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Procédés de dispersion

Comme suite à notre causerie sur les canons choke, quelques-uns de nos lecteurs nous ont demandé de traiter une question tout opposée, celle des divers procédés permettant d’augmenter la dispersion des canons usuels. Comme ce sujet intéresse une certaine catégorie de chasseurs, et bien que nous lui ayons consacré déjà une causerie, il y a une quinzaine d’années, nous croyons devoir le reprendre aujourd’hui.

Pour nous expliquer plus clairement, nous commencerons par rappeler qu’à la distance d’essai de 36 mètres le groupement d’un canon cylindrique est d’environ 40 p. 100 de sa charge à l’intérieur du cercle de 0m,76 de diamètre. Tout canon donnant un groupement plus serré peut être considéré comme quart de choke, demi-choke ou choke. Il reste donc à examiner comment on peut descendre au-dessous d’un groupement de 40 p. 100.

Deux procédés sont employés à cet effet :

    1° Les artifices de chargement ;
    2° Les canons cylindriques spécialement rayés.

Les artifices de chargement sont basés soit sur l’emploi d’une bourre à fuite de gaz explosifs, soit sur l’encombrement central de la charge de plomb. Nous ne mentionnons les bourres à fuite que pour le principe, car elles ont l’inconvénient de réduire la vitesse et de souder parfois quelques grains de plomb en paquets. Toutefois, la bourre sèche de 6 à 8 millimètres, entre deux cartons minces, ne donne pas trop de paquets et permet déjà plus de dispersion que le bourrage normal composé de bourres grasses et souples.

L’ingéniosité des inventeurs s’est exercée sur la forme des artifices à introduire dans la charge de plomb en vue du résultat recherché. Un seul a pratiquement survécu : le croisillon en carton de 12 à 15 dixièmes de millimètre d’épaisseur. Le général Journée, dans l’étude qu’il a faite des artifices de dispersion, déclare avoir obtenu des résultats plutôt médiocres du croisillon. Nous pensons qu’il convient d’apprécier cette opinion comme étant un peu sévère.

L’étude d’un croisillon contenant toute la charge montre en effet, sur la plaque, des groupements le plus souvent divisés en quatre zones et contenant peu de grains au centre. Actuellement, le croisillon est légèrement moins haut et ne contient plus que les quatre cinquièmes de la charge, l’excédent trouvant place au-dessus ; on évite ainsi le coup creux au centre. Il est indispensable, en chargeant la cartouche, d’installer l’artifice bien régulièrement, de telle sorte que les quatre portions de grains soient égales. Dans ces conditions, on obtient des résultats aussi réguliers qu’il est possible avec un artifice en carton.

Un raffinement dans le chargement consistera à employer la bourre sèche de 8 millimètres et à mettre une bourre mince entre le croisillon, juste rempli de plombs, et l’excédent de ces derniers. Terminer avec une ou plusieurs rondelles et un bon sertissage.

En réalité, l’appareil, ainsi rendu plus régulier, agit plutôt comme « répartiteur », en reportant les plombs du centre à la périphérie, que comme « disperseur », avec augmentation du diamètre normal de la gerbe. Son efficacité varie d’ailleurs suivant qu’il est employé dans un canon à forage rétréci ou dans un canon cylindrique. Le général Journée affirme que le croisillon produit plus souvent de l’effet avec les canons cylindriques qu’avec les canons choke. En dépit des défauts indiqués ci-dessus, nous croyons que l’appareil rend et rendra encore de grands services à tous ceux qui ont besoin de desserrer le groupement de leur demi-choke pour le tir du lapin ou de la bécasse. Il est extrêmement avantageux, avec une même arme et des cartouches à croisillon, de pouvoir disposer de trois genres de groupement pour trois portées différentes. Et, à tout prendre, le croisillon, même avec bourre sèche, procure encore une pénétration suffisante aux courtes distances d’emploi.

Nous lui accorderons donc une mention honorable en attendant mieux, mais, comme nous l’avons dit plus haut, ce sera principalement à titre de répartiteur de la charge.

S’il s’agit d’augmenter réellement le diamètre de la gerbe, nous serons obligés d’avoir recours non plus à l’artifice, mais au canon cylindrique spécialement rayé.

L’expérience a établi, depuis quelques années, que, lorsque l’on tire dans un canon rayé une certaine quantité de grenaille, celle-ci se moule par la pression et prend un mouvement de rotation analogue à celui des balles de calibre. À la sortie du canon, la force centrifuge donne une composante dont l’effet est une augmentation de la dispersion très supérieure à celle des canons cylindriques.

C’est ainsi, par exemple, que, dans le canon rayé Supra, la gerbe se répartit à peu près uniformément dans un cercle de 0m,80, à la distance d’une quinzaine de mètres, alors que la charge d’un canon demi-choke ferait à peu près balle à cette même distance.

On voit tout de suite la supériorité d’un tel forage lorsqu’il s’agit du tir sous bois du lapin et de la bécasse. Nous disposons ici non plus d’une meilleure répartition dans la gerbe, mais bien d’une augmentation de la superficie meurtrière jusqu’à la distance d’une vingtaine de mètres, à laquelle la densité décimétrique commence à être sensiblement réduite.

Le second canon peut s’établir choke ou demi-choke suivant le genre de chasse pratiqué.

Et maintenant quel genre de munitions convient-il d’employer avec le croisillon et avec les canons rayés ? Nous estimons que, pour la bécasse, il ne faut pas s’écarter des nos 6 et 8, et qu’en ce qui concerne le lapin ces mêmes numéros conviennent particulièrement aux fusils comportant un canon rayé et un canon choke. Tout ceci est un peu une question relevant du terrain et des habitudes du tireur : l’on ne fera souvent que blesser avec le canon rayé et du no 8, alors qu’on tuera parfaitement avec du no 6. Inversement, nous connaissons des chasseurs qui emploient le croisillon avec du no 8 et s’en trouvent fort bien. Il est donc difficile d’énoncer ici un principe absolu, la compensation de l’énergie destructrice se faisant assez facilement entre le nombre d’atteintes et leur efficacité aux courtes distances d’emploi.

Il nous reste à répondre à une question maintes fois posée par nos lecteurs. Cette question est la suivante : « Dois-je faire déchoker mon canon droit ? » Il faudrait d’assez longs développements pour traiter le sujet à fond ; nous nous bornerons à dire aujourd’hui que les chasseurs de plaine ont avantage à l’emploi de l’arme choke et demi-choke s’ils atteignent un rendement d’environ une pièce pour deux cartouches dans leur saison de chasse. Au-dessous de ce rendement, ils auront avantage à faire déchoker.

Les chasseurs tirant la majorité de leurs munitions sous bois ont avantage à employer le croisillon dans le coup droit.

Enfin, le canon rayé spécialement sera l’arme de ceux qui consacrent la majeure partie de leur saison de chasse au lapin et à la bécasse.

En cas d’hésitation, une série de cartouches à croisillon bien faites apportera au chasseur quelque lumière sur son cas particulier. Si son rendement s’améliore nettement, il pourra envisager utilement le déchokage.

Enfin, quelques praticiens du canon rayé nous ont signalé à diverses époques le bon rendement de ce forage aux courtes distances, à la hutte, sûr des oiseaux bien groupés.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 465