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Le « radar »

Avec la bombe atomique, le radar est la découverte la plus sensationnelle de cette guerre. Mais, alors que la première pose des problèmes angoissants pour l’avenir de l’humanité, la seconde, au contraire, présente plutôt un intérêt défensif. Le radar, en effet, « Radio détection and ranging », est un appareil qui permet de détecter un objet à distance pour en obtenir la position exacte.

Le principe du radar repose sur l’écho des ondes radio-électriques, phénomène qui avait été observé et réalisé avec les sondeurs acoustiques ultra-sonores. Tous les pays cherchaient à étendre la propagation des ondes radio-électriques dans l’air et à la surface de la terre ou de la mer ; les Anglo-saxons réussirent les premiers à doter leurs armées d’un instrument parfait.

Voici comment il opère. Un émetteur envoie une impulsion d’une durée de l’ordre du millionième de seconde. Cette onde courte radio-électrique se propage dans une direction déterminée à l’aide d’une antenne directrice tournante. Elle frappe les objets solides qu’elle rencontre en se propageant comme la lumière en ligne droite, à une vitesse de 300.000 kilomètres par seconde. Nous savons qu’elle a la propriété de se réfléchir, de « rerayonner » sur ces objets, et elle est captée à son point de départ, car le radar se compose d’un ensemble émetteur-récepteur.

L’écho de l’objet détecté se reproduit sur un écran de verre enduit de matière fluorescente et s’y inscrit en taches lumineuses grâce à un appareil appelé oscillographe cathodique. La partie la plus remarquable du radar c’est, sous un volume extrêmement réduit, le magnétron, qui produit l’onde centimétrique. L.-V. Renou, dans Marine Nationale, l’appelle le « cerveau » du radar.

Voici comment on utilise cet appareil. L’opérateur recherche avec l’antenne tournante directrice les objets à détecter en scrutant l’horizon et émet des impulsions avec le magnétron. Quand l’onde centimétrique ainsi émise rencontre un objet — un avion dans l’air, un navire sur l’eau ou même le simple périscope d’un sous-marin — l’onde se réfléchit et s’inscrit sur l’écran à une très grande vitesse en taches lumineuses qui, grâce à leur persistance, apparaissent à l’opérateur sous la forme d’une ligne blanche.

Comme on connaît la vitesse de propagation des ondes, la distance est facile à déterminer en la calculant d’après le temps qu’on a mis à en recevoir le rayonnement. En effet, l’oscillographe cathodique permet une comparaison entre la durée du trajet de l’onde et la durée du trajet du faisceau utilisée comme base de temps. Quant au gisement du but, il est révélé par la direction du faisceau lumineux dans le sens de l’antenne.

Le radar a apporté une révolution dans la stratégie aéronavale ; celle-ci a toujours eu comme objectif principal la reconnaissance et le contact de l’ennemi, puis le réglage du tir sur lui par l’appréciation de la distance du but.

Au commencement de ce siècle, la reconnaissance était opérée par des croiseurs rapides qui n’avaient d’autre ressource que le jeu de leurs pavillons pour faire connaître au commandant en chef la présence de l’adversaire. Le contact était d’autant plus difficile à tenir que le croiseur répétiteur pouvait lui-même être chassé par une formation détachée du gros des forces adverses.

La T. S. F. et l’aviation de reconnaissance avaient déjà modifié, en 1914-1918, la tactique de combat, qui s’élabora sous le signe de la radio et de l’avion. Celle de 1940 s’est ouverte, le 15 septembre, à Londres, avec l’entrée en scène du radar, qui permit à la D. C. A. de détecter et d’abattre 145 bombardiers sur les 800 qui attaquaient la capitale anglaise.

Depuis cette époque, le radar a vu son champ d’action s’étendre à toutes les formes de la guerre. Après le radar aérien, nous avons eu le radar de surface, auquel on a fait subir les améliorations les plus curieuses.

Nous avions déjà le télémètre, auquel on avait adapté un système de télépointage permettant de régler le tir automatiquement. De même, le radar, après avoir détecté l’ennemi, si petit soit-il, pointe lui-même les canons vers lui ; il télémètre les gerbes de projectiles qui encadrent le but et règle le tir automatiquement beaucoup mieux qu’un télémètre, car il n’est pas soumis aux erreurs de la vision humaine. C’est un œil infaillible ouvert sur les ténèbres, à telle enseigne qu’il a permis à des croiseurs anglais de couler à distance des convois allemands invisibles.

En bref, c’est le radar qui a permis aux Alliés de gagner la guerre : d’abord en facilitant le passage de leurs convois à travers l’Atlantique, qu’il a purgé des sous-marins ; ensuite, en détruisant dans le Pacifique un nombre tellement élevé de navires japonais que la bombe atomique a trouvé la besogne toute faite au moment de l’effondrement de l’Empire du Tenno.

Les applications du radar sont innombrables. Il commande les projecteurs, la D. C. A. et les mitrailleuses des avions, même pour descendre des chasseurs attaquant en queue de fuselage ; il permet de bombarder à travers les nuages (Mickey Radar) et renseigne même sur la qualité de l’objet détecté, ami ou ennemi. C’est un nouveau Mercure ailé, messager des nuées.

Or, après avoir fait œuvre de guerre, le radar va rendre en temps de paix des services incomparables pour la sécurité des transports aériens et maritimes, en détectant, en temps de brume, l’approche du danger, en révélant les bouées ; il ouvrira l’entrée dans les ports et offrira à l’aviateur la possibilité d’atterrir par tous les temps et de connaître la distance de son avion au sol.

Si les Anglais ont utilisé le radar à des fins militaires, c’est la France qui avait mis au point les sondeurs ultrasonores. Il ne faut pas oublier, en outre, en ce qui concerne la détection des objets à distance, que la Compagnie générale de T. S. F. (Société radio-électrique), après des essais concluants sur l’Orégon et le Minotaure, avait placé, sur la passerelle du Normandie, le premier appareil de détection radio-électrique.

Armand AVRONSART.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 412