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Pour mettre votre jardin en état

Avant d’entreprendre l’aménagement de votre propriété dans l’esprit que nous vous conseillons (1), afin que votre jardin d’agrément soit en même temps utilitaire, il importe de l’approprier. La période difficile que nous vivons est pleine d’incertitude et vos possibilités sont généralement limitées ; aussi faut-il les mettre toutes en œuvre.

Deux cas principaux.

— Deux cas principaux se présentent avec des variantes. Vous avez dû quitter votre maison et votre jardin. Celui-ci, autrefois bien aménagé, présente maintenant un fouillis ; il est envahi par toute une végétation parasite. Cela vous oblige à procéder à une remise en état avec des modifications, des simplifications motivées par les circonstances.

Votre maison a été détruite par les événements de guerre, et votre jardin a été dévasté. Que votre habitation soit reconstruite ou non dans un délai déterminé, vous aurez à procéder également à une remise en état, à une reconstitution, en vous inspirant de ses anciennes dispositions ; or aménagez-la en tenant compte des besoins, des nécessités et des difficultés du moment. Beaucoup des propriétés qui conservent une ceinture arborescente, constituant un abri, peuvent être avantageusement transformées en verger aux formes d’arbres hautes ou basses.

Dans les deux cas, prévoyez que vous aurez besoin au cours d’une période d’années de ressources alimentaires pour vous (et pour vos bêtes si vous en tenez) que ce jardin peut normalement vous assurer.

Remise en état.

— Si votre jardin a été négligé ou délaissé au cours des dernières années, sans que la végétation arborescente et arbustive ne l’ait totalement transformé en un coin de forêt vierge, un nettoyage général peut suffire.

Arbres et arbustes sont généralement plantés trop rapprochés, tant est grand le désir de bénéficier d’un effet de suite. Le premier travail consiste donc à effectuer des éclaircies et des élagages ; souvent aussi, des nettoyages par l’enlèvement du bois mort.

Procédez à l’élagage des arbres plantés en vedette devant les massifs pleins, ou en groupes dans les gazons des jardins paysagers (dits anglais) en dégageant leur ramure. Ne touchez toutefois pas en premier lieu aux conifères à port symétrique étalé ou non : cèdres, abies, etc. ; mais vous pouvez dégager la ramure des pins si celle-ci vous apparaît par trop encombrante. Attaquez ensuite les massifs pleins en allégeant les touffes ou cépées d’arbustes, en arrachant même les touffes par trop comprimées les unes contre les autres ; nettoyez, élaguez, rabattez les autres pour aérer et rajeunir l’ensemble.

C’est là un travail assez laborieux et coûteux si vous devez le faire exécuter. Mais le temps passé au cours des mois d’hiver ou les sommes payées pour cela sont très largement compensés par la valeur du bois de chauffage que vous en retirez. Plus tard, ainsi que nous vous le conseillerons, en vous en signalant les raisons et les profits, vous pourrez très avantageusement introduire des arbres fruitiers dans les emplacements libres, parce que très décoratifs par leurs floraisons printanières avec, par surcroît, leurs productions de fruits, insuffisantes en France.

Les mêmes travaux sont à entreprendre, infiniment plus dispendieux et plus importants si votre propriété a été dévastée. Des trous d’obus sont souvent à combler ; des arbres, des touffes d’arbustes ont été massacrés par la mitraille ; d’autres ont été coupés à blanc pour faire du bois à brûler. Les mêmes travaux que ci-dessus sont à effectuer plus laborieusement encore et il vous faut dessoucher les souches d’arbres et des cépées afin de pouvoir replanter.

Dans les deux cas, les travaux sont plus minutieux pour les arbres fruitiers en formes basses qui se sont développés à bois outre mesure, et pour ceux à tiges, dans la ramure desquels le bois mort s’ajoute à la confusion. Éclaircissez prudemment leur ramure en échelonnant leur remise en état en deux ou trois ans. Ou si ce travail de restauration s’avère par trop difficultueux et au résultat problématique, rabattez-les au cours de l’hiver pour les regreffer au printemps avec de bonnes variétés. Deux à trois ans après, ils recommenceront à fructifier. Donc ne les arrachez en aucun cas, mais décapez leurs vieilles écorces par un grattage.

Les parties gazonnées, bordures, plates-bandes, corbeilles de fleurs, sont envahies par toute une indésirable végétation parasite qui s’est largement enracinée, s’est établie à demeure (c’est le cas notamment des : ortie, chiendent, chardon, liseron, etc.), et qui, par surcroît, à revêtu le sol d’innombrables graines prêtes à germer et à perpétuer toutes les mauvaises herbes.

Si vous pensez pouvoir en venir à bout, procédez à un bon retournement du sol sur au moins 30 centimètres de profondeur, en extirpant et en brûlant toutes les racines de ces plantes envahissantes après ou non un écobuage (brûlage) des herbes sèches. Semez une plante étouffante, telle la vesce velue à l’automne ou la vesce de printemps à la fin de l’hiver. Cette vesce vous fournira du fourrage vert pour vos bêtes ; enfouie, elle constitue un engrais azoté qui se double d’un apport d’humus, indispensables dans les terres épuisées, même par l’inculture. Ou bien encore faites une culture nettoyante, celle d’une plante sarclée comme la pomme de terre.

Craignez-vous de n’avoir pas raison de toute cette végétation envahissante ? Épandez du crud ammoniac (2) (à vous procurer dans une usine à gaz) à raison de 30 à 40 grammes au mètre carré. Le crud ammoniac détruit les mauvaises herbes jusqu’aux racines, sans stériliser le sol comme le chlorate de soude. Il fournit, au contraire, un engrais azoté. Trois ou quatre mois après, vous pouvez retourner le sol, y faire une productive culture de pomme de terre, puis planter et y ressemer du gazon.

Nous examinerons ultérieurement comment concevoir votre jardin pour qu’il satisfasse ces deux conditions : être à la fois productif et attrayant, en vous donnant ainsi toute satisfaction.

LE JARDINISTE.

(1) Le Chasseur Français, no 612, page 393.

(2) On qualifie le crud ammoniac d’engrais des jachères, en raison des toxiques (notamment le sulfo-cyanure) qu’il contient pour les plantes, au point qu’il a raison de l’avoine à chapelets. Après oxydation de ses composants nuisibles, il devient fertilisant avec un contenant de 2 à 10 p. 100 d’azote.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 440