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Adaptation des arbres fruitiers

au milieu et aux conditions économiques

La plantation des arbres fruitiers étant proche, il est utile de mettre en lumière les considérations qui doivent être les directives des praticiens et des amateurs dans le choix du terrain, l’exposition et la situation de l’emplacement, afin d’éviter aux nouveaux venus des échecs dans l’exploitation des essences fruitières et leur permettre d’obtenir une plantation de longue durée avec une production continue.

À l’origine, la production fruitière était restée localisée aux environs des villes, elle suffisait à leur alimentation. Ces cultures s’étaient acquis une réputation et une perfection très grandes. Leur importance n’avait guère dépassé les besoins de la consommation locale. Dès que les distances ont été supprimées par l’établissement des chemins de fer, les centres favorisés par les conditions de milieu ont pu viser de produire pour les centres éloignés et les régions septentrionales. Les enclos de production sont devenus insuffisants ; la production, quittant la petite culture, gagnait les espaces libres pour prendre les allures d’une grande culture.

L’épanouissement de la culture fruitière s’est faite depuis une cinquantaine d’années environ et continue sa marche croissante tous les ans.

Dans ce grand mouvement d’extension de la production des fruits qui entraîne les cultivateurs, attirés par les bénéfices importants procurés par ces cultures, il est utile de prendre les plus grandes précautions pour adapter la culture au milieu, au climat et au sol.

Chaque espèce a ses exigences : il faut à chacune d’elle une somme de chaleur déterminée pour mûrir le fruit ; un degré hygrométrique spécial de l’air pour favoriser leur croissance ; un éclairage plus ou moins intense pour lui imprimer le coloris qu’il est susceptible d’obtenir ; enfin, un sol de composition spéciale et déterminée. La connaissance de toutes ces conditions constitue la technique de la production. Le cultivateur qui veut se livrer à cette culture doit déterminer avec précision le cantonnement des diverses espèces fruitières, afin que chacune d’elles soit à la place qu’elle doit occuper pour donner les meilleurs résultats.

En conséquence, la mise en valeur d’un terrain ne saurait être le résultat d’un désir ; il faut que les arbres fruitiers soient placés dans le milieu répondant aux conditions exigées par l’essence.

Les milieux et les exigences des espèces fruitières.

ABRICOTIER. — Sa floraison précoce l’expose aux gelées du printemps, son rendement est d’autant plus aléatoire que sa culture est située plus au nord. La spéculation de cette essence ne doit être entreprise que dans le Midi de la France ; c’est l’arbre du bassin méditerranéen, des régions tempérées chaudes et de tous les pays où les gelées printanières ne sont pas à craindre. Son avenir pour les cultures industrielles est plus au sud de la France, l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, que dans le Centre. Dans ces régions, l’abricotier trouve non seulement le soleil, mais un sol chaud, lui permettant d’avoir une végétation continue. Les sautes de température nuisent à la formation du bois. Celui-ci ne se lignifiant pas, les vaisseaux se détruisent, les branches périssent faute d’alimentation. L’abricotier perd, de ce fait, de nombreuses charpentières, Souvent la tige est à moitié lignifiée, le centre de l’arbre se nécrose et devient creux.

La composition du sol semble peu lui importer. Cependant, les terres siliceuses lui conviennent spécialement quand elles renferment un peu de fraîcheur. Les sols calcaires, chauds et aérés, où l’eau ne séjourne pas, lui sont propices. C’est une espèce fruitière précieuse à cause de ses débouchés faciles et des industries auxquelles elle se prête. Mais il ne faut engager de spéculation qu’à la condition de faire disparaître le plus possible les chances de gelées.

AMANDIER. — Cette espèce doit rester méridionale ; dans cette région, on peut l’employer à la mise en valeur des terrains caillouteux pauvres. La composition du sol semble lui être indifférente ; il prospère dans les granits et les éboulis calcaires.

CERISIER. — Essence rustique, à ce titre elle est précieuse, cela lui permet d’affronter les climats les plus variés. De sa culture dans le Midi, elle s’élève au delà de la zone des cultures viticoles. Malgré tout, c’est dans la zone méridionale que la spéculation de la cerise doit être entreprise : essence peu difficile, robuste dans tous les sols, avec laquelle on peut mettre en valeur les terres calcaires. Le cerisier prospère également en terre siliceuse et d’origine granitique : arbre précieux d’un rapport intéressant, mais comportant une récolte longue et coûteuse. L’importance de la spéculation doit être mesurée par celle de la main-d’œuvre dont on peut disposer pour la cueillette des fruits et leur emballage.

PÊCHER. — Exige de la chaleur pour mûrir ses fruits et de la lumière pour les colorer. La culture sur de vastes surfaces ne peut être entreprise que dans le Midi de la France et dans les régions tempérées occupées par la vigne. Lorsque l’on place cette culture à l’extrême limite des cultures viticoles, on doit s’adresser à des variétés spéciales, ou lui créer un climat artificiel à l’abri des murs en espalier.

POIRIER. — C’est l’essence des climats tempérés froids. Dans le Midi, il redoute les expositions brûlantes sèches. En milieu où l’atmosphère est légèrement humide, il donne de gros fruits d’excellente qualité. Les vallées abritées ouvertes lui conviennent mieux que les plateaux élevés balayés par les vents. Il demande aussi de la lumière pour donner de la coloration aux fruits. Dès lors, les pentes au nord ne lui conviennent pas ; l’ouest, le sud-est lui sont préférables au midi. En plein vent, greffé sur francs, il prospère dans tous les sols. Sur cognassier, il est plus difficile sous le rapport du sol. Le calcaire lui donne la chlorose dès que la teneur du sol s’élève à 6,8 p. 100.

En sol silico-argileux ou argilo-siliceux, un peu compact, se ressuyant bien, il se comporte très bien.

POMMIER. — C’est une essence fruitière du Nord et des altitudes assez élevées ; il redoute moins les rigueurs de l’hiver, cette essence n’ayant pas besoin d’autant de chaleur et de lumière pour mûrir et colorer ses fruits. Moins exigeant que le poirier sous le rapport du sol, il se plaît dans toutes les formations géologiques. Pour prospérer, il demande que l’atmosphère ne soit pas sèche et que le sol profond lui permette d’asseoir solidement et profondément son système radiculaire. C’est l’essence des terres granitiques, des fonds de vallées, des pentes d’éboulis au sol profond et riche. Il prospère à 1.500 mètres d’altitude sur les pentes abritées des hautes montagnes, à condition d’être suffisamment protégé des vents et ensoleillé.

PRUNIER. — Il est peu difficile sur la qualité du sol. Une bonne terre argilo-siliceuse, fraîche en été, lui convient. Il s’accommode bien du climat de la vigne, il s’avance plus au nord qu’elle et réussit où le raisin ne mûrit plus. C’est un arbre de la plaine et des collines abritées des vents à l’exposition sud-est et sud-ouest. Ses fleurs étant assez sensibles aux gelées printanières, sa fructification sera plus régulière dans une situation abritée du nord et de l’est. Il demande une terre riche légèrement calcaire.

VIGNE. — Elle affectionne un sol chaud riche, plutôt léger et perméable, et redoute l’humidité. C’est une plante des climats tempérés chauds. Les grands froids n’ont pas d’action nuisible sur elle, lorsque son bois est bien aoûté, condition essentielle d’une bonne fructification. Elle exige une température suffisante en fin d’été et une sécheresse relative à l’automne pour mûrir son bois.

E. DEAUX.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 394