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Scoutisme

La bonne action

La « bonne action », la « B. A. », a permis au scoutisme d’acquérir sa popularité, en tout cas de faire comprendre au public qu’il représente autre chose que la réunion de garçons excentriques, ne rêvant que plaies et bosses sous un étrange uniforme. Même les gens n’ayant qu’une idée bien vague du mouvement éclaireur connaissent la signification de « B. A. »

Déjà, le petit louveteau de huit à onze ans s’engage devant sa cheftaine et ses camarades à rendre chaque jour un service à quelqu’un.

L’éclaireur promet de « servir son pays, obéir à la loi scoute, et rendre service en toute occasion ». Ce troisième point ne fait d’ailleurs que renforcer le troisième article de la loi scoute : « L’éclaireur se rend utile et fait chaque jour sa bonne action. »

Enfin, la devise du routier, celui qui va arriver à l’âge d’homme, tient en ce seul mot : servir. Les deux initiales qui ornent son chapeau, « R. S. », signifient à la fois « routiers scouts » et « rendre service ».

Pour frapper l’imagination de ses plus jeunes adeptes, Baden-Powell, en admirable éducateur qu’il était, inventa ce petit moyen : le nœud matinal.

En se levant, le garçon fait un nœud au bas de son foulard, ou de sa cravate, ou à son mouchoir. Il le défait lorsqu’il a réalisé sa bonne action, et, en principe, tout au moins, ne doit pas se coucher avant d’avoir défait le nœud.

Un danger guette le scout : c’est de tirer vanité de ses bonnes actions et de les raconter avec complaisance. Aussi la « B. A. » doit-elle être anonyme, dans la mesure du possible. Une vieille dame qui trouve son escalier balayé ne devra pas savoir que c’est Pierrot, le petit garçon de l’étage en dessous, l’auteur de ce geste qui lui épargne de la fatigue. Le chef de troupe s’apercevra un jour que son bureau, qui avait été abîmé au cours d’un jeu, a été réparé, mais ignorera lequel de ses garçons lui a rendu ce service. C’est pourquoi les scouts anglais appellent souvent la « bonne action » the good turn, le bon tour, le travail d’un petit génie bienfaisant et malicieux.

Le garçon est toujours tenté par les actes héroïques. Il a lu maints livres d’aventures ou faits divers de journaux qui lui donnent l’envie de réussir des coups d’éclat : sauver une jeune fille qui se noie, maîtriser un cheval emballé, grimper dans une maison en flammes (sans parler, pour le temps de guerre, de choses plus sublimes encore) ...

C’est au chef qu’il revient de faire comprendre que la vie n’offre pas tous les jours l’occasion, ou la possibilité, d’aussi grandes « B. A. ». Certes, il arrive que les scouts effectuent des sauvetages dans des conditions où ils risquent leur vie. Cela leur arrive plus souvent qu’à d’autres, car ils cherchent toujours à se précipiter pour rendre service, et les palmarès scouts du monde entier pourraient livrer à la curiosité une magnifique série de faits de ce genre.

Mais le garçon doit admettre qu’il faut savoir, faute de mieux, se contenter de « B. A. » modestes, et que les plus simples, les plus banales, ont un caractère d’utilité ...

Lorsqu’ils sont groupés, les scouts font souvent ce qu’ils appellent des B. A. collectives. Cela renforce leur esprit communautaire et leur permet d’accomplir des actes présentant une plus grande utilité.

Par exemple, la patrouille des Hirondelles « adopte », dans un quartier pauvre, une famille nécessiteuse. Elle lui fait parvenir régulièrement quelques vivres, de vieux vêtements, des jouets confectionnés par elle, un peu d’argent. Au besoin, pour se procurer celui-ci, elle ramasse et vend des bouteilles, des chiffons, des plantes médicinales.

La patrouille des Castors se spécialise dans le nettoyage. Elle brûle les papiers gras qui enlaidissent un lieu de promenade fréquenté. Elle remet en état un cimetière abandonné.

La patrouille des Dogues possède une charrette dont elle se sert pour procéder au déménagement de pauvres gens, pour aller chercher du bois mort, etc.

Mais c’est surtout à l’occasion de Noël que la générosité des scouts ... et de leurs parents, peut se donner libre cours.

Les éclaireurs organisent un bel arbre de Noël, étincelant de mille feux, pour les enfants pauvres du quartier. Ils leur offrent des jouets, des friandises. Ils se rendent à l’hôpital et vont de lit en lit faire un petit cadeau. Ils donnent aux malades un spectacle divertissant, comédie ou chants.

Quelquefois, et en dépit du mauvais temps, ils vont communiquer leur joie à des paysans éloignés dans la campagne ou la montagne.

Noël, fête de la charité sur toute la terre, est seulement pour les scouts l’occasion de faire un peu mieux que chaque jour.

Fernand JOUBREL.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 488