La question du coupage des plants, autrement dit leur
sectionnement avec un couteau avant la plantation, est, à l’heure actuelle,
assez controversée. Plusieurs fois, dans Le Chasseur Français, on a mis
en relief certains avantages de l’opération, et aussi ses multiples
inconvénients. La plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui à signaler que
cette pratique est logique, ou plutôt tolérable, avec certaines variétés et
lorsqu’on a affaire à des tubercules un peu volumineux.
À première vue, il semble donc inutile de revenir sur cette
pratique ; mais certaines observations, résultant d’expériences récentes,
sont venues apporter du nouveau. Comme en matière de maladies les théories
doivent toujours céder le pas à l’expérimentation, il paraît opportun de signaler
aux agriculteurs ce qui a été nouvellement observé. Il s’agit d’une
contamination des plants par le procédé habituel de coupage, en d’autres termes
l’introduction de certaines maladies par le couteau non désinfecté. Ces
maladies paraissent être : le flétrissement bactérien et diverses
affections à virus.
Le coupage et le flétrissement bactérien.
— Depuis trois ou quatre ans, M. Lansade, de la
Station centrale de Pathologie végétale, a attiré l’attention sur les
possibilités d’introduction de cette maladie par la voie du coupage des plants.
En sectionnant d’abord un tubercule contenant des mucosités, puis en
renouvelant la même opération sur un tubercule sain, la lame du couteau peut
introduire dans ce dernier la bactérie spécifique. Les symptômes du flétrissement
seront visibles dans la plante au cours de la végétation. Il est à noter que
cette contamination n’est pas toujours mathématique, mais elle reste dans le
domaine du possible.
Le coupage et les maladies de la dégénérescence.
— M. Limasset, directeur adjoint de la Station
centrale de Pathologie végétale, dans son récent et remarquable ouvrage Principes
de Pathologie végétale, signale que la plupart des maladies à virus peuvent
se transmettre par la greffe. Le virus passe du sujet au greffon, et
réciproquement ; la généralisation de l’infection est rapide. Une plante
dégénérée produit des tubercules renfermant le ou les virus provoquant cette
dégénérescence.
Dans ces conditions, il est normal d’admettre que, dans
certains cas, le coupage par la méthode habituelle peut être une cause de
contamination.
Dans cet ordre d’idées, des recherches ont été effectuées,
en 1946, par le Syndicat de sélection du haut Forez, à l’altitude de 860 mètres.
Sur trois lignes de 200 mètres chacune, on a employé
différents lots de plants issus de cultures plus ou moins atteintes
d’enroulement ou de frisolée. Pour chaque lot, les tubercules au-dessus de 120 grammes
ont été coupés en deux, sans désinfection du couteau, les autres ont été
plantés entiers. Les demi-tubercules ont été mis en terre les premiers, les
tubercules entiers ensuite, pour permettre la comparaison des plantes issues de
ces plants.
Au cours de la végétation, les plantes ont été examinées une
à une et en trois fois.
L’action nocive du coupage s’est montrée manifeste dans
sept lots sur dix. Dans deux variétés (Ackersegen et Osbote)
cultivées sur trois lots, le pourcentage des plantes à incurvations de base
avec tubercules coupés était en moyenne de 53, avec les tubercules
entiers de 28.
Avec la variété Flourbal (quatre lots), le nombre de
cas de frisolée était, en moyenne, de 25 p. 100 avec tubercules coupés et
18p. 100 avec tubercules entiers.
Tels sont les résultats brutaux. Il serait évidemment
téméraire de conclure d’une façon ferme sur un seul essai, si bien organisé
soit-il, mais il est permis, néanmoins, de mettre en garde les cultivateurs sur
les dangers possibles du coupage au point de vue de la diffusion des maladies à
virus.
Comment éviter la pourriture des plants coupés.
— Il arrive parfois, en année humide, que certains
plants coupés pourrissent en terre sans donner d’organes aériens. Pour remédier
à cet inconvénient j’emploie, depuis plusieurs années, pour la Bintje et
la Quenelle, le procédé suivant : une quinzaine de jours avant la
plantation, chaque plant est coupé en deux à partir du sommet, en laissant
intacte un peu de chair vers la base. Les deux moitiés sont ensuite accolées et
on ne les détache qu’au moment de la plantation.
Comment éviter la contamination des plants coupés.
— Le fascicule édité en 1943 par le Service de la
protection des végétaux recommande, pour se prémunir contre le
flétrissement bactérien, la méthode ci-après : se munir de plusieurs
couteaux dont les lames trempent dans une solution désinfectante (eau de Javel
pure ou délayée à 50 p. 100). Quand on vient de couper un tubercule
malade, on change de couteau. Un tel procédé peut également être employée pour
se prémunir, jusqu’à un certain point, contre la diffusion des maladies à
virus.
Cl. PERRET.
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