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Le Setter anglais

Lorsqu’il est question du Setter anglais, il est difficile de ne pas citer ceux qui furent des maîtres incontestés dans la cynophilie contemporaine : les Lamaignère, Jean-Baptiste Samat, son frère Eugène, le comte de Richemond, le Dr Janez, Châtelain, qui tous furent des amateurs et utilisateurs de cette race. Et la conclusion toute naturelle à cette constatation est que si ces hommes dont la compétence était indiscutable avaient fixé leur choix sur elle, c’est que des qualités particulières les guidaient.

Les lecteurs du Chasseur Français ont encore présents à la mémoire les articles si vivants, si colorés et cependant si techniquement documentés de J.-B. Samat sur les animaux et oiseaux de chasse, ainsi que sur toutes les races de chiens de chasse à tir et à courre. Il m’a dit souvent : « Quand j’écris sur certaines races, je cherche ce qu’il y a à dire, mais, lorsque c’est sur les Setters, je n’ai qu’à laisser courir ma plume, voire à la freiner. »

Le Setter anglais est parfois appelé à tort Setter-Laverack. Certes, les sujets que nous connaissons de nos jours ont plus ou moins de sang « Laverack », mais, déjà à l’époque où ce dernier écrivit son ouvrage — Le Setter, par Edward Laverack (il avait soixante-treize ans) — il existait des élevages importants, cités, du reste, par lui. Chacun de ces éleveurs gardait assez jalousement sa race ; cependant des croisements entre les différents chenils étaient tout de même pratiqués.

Ce livre porte la dédicace suivante : « À R LL Purcell Llewellin Esq., qui a travaillé et travaille encore sans cesse, ne ménageant ni dépenses ni peines, à perfectionner le Setter, ce petit volume est dédié par son sincère ami et admirateur : Edward Laverack. » (J’ai connu des Setters que Jean-Baptiste et Eugène Samat avaient achetés à Purcell Llewellin, notamment Llewellin Duke.)

Dans le chapitre qui traite du Setter anglais en général, l’auteur débute ainsi : « De tous les chiens de chasse, il n’y en a peut-être pas de plus généralement utile, beau et ayant meilleur nez que le Setter. »

Le chapitre II intéresse les chenils les plus importants de l’époque ; il est à remarquer qu’ils sont indiqués comme race et que chacun de ces élevages a sa couleur distincte. Sont citées :

— la race de Setters de Naworthcastle et de Featherstonecastle, couleur foie et blanc ;

— la race de lord Lovat, noir et blanc et tan ;

— la race du comte de Southesk, noir, blanc et tan ;

— la race du comte de Seafield, noir, blanc et tan, et orange et blanc ;

— la race de lord Ossulston, noir-jais ;

— la race de M. Lort, noir et blanc, et citron et blanc ;

— la race de Lianidloes (Pays de Galles), blanc et noir ;

— le Setter russe, blanc-citron et blanc-foie, et blanc noir et blanc ;

— la race d’Edward Laverack, noir gris ou tacheté, bleu ou citron et blanc belton.

C’est en 1825 que Laverack acheta au révérend Harrison Old Moll et Ponto et créa sa race en pratiquant une consanguinité intensive.

En effet, si nous prenons les origines de Dash, un des étalons les plus employés par Laverack, nous constatons que deux des sujets sont les géniteurs d’où sont sorties les six générations du pedigree de Dash. Faut-il voir là une cause des difficultés que Laverack rencontra dans les dernières années de son élevage ? J’ai sous les yeux une lettre de sa main, adressée à un de ses amis, le 24 mars 1875, où il écrivait :

« Je suis tout abattu de mes pertes— neuf ! — et n’ai plus que deux (chiens « Prince » et une chienne lemon belton « Cora ». Ces trois dernières années, je n’ai élevé qu’un chien sur trente. »

Fort heureusement, nous avons, maintenant, des éléments qui nous permettent de n’user que d’une consanguinité modérée, si celle-ci est indiquée par des qualités la justifiant.

Il est incontestable que le Setter anglais connaît une très grande vogue, mais il est indispensable de veiller à ce que, dans le but de faire face aux nombreuses demandes, on ne produise pas avec des reproducteurs ne possédant aucune des qualités de la race.

Il y a une trentaine d’années, nous avons connu une période ou quelques éleveurs ne produisaient que pour la vente des sujets « sans grandes taches », « mouchetés au pinceau », très beaux certes, mais nuls en chasse et sans intelligence, et il a fallu, pour remonter le courant, utiliser des reproducteurs qui étaient de bien vilains Setters, en ne considérant que les qualités.

La plupart des Setters actuels sont d’un bon type, et capables d’être utilisés sur tous les terrains. Sans prétendre que c’est la seule race possédant toutes les qualités, il est indiscutable qu’elle a les suivantes : intelligence dans la recherche du gibier et travail pour le maître en tous terrains et par tous les temps ; du nez et du style ; aptitudes particulières pour patronner l’arrêt d’autres chiens et, par conséquent, travailler en leur compagnie sans les jalouser ; agréable à la maison, avec peut-être une exagération dans la prédisposition aux caresses.

Le club du Setter anglais organise chaque année un concours de chasse pratiqué avec gibier tiré. Un extrait des notes des juges de l’un d’eux, auquel vingt-deux concurrents ont pris part, expose ainsi un travail pouvant donner l’idée de ce que plusieurs Setters de bon sang travaillant ensemble peuvent réaliser.

« Le président du club du Setter anglais, qui concourait hors série avec ses trois chiennes lemon. Arlette, Frolline et Frollina, nous a donné le spectacle du plus joli travail qui puisse être fait par trois sujets puissamment doués et mis au bouton. Ce fut une démonstration unique que celle de ces trois chiennes travaillant de concert, sans se gêner, explorant magnifiquement leur terrain, et formant avec leur maître un ensemble que l’on peut dire homogène.

» Sitôt qu’une des chiennes a éventé une pièce de gibier et pris son arrêt, ses deux camarades s’immobilisent spontanément. Nous vîmes ainsi de beaux tableaux de chasse dont profitèrent plusieurs amateurs photographes. Celle des chiennes qui a arrêté reçoit l’ordre de rapporter, les deux autres restant immobiles. »

Que l’on ne pense pas que les sujets dont il est question sont des phénomènes d’exception ; ils descendent simplement d’une famille dont les qualités primordiales sont le bon caractère et l’intelligence. Ce sont elles que je conseillerais aux éleveurs de ne pas perdre de vue dans leur élevage.

A. BORDEREAU,

Président du club du Setter anglais, 1 et 3, rue de Choiseul, Paris.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 478