C’est là un accident qui s’observe assez fréquemment chez
les grands ruminants, mais que l’on peut constater aussi chez le chien et le
chat. Nous l’envisagerons successivement chez ces derniers animaux, puis chez
les herbivores domestiques.
On peut rencontrer dans la bouche du chien des corps
étrangers de toutes sortes — éclat de bois, arête de poisson, fragment
d’os, aiguille, épingle, hameçon — que les animaux ont happés ou pris avec
les aliments et qui se sont implantés entre les dents, dans la langue, le
plancher buccal, les joues, le palais ou la gorge. Exceptionnellement il peut
s’agir d’une anse de ficelle ou de bande arrêtée sous la langue et dont les
chefs sont dans l’œsophage, ou encore d’un anneau élastique, d’un fil de
caoutchouc, etc., qui enserre la base de la langue.
La grande gêne ou l’impossibilité de la mastication,
l’abondance de la salive, qui souille la surface des lèvres ou tombe en
filaments de la cavité buccale, parfois la béance de celle-ci ou les tentatives
réitérées faites par le patient, avec ses pattes antérieures, pour se
débarrasser du corps étranger, dénoncent une affection des cavités buccale ou
pharyngienne.
Nous devons attirer l’attention sur un point très important.
Lorsque le chien est triste, qu’il ne mange pas, qu’il bave, qu’il déglutit
difficilement, il faut toujours penser à la rage et éviter d’examiner la
bouche, ou alors le faire en prenant de grandes précautions. La salive d’un
animal enragé est dangereuse plusieurs jours avant l’apparition des symptômes
de la rage. La moindre petite plaie, la plus petite éraflure de la peau
peuvent, lorsqu’elles sont souillées par de la salive d’un rabique, déterminer
l’évolution de la rage chez l’homme.
Dans le cas d’arrêt d’un corps étranger, les signes
cliniques de la rage, que je viens de décrire succintement, font défaut, et le
diagnostic est rarement hésitant. D’ailleurs, à l’inspection de la bouche, on
reconnaît le corps étranger et son lieu d’implantation ou d’arrêt.
Pour examiner la bouche, on saisit la mâchoire inférieure
avec la main, et avec l’autre main, les doigts appuyés sur les joues, en
arrière de la commissure des lèvres, au niveau des premières grosses molaires,
on presse la peau entre les arcades dentaires. Le chien écarte les mâchoires et
ouvre largement la gueule, qu’il ne peut refermer sans se mordre la muqueuse
des joues.
Le chien étant étroitement immobilisé sur une table, on peut
aussi fixer une lanière ou un fort ruban de toile sur chaque mâchoire et faire
tirer en sens contraire pour écarter les mâchoires. C’est d’ailleurs le seul
procédé pratique pour examiner la bouche du chat qu’on aura préalablement
enroulé, emmailloté dans un sac épais, comme on le ferait d’un bébé, pour se
préserver de ses griffes. Mais pour faire un examen sérieux de la bouche du
chien, il vaut mieux se servir d’un spéculum spécial — que tous les
vétérinaires possèdent — qui maintient la bouche largement ouverte. On
peut alors tirer la langue au dehors en la saisissant avec un linge propre, ou
l’abaisser en se servant d’un abaisse-langue ou d’une cuillère.
Le corps étranger étant découvert, on procédera à son
extraction au moyen de pinces ou d’un crochet mousse en fil de fer. Au cas où
l’on aurait affaire à un hameçon implanté dans l’une des lèvres ou des joues,
le sortir par la voie cutanée. Enfin, pour peu que le corps étranger ait
séjourné dans la bouche, la muqueuse est d’ordinaire enflammée ou vulnérée en
quelque point. Il convient alors de la déterger matin et soir, pendant quelques
jours, avec une solution chaude de borate de soude à 3 p. 100 ou de
chlorate de potasse à 5 p. 100. Puis toucher les ulcères, s’il y a lieu,
avec un petit tampon d’ouate imbibé de teinture d’iode étendue de deux parties
d’eau ou d’eau oxygénée diluée au quart. On donnera une nourriture facile à
mastiquer et à déglutir : lait, soupe, œufs, bouillon, etc. Si le malade
ne veut rien prendre, on lui fera avaler de force du lait, du bouillon, en
prenant les précautions d’usage.
CORPS ÉTRANGERS ARRÊTÉS DANS L’ŒSOPHAGE DES BOVINS ET
PARFOIS DES SOLIPÈDES.
— Toutes les fois qu’un animal déglutit un corps trop
volumineux, il s’expose à ce que ce corps, après avoir franchi le pharynx,
s’arrête plus ou moins haut dans l’œsophage ; et l’arrêt se fera d’autant
plus aisément que ce corps sera plus irrégulier ou anguleux. Cet accident
s’observe assez souvent chez les animaux auxquels on donne des betteraves ou
des carottes coupées en morceaux trop volumineux, et comme les grands ruminants
déglutissent très rapidement, se réservant pour ainsi dire de triturer leurs
aliments pendant la rumination, il en résulte que l’accident se voit plus
souvent chez eux.
L’animal qui vient de déglutir un corps qui n’a pu parvenir
jusqu’à l’estomac cesse tout à coup de manger ; il se montre triste,
salive considérablement et se météorise rapidement. Si le corps est arrêté dans
la portion supérieure cervicale de l’œsophage, une tuméfaction limitée
s’observe sur son trajet et la palpation fait sentir ce corps. Si celui-ci est
arrêté dans la portion thoracique de l’œsophage, le cas est plus grave. Quoi
qu’il en soit, le traitement est exclusivement chirurgical et comprend les
méthodes suivantes :
1° Faire remonter le corps et l’extraire par la bouche s’il
est arrêté dans la partie supérieure de l’œsophage ;
2° Le faire descendre ou progresser jusqu’à l’estomac ;
3° Le fragmenter pour faciliter sa progression ;
4° Enfin, l’extraire au moyen de l’incision des parois de
l’œsophage (œsophagotomie).
Si l’on est à proximité d’un vétérinaire, je ne saurais trop
conseiller de s’y adresser sans retard, car il possède des appareils (spéculum,
sonde œsophagienne, etc.) qui peuvent avoir une action capitale et heureuse
dans le traitement de l’obstruction de l’œsophage.
Dans le cas contraire, et en attendant l’arrivée du
praticien, il faut d’abord parer au danger d’asphyxie résultant du ballonnement
extrême, que présente le bovin, en pratiquant la ponction de la panse au moyen
du trocart, dont on laissera la canule dans la plaie de ponction. Puis, si le
corps étranger se trouve dans la portion supérieure de l’œsophage, pourra-t-on
essayer de le faire remonter jusque dans la gorge ou pharynx. Pour cela,
l’opérateur ayant une main de chaque côté de l’œsophage, il presse à l’aide des
doigts allongés et réunis, de dehors en dedans et de bas en haut. Le corps est
amené jusqu’au pharynx, où il est maintenu. À ce moment, il a besoin d’un aide
qui devra introduire sa main dans la bouche, protégée par un spéculum ou
bâillon quelconque, pour saisir le corps et l’extraire.
Toutes les autres méthodes sont trop dangereuses pour être
employées par les personnes incompétentes.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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