovations nous font un peu peur. On nous avait si
peu habitués, à Billancourt, à faire du neuf, type « avant-garde » !
La route, implacable, l’attend pour la consacrer ou là rejeter.
En résumé, après une interruption de six ans, le dernier
Salon a présenté au jugement du public des modèles légers, parfois osés, où des
plâtres seront à essuyer certes, mais toujours intéressants.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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