Dans notre précédente causerie, nous avons donné quelques
notions simples sur ces élixirs de vie que sont les vitamines, et avons
spécialement parlé des vitamines hydrosolubles, indispensables à la vie.
Nous allons aujourd’hui nous occuper des vitamines liposolubles, ou
solubles dans les corps gras, plus spécialement utiles à la croissance :
mères de famille, c’est à vous surtout que vont aujourd’hui nos conseils.
Parmi les vitamines liposolubles, deux paraissent jouer un
rôle particulièrement important : la vitamine A, ou vitamine
de croissance, et la vitamine D, ou vitamine antirachitique.
Le manque total de vitamine D dans une ration arrête
rapidement la croissance normale des jeunes ; et, même chez les adultes,
on note une moindre résistance aux maladies contagieuses. Quand un bébé,
surtout s’il est alimenté par allaitement artificiel, passe plusieurs semaines
sans augmenter de poids vers l’âge de six à dix mois, il risque de manquer de
vitamine de croissance : il suffit, en général, d’ajouter à son biberon
une dose minime de jaune d’œuf (ce que l’on peut prendre à l’extrémité d’une
lame de couteau le premier jour, puis une demi-cuillerée à café, puis une
cuillerée à café, puis un peu plus, mais sans jamais dépasser un jaune d’œuf
entier par jour lorsque l’enfant atteint un an) pour que l’enfant reprenne très
vite la courbe normale d’ascension.
Le jaune d’œuf est en effet très riche en vitamine A,
comme d’ailleurs le foie de tous les animaux, le lait entier, la crème et le
beurre frais, le fromage gras, certains poissons gras (hareng, sardine),
l’huître, la viande grasse, les amandes, noix, noisettes. On a d’ailleurs
remarqué que le lait et le beurre d’été étaient très riches en vitamines de
croissance, le lait d’hiver très pauvre. Pourquoi ? C’est que l’herbe
verte, dont se nourrissent les vaches au pâturage pendant l’été, contient une
provitamine A, le carotène, qui, dans l’organisme animal, se
transforme en vitamine A passant dans le lait.
Voilà pourquoi, à défaut de source directe de vitamine A,
on peut absorber des aliments riches en carotène, le carotène se transformant
dans notre organisme en vitamine de croissance. Or les aliments riches en
carotène sont légion : la carotte d’abord, mais aussi toutes les plantes
vertes à chlorophylle : choux verts, toutes salades, épinards,
etc. ... Il est à remarquer d’ailleurs qu’à la fin de l’hiver, alors que
les légumes verts sont rares, nous éprouvons le besoin de les utiliser dans nos
menus : c’est le moment où, dans les campagnes, on va cueillir pissenlits
et doucettes (ou mâches) dans les prairies pour en faire d’appétissantes
salades ; où on cueille les premières pousses des brocolis branchus ou
même de chou commun pour les manger également en salade.
La vitamine A n’est pas détruite par la chaleur, mais
elle est rapidement détruite par l’oxydation, le rancissement : du beurre
très riche en vitamine A n’en contient plus du tout si on le laisse exposé
à l’air pendant trois semaines. Le ravitaillement ne distribue du beurre pour
nos enfants qu’une fois par mois : raison de plus pour l’utiliser dans les
meilleures conditions.
Prenez-le dès qu’il est mis en vente, n’attendez pas, pour
vous faire servir, la fin d’une motte de beurre restée à l’air sur l’étal de la
crémerie pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Tassez-le
immédiatement dans un récipient, recouvrez-le d’eau, et tous les jours, après
avoir préparé vos tartines en grattant avec le couteau la partie superficielle
de votre petite réserve, recouvrez d’eau fraîche : votre beurre ne rancira
pas ainsi et conservera plus longtemps ses vitamines.
À la fin de l’hiver, et en attendant l’arrivée des
légumes-primeurs et des fruits nouveaux qui vous apporteront des vitamines de
toute nature à profusion, donnez à vos enfants — et tout le monde y prendra
goût — des hors-d’œuvre riches en vitamines :
Carottes râpées.
— Râper deux carottes moyennes par convive ; les
assaisonner de sel, huile et vinaigre (ou mieux, jus de citron) ; servir
au début du repas. Pour « corser » ce hors-d’œuvre, on peut ajouter
des pommes de terre préalablement cuites à l’eau dans leur peau, refroidies, et
coupées en tranches minces. Ce hors-d’œuvre se transformera alors en véritable
plat de résistance et le repas peut se compléter par un légume moins
nourrissant : navets, cardons, choux-fleurs, etc.
Salades diverses.
— Laitues, scaroles, chicorées, pissenlits, mâches ou
doucettes, feuilles d’épinards, assaisonnées au citron plutôt qu’au vinaigre
(le premier apportant une quantité de vitamine C que ne contient pas le
second).
Sauce verte.
— Faites un hachis de persil, cerfeuil, feuilles crues
d’épinards, feuilles de pissenlit, feuilles vertes de scaroles, de chicorées ou
de laitues, ail, oignon ; additionnez de sel, d’huile et de vinaigre (ou
mieux encore de jus de citron) et assaisonnez de cette sauce de la tête de veau
cuite au court-bouillon, des poissons quelconques cuits au court-bouillon, de
la morue salée préalablement dessalée et cuite à l’eau, du bouilli de bœuf ou
de veau, des légumes quelconques préalablement cuits à l’eau (pommes de terre,
navets, côtes de poirée).
La vitamine D, ou vitamine antirachitique, est
indispensable à l’ossification de l’organisme. Une nourriture pauvre en
vitamine D s’oppose au développement normal du squelette de l’enfant et
peut provoquer chez l’adulte de la décalcification, porte ouverte à la
tuberculose osseuse. Or la vitamine D est très rare : seul le lait
entier et ses dérivés (crème, beurre, fromage gras), le jaune d’œuf et certains
poissons de mer (hareng, flétan, morue) et plus encore le foie de ces poissons
contiennent des vitamines D. Voilà pourquoi, en période de restriction, le
ravitaillement réserve aux enfants le lait et ses dérivés.
Il faut cependant savoir que, sous la peau, se trouve une
provitamine D, l’ergostérol, qui, sous l’action des rayons solaires, peut
se transformer en vitamine D. Voilà pourquoi on a créé, ces derniers
temps, des Instituts d’héliothérapie où, dans des pays très ensoleillés, des
enfants menacés de rachitisme vivent tout le jour au soleil, soit en plein air
si la température le permet, soit sous vitres lorsque le froid est trop vif.
Voilà pourquoi aussi on recommande aux enfants vivant dans des pays à hiver
brumeux de prendre de l’huile de foie de morue, seule source vraiment
importante de vitamine D. Jeunes mamans, soyez fermes : ne vous
laissez pas émouvoir par une grimace de votre enfant qui trouve l’huile de foie
de morue mauvaise !
Mme A. PEYREFITTE.
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