Malgré les limitations et les interdictions de consommation
électrique, l’utilisation des procédés de chauffage électrique se répand de
plus en plus dans la masse du public. La fabrication et la vente des appareils
de chauffage n’ont d’ailleurs pas été limitées, ce qui constitué une
contradiction assez curieuse.
À quoi est dû le succès du chauffage électrique ? Tout
d’abord, à l’heure actuelle, certainement à la pénurie de combustible, de
charbon, et même de bois. Il y a très peu d’immeubles où l’installation
habituelle de chauffage central a pu être mise en marche, cet hiver, et les
locataires ont dû ainsi avoir recours à tous les procédés de fortune dont ils
ont pu disposer. L’appareil de chauffage électrique est, avant tout un
dispositif pratique, propre, et d’utilisation immédiate.
Il suffit, en général, pour le mettre en marche, d’enfoncer
un bouchon de prise de courant dans les douilles correspondantes, et
d’actionner un interrupteur. Pas d’odeur, pas de fumée, aucun inconvénient pour
la santé, aucun danger, si ce n’est celui d’incendie pour les radiateurs à
chauffage direct à résistance non protégée.
Par contre, par son principe même, l’appareil de chauffage
électrique a un rendement en énergie déplorable, et son emploi est forcément
extrêmement coûteux, lorsqu’on n’a pas à sa disposition de l’énergie à très bon
marché, comme autrefois, du moins dans certains pays nordiques.
Avec raison, les techniciens ont pu nous démontrer, à
maintes reprises, les avantages économiques indéniables du chauffage au gaz. Ce
dernier procédé, perfectionné constamment, serait d’ailleurs idéal dans les
villes, si l’on pouvait disposer actuellement du matériel nécessaire à son
installation.
Pourquoi le chauffage électrique est-il forcément
coûteux ? Tout d’abord, pour obtenir de l’énergie électrique, il faut
utiliser de l’énergie hydraulique, et, plus souvent encore actuellement, de
l’énergie thermique, c’est-à-dire employer généralement du charbon. Le
rendement de cette transformation, c’est-à-dire le rapport du combustible
dépensé à l’énergie électrique recueillie, est assez faible, de l’ordre de 20
p. 100 par exemple. Cette énergie électrique est ensuite utilisée pour
échauffer une résistance, qui, dans les appareils de chauffage direct, est
portée au rouge, c’est-à-dire à une température très élevée. Le but final
consiste pourtant seulement à élever une grande masse d’air à une faible
température, de l’ordre de 15° à 20° C au maximum. Même sans démonstration
technique, il est facile de comprendre combien un tel procédé de chauffage est
vraiment barbare et irrationnel.
Il ne faut sans doute pas espérer réaliser un procédé de
chauffage électrique à haut rendement et très économique sans transformer
complètement le principe même des appareils de chauffage et utiliser des
sources de chauffage à faible température, que l’on commence à étudier
désormais sous le nom de pompes à chaleur. Mais, sans aller aussi loin
dans la voie du progrès, il est permis, tout au moins, dans une première étape,
de rechercher l’appareil de chauffage électrique dont le rendement est le
moins déplorable, et qui permet d’utiliser de l’énergie électrique au tarif
minimum.
La méthode de chauffage électrique la plus élémentaire est à
action directe ; l’effet obtenu est rapide, mais le plus coûteux, et,
de plus, forcément localisé. Les radiateurs sont destinés à diriger, en
principe, les radiations calorifiques émises vers une zone bien définie de la
pièce ; la chaleur est transmise uniquement par rayonnement.
Un petit radiateur à feu visible ne doit donc, en aucun cas,
être considéré comme un appareil de chauffage général, mais uniquement comme un
modèle de secours ou d’appoint, pour servir d’auxiliaire a un autre mode de
chauffage plus général, lorsque son emploi est compatible avec les
restrictions.
Dans cet ordre d’idées, le succès des types récents de radiateurs
à ventilateur est très justifié. Le rendement de ces appareils n’est
nullement supérieur, mais l’air chaud, au lieu de monter normalement vers le
plafond, est envoyé par le ventilateur à un niveau inférieur de la pièce.
Ainsi, l’effet de chauffage obtenu est beaucoup plus rapide ; par cela
même, on peut parfois obtenir le résultat désiré à moins de frais. Chacun sait
désormais que les restrictions provoquées par la pénurie d’électricité ne sont
appliquées que pendant la journée. Il y a toujours du courant disponible
pendant la nuit, aux heures où la plupart des usagers de lumière et de force
cessent leur activité. On ne peut arrêter, en effet, le fonctionnement des
centrales électriques, et ce courant nocturne est offert à un tarif réduit, qui
peut, en temps normal, atteindre jusqu’à 1 /5 de celui de pointe. L’emploi du
courant nocturne ne crée pas de surcharge, mais régularise, au contraire, le
débit des secteurs.
On a donc cherché logiquement à établir des appareils de
chauffage accumulant la chaleur pendant les heures creuses, où ils sont
mis en fonctionnement, et la restituant pendant les autres heures de la
journée. À l’aide d’horloges à contact, il est possible de rendre la
marche de l’installation automatique, ces dispositifs mettant les appareils de
chauffage sous tension, pendant des heures déterminées à l’avance.
Il existe ainsi deux catégories d’appareils à action
différée : les modèles à accumulation proprement dits, comportant un
corps de chauffe renfermé dans une masse de matière isolée, pouvant absorber
l’énergie thermique et la restituer ensuite dans des conditions
déterminées ; les modèles à semi-accumulation, pouvant restituer
une partie de la chaleur, et accumuler l’autre partie. Il y a désormais de très
nombreux modèles différents de ces appareils, et nous reviendrons sur leurs
caractéristiques particulières.
Ce chauffage par accumulation présente, par ailleurs,
l’avantage d’être plus rationnel. Les radiateurs à chauffage direct produisent
une élévation de température rapide à proximité de la résistance
chauffante ; cet effet cesse rapidement dès que le radiateur est éteint.
L’appareil à accumulation possède une grande masse accumulatrice de chaleur et joue
le rôle d’un volant thermique, en permettant de maintenir la température à un
degré plus constant dans la pièce à chauffer.
Le chauffage électrique normal ne peut guère être considéré
que sous la forme d’un procédé à accumulation, et la disposition même des
radiateurs utilisés peut encore être étudiée en attendant qu’un changement
complet de la méthode de chauffage permette une modification plus profonde. Ce
sont là des idées nouvelles que nous exposerons dans un prochain article.
P. HÉMARDINQUER.
|