De nos jours, un grand nombre de travailleurs profitent de
congés payés d’une durée habituelle d’une quinzaine et, assez souvent, ne
savent pas très bien comment ils emploieront ce précieux temps de repos. Si, en
même temps qu’admirateurs de la grande nature, ils sont aussi pêcheurs à la
ligne, on peut leur conseiller une petite villégiature dans les Alpes ou les
Pyrénées, où ils trouveront de nouveaux terrains de pêche auxquels ils ne sont
guère habitués : des lacs de haute altitude, dans lesquels un sport fort
intéressant est possible pendant les trois mois d’été.
Ces lacs ont une physionomie particulière qui les distingue
de ceux que les estivants ont l’habitude de fréquenter.
Le site est sauvage, grandiose. De hautes montagnes, souvent
enneigées encore, entourent la cuvette où étincellent leurs eaux ; les
environs en sont déserts, les rivages le plus souvent abrupts. Ils sont, en
général, d’une étendue médiocre et d’une assez grande profondeur.
Les plus intéressants pour le pêcheur sont ceux qui
contiennent de la truite, car il en existe qui ne nourrissent aucun poisson, et
quant à ceux, plus rares, qui sont seulement peuplés de corégones ou d’ombles
chevaliers, la pêche à la ligne comme nous la pratiquons d’habitude y est le
plus souvent inopérante.
Il s’agit donc, pour le pêcheur qui a opté pour la
villégiature en montagne, de se renseigner sur la possibilité de loger dans un
bon hôtel situé à proximité d’un lac peuplé de truites, dans lequel la pêche
est libre ou peut s’exercer moyennant une redevance raisonnable. Les syndicats
d’initiative locaux sont tout indiqués pour fournir des renseignements à cet
égard.
La pêche, dans ces lacs, diffère quelque peu de celle dont
nous avons l’habitude en rivière, mais les mêmes engins peuvent parfaitement
nous servir, car on y pratique surtout le lancer lourd ou léger et la pêche à
la mouche artificielle. Le pêcheur devra donc se munir en conséquence de tous
les engins adéquats à ces modes de pêche.
Souvenons-nous que, pendant la moitié de l’année, ces
étendues d’eau sont recouvertes d’une épaisse couche de glace, sous laquelle
tout être aquatique ne peut vivre qu’au ralenti, dans un milieu soumis à une
température très basse et où l’obscurité est quasi totale. Pendant le restant
de l’année, de mai à octobre, quand le manteau rigide et opaque a disparu, ils
en profitent pour se rattraper, et c’est pour cette raison que ces poissons
font preuve, à leurs heures, d’une voracité en général plus grande que celle
des habitants de nos rivières. Moins souvent pêchés, ils sont aussi moins
méfiants, et tout ceci est à l’avantage du pêcheur.
Après son installation à l’hôtel, le pêcheur s’enquerra de
la distance qui sépare le lac de cet établissement, du meilleur moyen d’y
parvenir et des poissons auxquels il aura affaire. Si ces renseignements sont
satisfaisants et le temps à souhait, en route donc pour le lac, muni du
fourniment indispensable et vêtu en conséquence, car, en montagne, les
changements de température sont fréquents, même à de courts intervalles.
Le plus souvent, on accède aux lacs de montagne par un
chemin plus ou moins praticable qui longe le torrent servant de déversoir.
On arrive donc en premier lieu vers l’origine de ce torrent.
Beaucoup d’amateurs, toujours pressés d’exercer leurs talents, sont tentés de
s’arrêter à cet endroit-là. C’est le plus souvent peine inutile, car il est
fort rare que les truites s’y tiennent : rien ne les y attire. Il importe
donc, au contraire, de rechercher, tout d’abord, les embouchures des petits
affluents qui apportent au lac l’appoint de leurs eaux.
Arrêtez-vous là quand vous y parviendrez et observez.
Voyez-vous de petits ronds se produire à la surface de
l’eau ? C’est que vous êtes en présence de truites qui moucheronnent et il
est probable que la pêche à la mouche y sera fructueuse.
Apercevez-vous, près des bords, des bancs de roseaux ?
Si vous observez là des chasses, ce sera un encouragement à essayer du lancer
léger.
Vous trouvez-vous en présence d’une rive accore au-dessus
d’éboulements de rochers immergés ? L’eau y est le plus souvent profonde
tout de suite, et il y a des chances pour que de grosses truites y aient établi
leurs postes d’affût. Ici le lancer lourd sera plutôt à choisir.
Si la rive s’étale en plage devant vous et que la profondeur
de l’eau ne s’y accroisse que lentement, vous pourrez, au choix, pêcher à la
mouche ou au lancer léger.
La question du temps qu’il fait a aussi son importance.
Par beau temps calme, la pêche à la mouche donnera souvent
de meilleurs résultats que la pêche aux leurres métalliques.
Si le soleil luit et que la température soit tiède, pêcher à
la mouche sèche sera préférable. Tout courant étant inexistant, une fois la
mouche parvenue au large, on la laissera flotter, tout en la surveillant avec
attention, pour ferrer aussitôt sa disparition de la surface. Relancer
fréquemment, à des places différentes, quoique voisines, est un excellent
procédé, à condition de bien sécher chaque fois la mouche par plusieurs faux
jets, afin qu’elle flotte bien.
Si le temps est gris, couvert et qu’un léger vent produise
des vaguelettes, il sera meilleur de pêcher en mouche noyée.
Une fois en bonne place, laisser le faux insecte enfoncer un
peu, puis retirer doucement à soi, en élevant le scion, et produire de temps en
temps de petites saccades qui donneront à l’appât une apparence de vie.
Par même temps, on pourra pratiquer également le lancer
léger en employant de petits leurres : hélice bretonne, alcyon, petites
cuillères tandem, etc., en étant finement monté.
En cas de vent plus fort, de temps plus frais et plus sombre,
il vaudra mieux recourir au lancer lourd, qui permettra d’envoyer à distance
des leurres plus apparents et de les laisser descendre à un niveau plus bas
— celui où se tient alors la truite, — pour récupérer en ondulant, et
assez vite pour que les appâts travaillent bien.
Dans tous les cas, il sera toujours bon d’avoir le vent pour
soi, c’est-à-dire dans le dos, et non de lui faire face, toutes les fois que ce
sera possible, et, pour cela, de gagner la rive où cette condition se trouvera
remplie.
Une remarque que j’ai pu faire assez fréquemment, c’est que
les touches les plus décidées, les plus violentes, se sont surtout produites
près des bords abrupts et profonds, près des éboulis de roches ou à proximité
des bancs de roseaux.
Sur les grèves en pente douce, la truite attaque plus
mollement et souvent du bout des lèvres, ce qui occasionne d’assez nombreux
ratés ou décrochages. Dans ce cas, une marche plus rapide des leurres pourra,
dans une certaine mesure, obvier à cet inconvénient.
Les pêches dont nous venons de donner un trop court aperçu
ne seraient pas les seules à donner de bons résultats. En pêchant au vif, au
ver, au caset, à l’asticot, au grillon ou à la sauterelle, on pourrait aussi,
sans doute, connaître le succès ; mais, dans les stations de montagne, il
n’est guère aisé de se procurer ces appâts naturels en quantité suffisante, et
l’on voit fort peu de pêcheurs opérer autrement qu’au lancer des leurres
artificiels ou à la mouche sèche ou noyée, modes au moins aussi productifs et
assurément plus « selects » et plus sportifs.
R. PORTIER.
|