L’expression « chien courant », au sens que nous
lui attribuons, paraît pour la première fois au XIVe siècle
dans le célèbre manuscrit de Gaston de Foix (1331-1391). Jusqu’alors, elle
désignait le lévrier qui servait en meute, mêlé aux chiens pisteurs et pour
chasser le sanglier aux « alans de vautre ».
Ce manuscrit est illustré d’enluminures précisant bien les
types des trois races de chiens courants connues par l’auteur, supérieur par là
à l’ouvrage de du Fouilloux, dont l’illustration est sans valeur.
Au temps de Gaston, la race de beaucoup la plus répandue est
représentée par un fort chien fauve très couvert de noir, à poil ras, à grosse
tête carrée, crâne plutôt plat avec sillon marqué entre les arcades
sourcilières, oreilles plates, longues, arrondies à l’extrémité, la face aux
babines descendues terminée en carré est plus courte que le crâne. Le corsage
est plus rond qu’ogival, le tronc semble long parce que le chien est près de
terre. Le fouet espié est porté correctement relevé.
On a voulu voir en lui le seul ancêtre du Bloodhound, sans
doute parce que de même robe. Mais on ne peut pas expliquer pourquoi le
descendant a le crâne en dôme, l’oreille roulée, le corsage ogival, qu’il n’est
nullement près de terre et comment un brachycéphale a produit un dolichocéphale.
Si le chien médiéval a un descendant encore vivant, ce ne
peut être que le véritable chien d’Artois, blanc et fauve, si admirablement
décrit à la page 260 d’Un siècle de vénerie, par le comte du Passage. À
part les zones dépigmentées, l’anatomie des deux est la même.
La seconde race figurant au manuscrit est d’un chien fauve à
poil dur, dans lequel Pierre Mégnin voit très justement le Fauve de Bretagne. À
poils assez courts et rudes, nullement broussailleux, avec sa tête d’ours au
profil légèrement busqué, l’oreille médiocrement longue, fine et un peu
tournée, le museau terminé en carrure affinée, c’est absolument le chien que
nous avons connu. L’auteur spécifie la couleur rouge de la robe que nous
retrouverons dans les descendants tant au XVIe siècle que de
nos jours. Le Fauve de Bretagne, dont j’ai encore vu un équipage de dix couples
en 1899 et un dernier spécimen authentique en 1920, n’existe plus. Les briquets
à tête carrée et oreille plate, qu’on nous sert comme tels, ont tort de
prétendre au sang bleu. Il demeure peut-être quelques bassets, dont beaucoup
ont malheureusement du sang de teckel.
Le troisième type figurant dans l’ouvrage, peut-être celui
du « chien courant d’Espagne » ainsi nommé par Gaston, de même taille
que le précédent, mais à poil ras, présente une architecture céphalique
rappelant celle de notre chien de Gascogne : tête assez allongée, un peu
ogivale, l’apophyse occipitale bien marquée, oreilles longues et terminées en
pointe, chanfrein long et légèrement busqué. La parenté semble évidente.
L’ancienneté et la pureté de la race du chien de Gascogne sont confirmées par
sa prépotence dans les croisements. De son alliance avec celle de Saintonge est
issu un chien qui, par sa conformation céphalique, s’affirme de plus en plus penchant
vers l’ancêtre gascon. Les Gasco-Saintongeois et les Ariégeois ne sont bien
souvent que des Gascons moins bleus, dont ils présentent par ailleurs les
caractères, précisément les plus importants.
Existait-il, du temps de notre veneur, d’autres races qu’il
n’a pas connues ? Cela est fort probable. Celle du chien normand et celle
du Nivernais, connu dès la période gallo-romaine, ont pu lui être étrangères.
Le premier, marqué de fauve et de blanc, est moralement et physiquement le même
que le Bloodhound fauve à selle foncée. La forme est certainement très
ancienne, passant justement pour celle donnant le prototype du chien pisteur,
plus suiveur que preneur. Ces dispositions indiquent un état de domesticité
prolongé.
R. DE KERMADEC.
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