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La pêche à la mouche

Le moustique des sables

Si, de nos jours, et depuis longtemps, les moustiques préoccupent nos savants entomologistes et médecins, ils n’en sont pas moins intéressants pour nous, pauvres petits pêcheurs que nous sommes.

Sans être savant ni entomologiste, il est assez facile de distinguer un moustique d’un éphémère, d’une phrygane ou d’une perlide. Les espèces favorables à la pêche qui existent sur nos rivières ne piquent pas : ce sont des « cousins » de bonne compagnie. Pour les scientifiques, disons que celui-ci est un diptère du genre chironomide. Il ne propage ni paludisme, ni malaria. Il affectionne les graviers à fond sablonneux, limoneux, humides, où nous allons le chercher à l’état de larve : c’est en effet l’insecte adulte du ver de vase. Il vole à ras du sable quand la lumière et la chaleur ne lui font pas rechercher l’ombre et l’abri des gros cailloux. C’est au début de juillet qu’il fait son apparition ; il y a des années où ces moustiques des sables ne peuvent passer inaperçus, tant ils sont nombreux. C’est par paquets denses qu’on les trouve tapis et serrés les uns sur les autres dans les trous sombres du gravier humide, contre les cailloux. On pourrait les ramasser à pleines poignées. J’ai remarqué — peut-être est-ce un réflexe dû au milieu — que ce moustique a une odeur fade de moisi sui generis.

Il est assez intéressant pour le pêcheur, car il arrive à un moment où le poisson commence à bouder. Gavé de tout petits moucherons que les pêcheurs appellent en gros : fourmis ailées ou « smuts », c’est-à-dire minuscules éphémères, phryganes, coléoptères infimes et vraies petites fourmis ailées, le poisson refuse une mouche, même très petite. On ne peut aller au-dessous d’un hameçon no 18 pour habiller une mouche ; or c’est déjà trop gros pour imiter ces moucherons microscopiques. Aussi ce moustique, à cause de sa grandeur seule, vient-il à point.

Ses caractéristiques sont les suivantes : le corps a 8 millimètres de long ; l’abdomen, fusiforme dans l’ensemble, se compose de huit anneaux noirs légèrement boudinés cerclés de beige clair ; les pattes (15 millimètres environ) sont noires ; les ailes (deux), à nervures longitudinales très visibles, de même longueur que le corps, sont de couleur gris-fumée brunâtre (couleur de noyer) ; deux antennes courtes, deux pièces buccales. L’ensemble est de couleur noir de velours.

Interprétation.

— Mouche noyée. — Les matériaux nécessaires sont : hameçon no 16 ; pour le corps, soie ou coton mercerisé presque noir ou noir ; brin de soie beige doré clair pour les anneaux ; hackle brun à barbules de 8 millimètres pour les pattes et les ailes. Monter la mouche comme une araignée, en soignant la forme, le volume de l’abdomen et du thorax. Prendre sous l’abdomen le brin de soie beige, qu’on enroulera en spirale. En terminant la collerette, incliner les barbules et les fixer de façon à obtenir des ailes légères, à plat ou inclinées ; supprimer aux ciseaux les barbules situées sur les côtés ; ne laisser que quelques barbules pour les pattes.

On peut aussi monter d’abord les pattes, et terminer ensuite en posant les ailes selon le procédé espagnol (mèches de barbules), ce qui permet d’utiliser des hackles à longs poils.

Pour avoir une mouche sèche, il suffit de forcer un peu la collerette.

Méthode de pêche.

— En dérivant, en noyée, sur la vandoise principalement, sans travailler la mouche, dans les courants moyens ; en faisant de très petits relâchers dans les courants faibles et lisses ; dans le mou et les retours de courants, ramener lentement, avec arrêts et petits relâchers.

En sèche, pêcher up stream sur les graviers, non loin de la rive, en marchant dans l’eau. On prendra ainsi beaucoup plus de chevesnes qu’en noyée, même au soleil. À défaut de la mouche exacte, utiliser la petite mouche d’ensemble : araignée corps noir, ailes gris tigré doré, dont nous avons parlé au sujet de la mouche d’aulne.

On peut pêcher avec deux mouches : un moustique en sauteuse, une petite fourmi ailée en pointe ; mais alors ne pêcher qu’en sèche, en amont.

C’est vers le 10 juillet que cette mouche est de saison. Le vent, qui projette les moustiques et autres insectes à l’eau, est favorable parce qu’il met le poisson en gobage.

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 483