Nombreux sont les chasseurs français qui, lorsqu’ils ont
tiré un lièvre, croyant toujours l’avoir blessé, encouragent leur chien à le
poursuivre, dans l’espoir qu’il le prendra.
D’autres, dont je suis, préfèrent perdre un lièvre et ne pas
gâter le dressage de leur chien. Mais celui-ci n’attend pas toujours le
commandement et part de lui-même à cette poursuite, ne revenant quelquefois
qu’un bon moment après. Et dans quel état ! Tirant la langue, le flanc
battant, en un mot incapable de chasser pendant un temps assez long. En plus de
cet inconvénient, s’il arrête un lièvre d’assez près et qu’il parte au déboulé,
comme il se trouvera dans la même ligne, le chien empêchera son maître de tirer
ou tout au moins le gênera beaucoup.
Il en sera de même sur le lapin. Comment éviter cette
mauvaise habitude ou la faire disparaître ?
Pour le jeune chien au dressage, on pourra utiliser un lapin
domestique, jaune si possible. Un fauve de Franche-Comté fera bien l’affaire. À
défaut, on prendra un gris.
Dans un enclos de murs ou de grillages, on attache le chien
à un pieu solidement enfoncé en terre, en lui laissant deux mètres de
laisse ; on se tient à côté de lui armé d’une baguette ou d’un fouet. Un
aide poursuit le lapin et tâche de le faire passer assez près du chien. Si celui-ci,
mis au down, cherche à s’élancer sur le lapin, un coup de fouet le fait se recoucher.
On continuera cet exercice jusqu’à ce que le chien reste
indifférent au passage du lapin. S’il persiste à s’élancer, on devra employer
le collier à pointes.
Quand on aura obtenu l’indifférence, on pourra conduire le
chien en plaine avec un cordeau d’une dizaine de mètres et lui faire voir
lapins ou lièvres.
Pour ceux qui disposent d’une chasse où il existe assez de
lapins, ce dressage pourra s’effectuer en furetant les terriers.
À chaque déboulé, il faudra exiger le down, et, si l’on a
tiré et tué, il sera préférable de ne pas envoyer le chien au rapport, cela
jusqu’à ce qu’il reste calme au départ du poil. Malgré cela, il arrive
quelquefois que le chien le plus sûr soit tenté et parte derrière un lièvre.
La correction doit alors être sérieuse et la mise en laisse
de rigueur pour le reste de la sortie.
L’amour des volailles.
Parmi les chiens élevés au chenil et n’ayant pas été
promenés en campagne, il s’en trouve souvent qui, une fois en liberté,
poursuivent et tuent les volailles.
Chez d’aucuns, on arrive difficilement à faire passer ce défaut.
Pendant la guerre de 1914-1918, le Dr C ...,
alors « embusqué en avant de Verdun », fit venir d’Angleterre deux
setters, qu’il me confia. Le mâle, un Lingfield, était quelconque ; la
chienne, quoique de petite taille, était de grande qualité. Elle fit un prix
dans une épreuve de grande quête.
La première fois que je la sortis, après avoir pris
plusieurs arrêts sur couples de perdrix, apercevant au loin une poule blanche,
elle courut sus malgré mes coups de sifflet ; à mon arrivée, la poule
était morte. Je la portai à la propriétaire et en acquittai le prix
(heureusement, ce n’était pas au cours actuel). M’étant muni d’un cordeau d’une
vingtaine de mètres et l’ayant attaché au collier de la chienne, je conduisis
celle-ci en vue de poules aperçues dans la plaine et la remis en quête.
Aussitôt, elle fonça sur la poule la plus proche. Arrivée au bout du cordeau,
par une traction brutale, je lui fis faire une magistrale culbute.
Je recommençai plusieurs fois l’expérience, sans que la
chienne se rebutât pour cela.
Je me souvins alors que le dresseur du chenil de M. Voitelier
m’avait autrefois indiqué un moyen pour guérir les chiens de cette manie ;
je résolus de l’essayer.
Le lendemain, je me procurai un vieux coq et, m’étant muni
d’un sac à grain, j’y introduisis d’abord la chienne, puis le coq, et liai
solidement le sac.
Posant le tout à terre, je frappai assez durement avec un fouet
un peu lourd. Au début, le coq cria assez fort, et la chienne se débattit. Au
bout de quelques minutes, tout resta immobile et muet.
Je sortis alors la chienne et, l’ayant mise au cordeau, la
conduisis dans le champ où la veille elle s’était obstinée à courir sus aux
poules. En les apercevant, elle baissa la tête et vint se mettre derrière moi.
L’ayant détachée, elle partit et rentra au chenil. Les jours
suivants, quand elle apercevait une volaille, elle tournait la tête.
Elle fut complètement guérie de cette fantaisie.
A. ROHARD.
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