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Produisons des haricots

Une culture d’actualité.

— L’optimisme est une belle chose, mais il ne doit pas étouffer la prévoyance, qui est une vertu. Songez qu’il y a beaucoup de bouches à nourrir, surtout dans les villes, et que la récolte de blé peut être déficitaire cette année encore. Si nous voulons atténuer les restrictions alimentaires qui menacent le monde, chacun devra y mettre du sien en semant des haricots, le plus riche et le plus nutritif de tous les légumes. Ci-après un tableau récapitulatif de la valeur alimentaire réelle de 100 grammes de haricots consommés en vert, en grains verts et secs :

DÉSIGNATIONS Eau. M. Az. M. H. C. M. G. Calories.
 Haricots en gousse
  ———  verts écossés
  ———  secs
79
73
13
2
7
22
7
18
60
"
1
2
35
105
330

Exigences du haricot.

— La culture du haricot peut être entreprise à peu près dans tous les terrains, au potager comme en plein champ, sur les défrichements de gazons effectués avant l’hiver, etc. Il peut prospérer et donner des résultats satisfaisants partout. Cependant, évitez les parcelles très riches en humus, qui favoriseraient le développement des feuilles au détriment du grain, ainsi que les terrains calcaires par excès, qui durcissent les haricots et nuisent à leur cuisson. Dans les sols argileux, où la germination est souvent défectueuse, semez la graine sur billons, pour éviter la pourriture, en l’enterrant modérément, à 4 centimètres au plus, tandis que, dans les terres sablonneuses et sèches, vous l’enfouirez à 6 centimètres. Enfin, tenez compte que cette plante est extrêmement frileuse ; on ne doit donc pas la semer avant que les gelées tardives ne soient passées et que la terre ne soit réchauffée, à moins qu’on ne la protège par des abris provisoires.

Comme engrais, suivant la nature du terrain et son état de fertilité, appliquez du superphosphate et un sel de potasse, à la dose de 2 à 3 kilogrammes de chaque sorte, ou, à défaut, 5 kilogrammes de cendres de bois non lessivées, le tout sur un are. Enfouissez ces engrais minéraux par un crochetage, après avoir labouré le terrain.

Choix des variétés.

— Pour la production simultanée des haricots destinés à être mangés en aiguilles ou cosses, soit à l’état frais, soit transformés en conserves, ainsi que pour la production des grains verts ou des grains secs, les haricots blancs sont les plus estimés, et l’on n’a que l’embarras du choix.

Citons, pour mémoire, les Soissons, les Suisses, les Lingots, les Flageolets, etc. Mais, si l’on recherche plus particulièrement les haricots destinés à être mangés en aiguilles, on ne s’inquiétera pas de la couleur du grain et l’on donnera la préférence au Rognon de coq, au Bagnolet, au Noir de Belgique, à l’Inépuisable, au Cent-pour-un, etc. Il existe en outre des variétés sans parchemin (Mangetout), dont la cosse charnue ne se parchemine pas, même en séchant (Princesse sans filet, Mont-d’Or, Beurre d’Alger, Roi des Beurres, etc.), qui peuvent être cultivés pour tous les usages.

En dehors des variétés naines, les plus communes, il existe, dans toutes les catégories, des variétés à rames, plus productives que les premières, mais dont l’emploi des longues perches et l’ombre qu’elles projettent sur les cultures avoisinantes les fait délaisser, surtout dans les petits jardins, si ce n’est aux endroits où elles ne peuvent pas nuire aux autres plantations.

Pour l’approvisionnement en grains secs, genre Soissons, ou en grains verts, le rendement moyen à l’are est de 25 litres. Pour la consommation en aiguilles (Bagnolet, Noir de Belgique, etc.), on obtient environ 50 kilogrammes de gousses pouvant être mises en conserve. Toutefois, ces dernières cultures doivent être échelonnées : à partir d’avril dans le Midi, ou courant de mai dans la région parisienne, jusqu’en août, de manière à prolonger la production pendant quatre à cinq mois. On peut encore gagner un ou deux mois en pratiquant des cultures hâtées et retardées sur des parcelles de faible étendue, protégées par des abris rustiques, toiles ou paillassons, supportés par des piquets.

Semailles du haricot.

— Le terrain ayant été bien ameubli par un labour récent, creusez à la serfouette, en vous guidant sur un cordeau, à l’espacement de 40 à 50 centimètres, suivant le développement des variétés, des sillons profonds de 4 à 6 centimètres, en tenant compte de la compacité du terrain. Distribuez ensuite la graine le plus uniformément possible dans le fond des rayons, en vous efforçant de les espacer de 3 centimètres d’axe en axe.

En terre argileuse, semez de préférence vos haricots par poquets de 6 à 7 graines, en les espaçant de 35 centimètres. La levée en touffes se trouvera facilitée. Cela fait, arrosez copieusement, à la pomme et même au goulot, le fond des dérayures par le grand soleil, afin d’y emmagasiner une bonne réserve d’eau qui favorisera la germination. Il ne reste plus qu’à combler les sillons au râteau avec de la terre fine.

Façons culturales.

— Pendant le cours de la végétation, effectuez les binages échelonnés qui empêcheront le croûtage de la surface, tout en détruisant les mauvaises herbes. Ainsi, vous empêcherez l’évaporation des réserves d’eau, et les plantes ne seront pas enserrées comme dans un étau par la terre battue. Toutes ces façons devront être données en dehors des périodes de pluie et lorsque la rosée sera tombée, car la terre projetée sur les feuilles provoquerait l’apparition des maladies cryptogamiques dans le genre de la rouille, sans oublier le piétinement, qui gênerait le développement des racines.

Tous les deux jours, procédez à la cueillette des aiguilles, sans attendre la formation des filets. C’est le seul moyen d’obtenir des cosses tendres et de prolonger la production.

Les haricots secs sont récoltés en fin de saison, par une belle journée, lorsque les feuilles commencent à tomber ou à jaunir, et que les grains ne se laissent plus entamer par l’ongle. Arrachez les touffes à la main et laissez-les ressuyer au soleil, en les retournant. Le soir venu, rentrez vos haricots sur un grenier bien aéré, où la dessiccation s’achèvera dans les gousses, ce qui donnera aux grains plus de « main » ou de « coulant ».

Un peu plus tard, battez vos haricots au fléau ou en marchant dessus, et, après avoir éliminé les fanes, que vous donnerez aux lapins, vous nettoierez les grains en les passant au tarare ou simplement au crible.

Ne récoltez jamais vos haricots par temps de pluie et ne retardez pas trop l’arrachage, pour éviter leur échauffement et les vilaines taches qui les déprécieraient.

Les flageolets à grains verts, pour qu’ils conservent leur belle couleur, seront arrachés un peu avant leur complète maturité, puis on les fera sécher à l’ombre, soit en meulons, soit sur un grenier.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°614 Juin 1947 Page 490