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Œnologie

Les maladies des vins

Les maladies des vins ont été constatées depuis fort longtemps, mais ce n’est qu’après les travaux de Pasteur et l’emploi judicieux du microscope que l’on a pu isoler les microbes causes des maladies et organiser les moyens de lutte.

Toutes les maladies des vins ne sont pas dues à des microbes ; ainsi les casses, en particulier, sont dues à la présence de diastases, corps organiques, invisibles au microscope.

Pour chaque maladie, nous donnerons successivement le nom commun, l’aspect du microbe ou ferment vu au microscope, ses causes, ses principaux caractères, les moyens préventifs et curatifs.

A. — Maladies dues à des bacilles vivant au contact de l’air.

MALADIE DE LA FLEUR (Mycoderma Vini).

— Aspect au microscope : corpuscules elliptiques incolores, présentant à l’intérieur 2 à 3 points (noyaux). Causes : transforme l’alcool en eau et acide carbonique, attaque les vins légers, peu acides, riches en matières organiques. Principaux caractères : il forme à la surface du vin une pellicule blanche, dans les vins rouges, qui s’épaissit, se ride et se colore en rose, puis en rouge. Les vins perdent leur alcool, leur acidité et leur tanin.

Moyens préventifs : ouiller avec soin les tonneaux. Moyens curatifs : filtrage énergique, mettre en fût propre et désinfecté, acidifier à l’acide citrique s’il y a lieu.

MALADIE DE LA PIQURE ou ACESCENCE (Mycoderma Aceti).

— Aspect au microscope : très petits corpuscules allongés, légèrement étranglés par le milieu, incolores, en chapelet. Causes : transforme le vin en acide acétique et en eau. Se produit quelquefois à la cuve par le chapeau resté trop longtemps au contact de l’air ; nettoyage incomplet du matériel vinaire ou fûts mal entretenus. Le ferment attaque les vins peu alcooliques et légers en couleur. Principaux caractères : pellicule mince à la surface du vin, s’épaississant par la suite.

Moyens préventifs : éviter que le chapeau ne dépasse les bords de la cuve ; éviter les courants d’air dans le local où se fait la fermentation ; ouiller avec soin les fûts. La température du chai ne doit pas être supérieure à 13 degrés. Sulfiter la vendange. Où cela se pratique ; pied de cuve vigoureux.

Il n’y a pas de moyen curatif autre que la transformation du vin malade en vinaigre.

B. — Maladies dues à des bacilles vivant à l’abri de l’air.

MALADIE DE L’AMERTUME.

— Aspect au microscope : se présente sous l’aspect de gros filaments souvent aplatis, enchevêtrés, buissonneux, quelquefois colorés en brun. Causes : se produit souvent dans les vins vieux en cercles ou en bouteilles ; le bacille attaque la glycérine, qu’il transforme en acide butyrique et quelques autres produits. Principaux caractères : le vin a d’abord un goût fade, puis, la maladie s’accentuant, il devient franchement amer.

Moyens préventifs : pasteurisation, soutirage et filtration à l’abri de l’air. Assurer au vin des richesses alcoolique, tannifère et acide suffisantes. Moyens curatifs : collage énergique et soutirage, ajouter de l’œnotanin si cela est nécessaire.

MALADIES DE LA POUSSE ET DE LA TOURNE.

— Aspect au microscope : bâtonnets très minces d’autant plus longs que la maladie est plus ancienne. Causes : le ferment se développe à la cuve dans les vins rouges, surtout s’ils proviennent de vendanges mildiousées ; dans les fûts et bouteilles lorsque la température s’élève. Principaux caractères : les deux maladies sont produites par le même ferment. Le vin atteint de la pousse se trouble et dégage une quantité plus ou moins grande de gaz carbonique qui produit le suintement des tonneaux et le départ des bouchons dans les bouteilles.

Le vin malade, mis dans un verre et regardé par transparence, laisse voir des ondes soyeuses qui ne sont autres que les filaments du ferment.

Le vin atteint de tourne se trouble et devient foncé.

Moyens préventifs : acidifier le moût avec 0kg,100 d’acide tartrique par hecto. Conserver le vin au frais. Soutirer à l’abri de l’air. Collage et méchage énergiques.

Moyens curatifs : après pasteurisation, ajouter 5 grammes d’acide sulfureux par hecto et 20 grammes d’acide citrique ; filtrer.

MALADIE DE LA GRAISSE.

— Aspect au microscope : très petites boules réunies en chapelet. Causes : se trouve surtout dans les vins blancs qui présentent presque toujours un léger dégagement gazeux (acide carbonique). Principaux caractères : le vin devient visqueux et coule comme de l’huile.

Moyens préventifs : addition par hecto de 5 grammes de tanin à l’entonnage, au premier soutirage et au collage, etc., en ne dépassant pas 25 grammes par hecto. Entonner dans des fûts riches en tanin.

Moyens curatifs : addition de 10 à 20 grammes de tanin par hecto suivi d’un collage et d’un soutirage. Puis pasteurisation, collage et filtration.

MALADIE DE LA MANNITE.

— Aspect microscopique : ferment en bâtonnets gros et courts. Causes : se développe dans les cuves lorsque la température atteint 36 degrés. Principaux caractères : le vin soutiré est trouble et présente une saveur aigre-douce. Il s’est produit des acides acétique, lactique et carbonique, ainsi que de la mannite.

Moyens préventifs : réfrigérer, acidifier, pasteuriser. Moyens curatifs : si la maladie est peu développée, pasteuriser et faire refermenter avec du moût frais.

C. — Maladies dues à des ferments solubles (diastases).

CASSE BRUNE.

— Causes : diastase oxydante apportée par les pourritures du raisin. Principaux caractères : dans les vins rouges, trouble persistant de couleur rouge-brique, puis précipité suivi de la décoloration ; dans les vins blancs, trouble, couleur jaune, précipité brun. Moyens préventifs : élimination des grains pourris, sucrage ou acidification du moût (jamais les deux à la fois).

Avant soutirage, sulfiter avec 3 grammes d’acide sulfureux. Méchage préalable et énergique des tonneaux.

Moyens curatifs : collage, filtration à l’abri de l’air, pasteurisation ; méchage énergique des fûts ou sulfitage du vin.

Remarque. — Dans les vignobles où la « pourriture noble » est indispensable à la qualité des vins, cet accident n’est pas à redouter, car ces vins sont traités en conséquence.

CASSE BLEUE.

— Appelée aussi casse ferrique. Causes : oxydation des sels de fer et du tanin. Principaux caractères : se produit de préférence dans les vins blancs, qui se troublent et bleuissent au bout de quelques jours.

Moyens préventifs : éviter l’apport de terre (grappes souillées) à la vendange et l’emploi d’ustensiles en fer. Mélanger le vin de presse et le vin de goutte. Moyens curatifs : traiter un demi ou un quart de litre avec une solution d’acide citrique de composition connue, ajouter de cette solution jusqu’à disparition de la coloration bleue ; la quantité de solution citrique employée donne la quantité de cet acide à ajouter par hecto.

CASSE BLANCHE.

— Principaux caractères : trouble laiteux se produisant dans le vin exposé à l’air.

Moyens curatifs : acidifier le vin malade à l’acide citrique à raison de 25 à 30 grammes par hecto.

Nous prévenons les lecteurs de cette revue que la loi française permet la vente des vins malades à condition qu’ils soient vendus comme tels.

Elle interdit, par contre, la mise en vente de tels vins traités par des moyens curatifs.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 444