Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°613 Avril 1947  > Page 445 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

La pomme de terre

Le coupage des plants

La question du coupage des plants, autrement dit leur sectionnement avec un couteau avant la plantation, est, à l’heure actuelle, assez controversée. Plusieurs fois, dans Le Chasseur Français, on a mis en relief certains avantages de l’opération, et aussi ses multiples inconvénients. La plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui à signaler que cette pratique est logique, ou plutôt tolérable, avec certaines variétés et lorsqu’on a affaire à des tubercules un peu volumineux.

À première vue, il semble donc inutile de revenir sur cette pratique ; mais certaines observations, résultant d’expériences récentes, sont venues apporter du nouveau. Comme en matière de maladies les théories doivent toujours céder le pas à l’expérimentation, il paraît opportun de signaler aux agriculteurs ce qui a été nouvellement observé. Il s’agit d’une contamination des plants par le procédé habituel de coupage, en d’autres termes l’introduction de certaines maladies par le couteau non désinfecté. Ces maladies paraissent être : le flétrissement bactérien et diverses affections à virus.

Le coupage et le flétrissement bactérien.

— Depuis trois ou quatre ans, M. Lansade, de la Station centrale de Pathologie végétale, a attiré l’attention sur les possibilités d’introduction de cette maladie par la voie du coupage des plants. En sectionnant d’abord un tubercule contenant des mucosités, puis en renouvelant la même opération sur un tubercule sain, la lame du couteau peut introduire dans ce dernier la bactérie spécifique. Les symptômes du flétrissement seront visibles dans la plante au cours de la végétation. Il est à noter que cette contamination n’est pas toujours mathématique, mais elle reste dans le domaine du possible.

Le coupage et les maladies de la dégénérescence.

— M. Limasset, directeur adjoint de la Station centrale de Pathologie végétale, dans son récent et remarquable ouvrage Principes de Pathologie végétale, signale que la plupart des maladies à virus peuvent se transmettre par la greffe. Le virus passe du sujet au greffon, et réciproquement ; la généralisation de l’infection est rapide. Une plante dégénérée produit des tubercules renfermant le ou les virus provoquant cette dégénérescence.

Dans ces conditions, il est normal d’admettre que, dans certains cas, le coupage par la méthode habituelle peut être une cause de contamination.

Dans cet ordre d’idées, des recherches ont été effectuées, en 1946, par le Syndicat de sélection du haut Forez, à l’altitude de 860 mètres.

Sur trois lignes de 200 mètres chacune, on a employé différents lots de plants issus de cultures plus ou moins atteintes d’enroulement ou de frisolée. Pour chaque lot, les tubercules au-dessus de 120 grammes ont été coupés en deux, sans désinfection du couteau, les autres ont été plantés entiers. Les demi-tubercules ont été mis en terre les premiers, les tubercules entiers ensuite, pour permettre la comparaison des plantes issues de ces plants.

Au cours de la végétation, les plantes ont été examinées une à une et en trois fois.

L’action nocive du coupage s’est montrée manifeste dans sept lots sur dix. Dans deux variétés (Ackersegen et Osbote) cultivées sur trois lots, le pourcentage des plantes à incurvations de base avec tubercules coupés était en moyenne de 53, avec les tubercules entiers de 28.

Avec la variété Flourbal (quatre lots), le nombre de cas de frisolée était, en moyenne, de 25 p. 100 avec tubercules coupés et 18p. 100 avec tubercules entiers.

Tels sont les résultats brutaux. Il serait évidemment téméraire de conclure d’une façon ferme sur un seul essai, si bien organisé soit-il, mais il est permis, néanmoins, de mettre en garde les cultivateurs sur les dangers possibles du coupage au point de vue de la diffusion des maladies à virus.

Comment éviter la pourriture des plants coupés.

— Il arrive parfois, en année humide, que certains plants coupés pourrissent en terre sans donner d’organes aériens. Pour remédier à cet inconvénient j’emploie, depuis plusieurs années, pour la Bintje et la Quenelle, le procédé suivant : une quinzaine de jours avant la plantation, chaque plant est coupé en deux à partir du sommet, en laissant intacte un peu de chair vers la base. Les deux moitiés sont ensuite accolées et on ne les détache qu’au moment de la plantation.

Comment éviter la contamination des plants coupés.

— Le fascicule édité en 1943 par le Service de la protection des végétaux recommande, pour se prémunir contre le flétrissement bactérien, la méthode ci-après : se munir de plusieurs couteaux dont les lames trempent dans une solution désinfectante (eau de Javel pure ou délayée à 50 p. 100). Quand on vient de couper un tubercule malade, on change de couteau. Un tel procédé peut également être employée pour se prémunir, jusqu’à un certain point, contre la diffusion des maladies à virus.

Cl. PERRET.

Le Chasseur Français N°613 Avril 1947 Page 445