La loi du 15 avril 1829 prévoit que le droit de pêche
est exercé au profit de l’État dans tous les fleuves, rivières, canaux, étangs
ou réservoirs d’alimentation et contre-fossés navigables avec bateaux ou
flottables avec trains ou radeaux et dont l’entretien est à la charge de l’État
ou de ses ayants droit, ainsi que des bras, roues, boires et fossés, qui tirent
les eaux des fleuves et rivières navigables ou flottables.
Les ordonnances et décrets pris en application de la loi de
1829 ont dressé les listes des cours d’eau navigables ou flottables appartenant
par conséquent à l’État.
Les propriétaires riverains des cours d’eau navigables et
flottables ne sont donc pas, comme pour les autres cours d’eau, propriétaires
de la moitié du lit. Le motif même que pourrait invoquer le propriétaire
riverain, qu’il aurait fait certains ouvrages d’art facilitant le cours de la
rivière, ne peut lui permettre d’y revendiquer le droit de pêche (Cour
d’Orléans, 19 juin 1846).
Dans un seul cas, le riverain peut réclamer le droit de
pêche dans un cours d’eau domanial : celui dans lequel il prouve que la
possession de ce droit lui a été acquise avant l’édit de 1566, qui a consacré
l’inaliénabilité du domaine de l’État. Et ce cas est encore assez
fréquent ; dans des parties parfois importantes du domaine public fluvial,
le droit de pêche est resté aux riverains : on peut citer, en particulier,
la Marne, entre Château-Thierry et Châlons.
Une première servitude imposée aux propriétaires riverains
est la servitude de halage et de contre-halage sur les cours d’eau navigables
et celle de marchepied sur les cours d’eau flottables. Cette servitude a été
imposée par l’Édit de Colbert d’août 1669, article 7, titre XXVIII,
et a été confirmé par l’article 46, chapitre III de la loi du 8 avril
1898.
Le chemin de halage doit avoir, du côté où se fait le tirage
par les chevaux, 24 pieds de large, ou 7m,80. Le marchepied, ou
chemin laissé sur la rive opposée, doit avoir 10 pieds, ou 3m,25.
D’autre part, le propriétaire — car il reste propriétaire du chemin, mais
doit en supporter la servitude — ne peut planter de clôtures et de haies
sur 30 pieds ou 9m,75. Quant aux rivières flottables, le
marchepied n’a, sur les deux rives, qu’une largeur de 10 pieds, ou 3m,25.
Tout comme les mariniers et les agents de l’Administration,
le pêcheur peut user des chemins de halage et de marchepied, et le propriétaire
riverain ne peut, en aucune façon, l’en empêcher en posant des clôtures jusqu’à
l’eau.
Des abus se sont produits depuis quelques années, certains
riverains ayant clos leur propriété jusqu’à la rivière et ayant coupé le halage
ou le marchepied. Par circulaire du 23 février 1945, le ministre des
Travaux publics et des Transports a rappelé à ses ingénieurs d’avoir à faire
respecter la loi et de faire disparaître les obstacles et barrières
infranchissables aux pêcheurs.
Le pêcheur est donc bien assuré de pouvoir circuler le long
des rivières de l’État. Mais le Code pénal et une jurisprudence constante le
condamnerait s’il outrepassait ses droits et pénétrait chez le riverain,
causant des dégâts aux cultures et aux prairies. Et, d’autre part, la
jurisprudence ne prévoit pas de servitude de passage le long des noues et
boires des rivières domaniales, non plus que sur les îles.
Terminons sur une conséquence fâcheuse, pour les riverains,
de cette servitude de halage. Dans les rivières canalisées relevant des Ponts
et Chaussées, deux circulaires du ministre des Travaux publics du 22 juin
1907 et du 25 août 1919 ont restreint le droit de pêche des riverains dans
les fouilles et sablières creusées dans leur terrain, mais communiquant avec la
rivière. En effet, ces propriétaires ont dû solliciter l’autorisation de
pratiquer une ouverture dans le chemin de halage. L’administration, le plus
souvent, n’a autorisé par arrêté cette ouverture que contre l’obligation aux
propriétaires de ne se livrer, dans leurs fouilles, qu’à la pêche à la ligne
pour eux et leurs invités à titre gratuit, et en nombre limité.
Ainsi la servitude de halage subie par le riverain peut-elle
parfois entraîner chez lui une restriction encore plus forte du droit de pêche
dans son propre terrain.
DE LAPRADE.
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