Un fruit délectable.
— La fraise est un réceptacle charnu riche en
sucre, à saveur agréable, dont les akènes contiennent un nombre considérable de
petites graines, qui maintiennent en parfait état de fonctionnement l’intestin
des personnes utilisant couramment les fraises comme dessert, soit à l’état
frais, au naturel, accommodées de différentes manières, soit après leur
transformation en confiture, surtout si on les associe au miel.
Il est donc normal que, dans tous les jardins, petits ou
grands, on distraie une parcelle de terrain, d’une étendue en rapport avec les
besoins familiaux, pour y créer une fraisière contenant des variétés à
maturation échelonnée, de manière à prolonger le plus longtemps possible la
récolte des fruits destinés à la table, en forçant davantage la culture des
fraises de saison, dont une partie servira à fabriquer les confitures et les
sirops rafraîchissants.
Les cultures échelonnées.
— Pour récolter des fraises pendant cinq à six mois, il
faut être en possession de variétés convenant au forçage, telles que Marguerite
Lebreton, Général Chanzy, Dr Morère et Noble,
lesquelles arrivent à maturité courant d’avril. Pour la culture hâtée, sous
abris, mûrissant au début de mai, on adoptera Vicomtesse Héricart de Thury,
Reine des Hâtives et Louis Gauthier. En culture précoce, sur
côtière bien exposée et abritée, pouvant mûrir courant de mai, on choisira Noble,
Édouard Lefort ou Princesse Royale.
Pendant le mois de juin, période de grande production, on
récoltera les variétés à grand rendement (Mme Moutot, Mme Meslier,
Royal Sovereign, Héricart de Thury, etc.). Un peu plus tard, ce
sera le tour de Jucunda, de Victoria et des Caprons. Pour
récolter en juillet, on plantera, sur côtière exposée au nord, Wonderful,
Tardive de Léopold et Eleanor. En fin de saison viendront les
fraises des quatre-saisons, qui fructifient toute l’année, jusqu’en
octobre ; mais il faut leur préférer les variétés remontantes,
intermédiaires entre les fraises à gros fruits et les quatre-saisons, notamment
Belle de Meaux, la Perle, Saint-Antoine de Padoue, Saint-Joseph.
La fructification de ces variétés se trouve retardée jusqu’aux froids, si on a
la précaution de supprimer les premières hampes florales.
Multiplication.
— Dans la pratique, la multiplication se fait
avec des coulants que l’on a laissé croître et enraciner librement, au nombre
de deux par pied, en supprimant les hampes florales. Ces coulants sont mis en
pépinière d’attente, dans une terre riche, afin qu’ils prennent de la force et
du chevelu, puis on les repique à leur place définitive en août, septembre au
plus tard, dans une parcelle copieusement fumée et débarrassée de toutes les
plantes rhizomateuses, liseron et autres, en prélevant les pieds avec la motte.
Après un arrosage au goulot, les nouveaux filets continuent à végéter jusqu’aux
froids, les bourgeons florifères se développent, et, l’année suivante, on peut
compter sur une bonne récolte.
Les coulants sont toujours repiqués en lignes et en
quinconce, à un espacement variant entre 30 et 40 centimètres, plus ou
moins suivant le développement des variétés, Mme Moutot,
par exemple, exigeant un plus grand écartement que Jucunda ou Noble.
Conduite de la fraisière.
— D’après les analyses de plants entiers, y compris les
fruits, M. Coulon a trouvé que, si le fraisier était une plante exigeante
en potasse, elle l’était beaucoup moins en ce qui concerne l’azote et l’acide
phosphorique ; mais il conseille le renouvellement des fraisières tous les
trois ans. Cependant, les plantations faites en terre riche, abondamment fumée
aux gadoues, peuvent être conservées plusieurs années de plus, si on effectue,
au début de chaque printemps, des terreautages et des applications alternées de
cendres de bois non lessivées, de sels de potasse et de scories, qui soutiendront
la production. On a remarqué, en outre, les bons effets du soufre, qui, à la
dose de 4 kilogrammes à l’are, produit dans le sol des vapeurs d’hydrogène
sulfuré, gaz toxique pour les parasites animaux et végétaux. Dans tous les cas,
il convient d’effectuer autant de façons que le besoin s’en fait sentir. En
ameublissant la terre, on dégage le collet des racines et on favorise la
pénétration de l’air et de l’eau, tout en détruisant les plantes adventices. Il
est donc nécessaire de biner une première fois au printemps, après avoir
appliqué les engrais en couverture, en faisant sauter en même temps les pieds
en excédent, pour éviter l’encombrement. Un peu plus tard, à l’approche de la
floraison, on paille avec du fumier de cheval frais, qui empêchera la souillure
des fruits lorsqu’il aura été lavé par les pluies. Un deuxième binage suivra la
récolte, dans le double but de détruire les mauvaises herbes et d’ameublir le
terrain tassé par le piétinement.
Récolte des fraises.
— Les iules et les limaces sont les ennemis innés des
fraises, surtout pendant les années humides. On les détruit par des
applications fréquentes de cendres, de chaux, de scories, de kaïnite, servant à
la fois d’engrais et d’insecticide.
Récolter les fraises le matin et le soir, en dehors des
heures chaudes, qui ramollissent les fruits et nuisent à leur conservation,
surtout s’ils ne sont pas consommés sur place. Pour les expéditions lointaines,
il faut cueillir un peu avant maturité complète, loger les fruits dans des
paniers peu profonds, rangés en cageots et mis en lieu frais en attendant le
départ.
Le rendement des fraisières, extrêmement variable, est en
moyenne de 125 kilogrammes à l’are pour les variétés à gros fruits, de 100 kilogrammes
pour les remontantes, et de 75 kilogrammes pour les quatre-saisons.
Culture Simplifiée.
— La culture du fraisier n’a qu’un tort, c’est d’exiger
beaucoup de main-d’œuvre, surtout quand on s’astreint à refaire les plantations
tous les trois ans. Ce renouvellement triennal ne doit pas être obligatoire,
puisque, du fait de mes multiples occupations, je possède une fraisière ayant
vingt et un ans d’existence aussi productive que par le passé.
Cette plantation a été faite sur une parcelle fertile, bien
expurgée de mauvaises herbes, en y repiquant plusieurs variétés à maturité
échelonnée. Les façons comprennent un binage de printemps, après épandage de
terreau et d’engrais pulvérulents. En même temps, je coupe les pieds
excédentaires, de préférence les vieux qui ont des chicots. À l’approche de la
floraison, je sème à la volée des balles de céréales, pour protéger les fruits.
La récolte terminée, je fauche les fraisiers à ras de terre et donne le
feuillage aux lapins. Un mois après, deuxième binage, avec suppression des
pieds d’encombrement. L’année suivante, je recommence.
En procédant ainsi, mes fraisiers ne sont jamais atteints
par les maladies cryptogamiques, telles que le blanc ou meunier, la rouille, le
mildiou, la maladie du collet, etc., qui se propagent par les feuilles
pourrissantes, tandis qu’en enlevant le feuillage inutile les spores des
champignons se trouvent éliminées. Satisfait de la culture simplifiée, je ne
veux plus revenir au procédé classique, que j’ai suivi pendant bien des années
sans en avoir obtenu de meilleurs résultats.
Adonis LEGUME.
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