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Où en est la radio américaine ?

Les perfectionnements des appareils de radiophonie ont été très réduits en France durant la guerre, sinon complètement nuls. Nous avons déjà exposé les raisons de ces faits, et elles sont, hélas ! trop évidentes et trop nombreuses ; il serait déjà très beau de pouvoir obtenir actuellement des appareils de qualité comparable à ceux des modèles de 1939.

Pour songer à des modifications plus profondes des montages radio-électriques, il faut nécessairement attendre la venue pratique des nouveaux types de lampes, qui déterminent le caractère essentiel de ces montages. Il n’en est pas encore question en France, dans un avenir immédiat, et nous avons déjà exposé, dans un précédent article, comment se présentait la situation sous ce rapport. Mais que se passe-t-il dans les pays qui ont moins souffert de la guerre, et surtout qui n’ont pas connu l’occupation, en Angleterre, et principalement aux États-Unis ? C’est l’industrie américaine qui demeure la première du monde et c’est d’elle que doivent nous venir les idées directrices déterminant toute l’évolution de la construction radio-électrique.

Quels sont, en réalité, les progrès techniques et industriels réels effectués depuis la guerre outre-Atlantique ! Il ne faudrait pas, malgré tout, et nous avons déjà eu l’occasion de le noter aussi, sous-estimer les difficultés de toutes sortes qui s’opposent au développement normal de la fabrication et au retour aux conditions d’avant guerre.

La transformation des fabrications de guerre en productions destinées à la population civile ne s’est pas accomplie sans créer des problèmes très délicats à résoudre. L’organisation de la radiodiffusion, l’établissement des programmes, les difficultés de réalisation des réseaux de télévision constituent, par ailleurs, autant de questions complexes.

Les industriels américains sont, avant tout, des industriels et des commerçants, tout autant que des techniciens ; on ne peut donc leur reprocher de rechercher d’abord des motifs de vente, en invoquant des nouveautés parfois plus commerciales que réelles. Il faut ainsi faire une sélection parmi les études qui nous sont présentées dans les journaux ou les revues américains. Il serait également ridicule de prétendre que toutes ces innovations sont commerciales et n’offrent pas d’intérêt technique.

On peut noter des modifications de détails de montage, ayant plutôt un intérêt industriel ou commercial, mais aussi des transformations techniques remarquables, qui font honneur aux chercheurs d’outre-Atlantique. Ceux-ci ont à leur disposition de merveilleux laboratoires, bien outillés, et des moyens matériels et financiers presque illimités.

Parmi ces innovations de la technique américaine, il en est qui avaient déjà été conçues avant l’entrée en guerre des Américains. Dès 1941, cependant, les fabrications radio-électriques destinées à la population civile ont été arrêtées, en principe, et l’effort de toute l’industrie radio-électrique s’est porté vers les fabrications de guerre. Aussi, les inventions et transformations essentielles que nous pouvons constater aujourd’hui ont été, en général spécialement imaginées en vue d’applications militaires. Le même phénomène avait été encore plus net pendant la guerre de 1914-1918, puisque la lampe de T. S. F. elle-même, la merveilleuse « loupiote » des débuts de la T. S. F., a été sinon créée, du moins réalisée pratiquement, en vue d’équiper les appareils militaires.

L’appareil radio-électrique qui a joué le plus grand rôle pendant la guerre et, en particulier, sauvé l’Angleterre de l’invasion, en 1940, a été le « radar », qui est, en réalité, un dispositif de repérage et de détection des obstacles fixes ou mobiles fonctionnant à l’aide d’ondes ultra-courtes.

Pour réaliser des appareils de radar de plus en plus sensibles et précis et de portées de plus en plus grandes, les techniciens américains ont créé des modèles de lampes pouvant fonctionner sur des fréquences ultra-hautes, c’est-à-dire pour des longueurs d’onde ultra-courtes, décimétriques ou même centimétriques, et fournissant une puissance instantanée suffisante pour assurer une portée assez longue.

Les applications prochaines de ces inventions seront nombreuses, même dans des buts pacifiques ; elles assureront une plus grande sécurité de la navigation aérienne, maritime et même ferroviaire. Les navires de la nouvelle ligne Douvres-Calais sont, dès à présent, munis d’appareils de radar leur permettant l’entrée des ports sans danger. L’étude de la propagation des ondes ultra-courtes a permis également à la technique de ces ondes d’enregistrer de remarquables progrès, en particulier pour la radiophonie à haute fidélité ; la modulation par impulsion a déjà diverses applications dans la technique des communications téléphoniques multiplex, ou même des radiodiffusions multiples simultanées.

Une des premières conséquences des recherches de cette catégorie a donc été un développement prodigieux de la technique des ondes ultra-courtes. Cette technique permet également, comme nous l’avons expliqué, le développement de la télévision à haute définition.

Les services de transmission radiotélégraphiques, et surtout téléphoniques, se sont développés d’une façon incroyable pendant la guerre ; sur tout navire, à bord de tout avion, et presque sur chaque véhicule motorisé, il existait un appareil récepteur et même émetteur. Il y avait même les fameux « handy-talkies » que les fantassins pouvaient emporter dans leur progression et utiliser aisément, aussi bien pour l’émission que pour la réception. Les agents de renseignements, les services d’espionnage avaient réussi à employer des récepteurs d’une forme de plus en plus réduite et, souvent, très inattendue.

Tous ces appareils, dont la production se montait à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, devaient fonctionner dans les conditions les plus pénibles et sous tous les climats, dans les colonies, comme sur mer et dans l’air. De là la nécessité de réaliser des montages d’une solidité mécanique à toute épreuve, facilement vérifiables et démontables, peu sensibles aux agents atmosphériques.

Pour établir de tels montages, il fallait, avant tout, utiliser des pièces détachées et des lampes de haute qualité. De là les progrès de la construction des résistances fixes et variables, des condensateurs au mica et au papier, ou électrochimiques, et enfin des lampes. On a enfermé les pièces détachées dans des enveloppes scellées, et notons à ce propos les progrès de la technique de la soudure du métal au verre.

Si nous suivons en France une évolution parallèle à celle de la technique américaine, nous devons donc, avant tout, pouvoir réaliser des appareils plus robustes et de fonctionnement plus stable, aux qualités plus poussées qu’avant la guerre. Faute de matières premières et de conditions industrielles normales, nous n’en sommes pas encore là, dans tous les domaines, malgré la compétence et l’ardeur au travail de nos fabricants. Espérons toujours en des temps meilleurs.

P. HÉMARDINQUER.

Le Chasseur Français N°612 Février 1947 Page 413