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La récolte des pommes de terre

Pour que la maturation des plantes de pommes de terre se produise, il faut un nombre déterminé de calories, nombre qui diffère selon les variétés. Ce fait biologique explique pourquoi la récolte des tubercules s’effectue, dans notre pays, à des époques assez diverses. Les variétés hâtives s’arrachent en août et même avant ; les sortes à maturité moyenne vers la fin septembre. Mais les gros arrachages s’échelonnent, en grande culture, pendant tout le mois d’octobre.

Les phénomènes de la maturité.

— En principe, le grossissement des tubercules continue à s’effectuer tant que des parties vertes, feuilles et tiges, sont observables chez les plantes ; les matériaux nutritifs, en l’espèce l’amidon et la matière azotée, émigrent jusqu’à la fin vers les tubercules. En conséquence, la véritable maturité des tubercules coïncide avec la dessiccation complète de l’appareil foliacé. À ce moment, la peau ou pellicule qui recouvre les tubercules est adhérente ; on ne peut l’enlever en la frottant avec le pouce de la main.

On peut avancer notablement la maturité par un procédé simple : le fauchage des fanes. Cette manière de faire nuit à la récolte globale, mais permet aux tubercules de mûrir plus tôt. Si, par une cause quelconque (gelée, sécheresse, mildiou, flétrissement), les fanes sont desséchées en août, on peut procéder à l’arrachage bien avant l’époque normale.

Qu’arrive-t-il si on récolte avant complète maturité ? Il est à peine besoin de le signaler. Les tubercules tiennent aux racines ; leur pellicule s’enlève par places au cours des manipulations résultant de l’arrachage et du ramassage. Ils ont un mauvais aspect, lequel persiste longtemps, car les parties dénudées, en se cicatrisant, prennent une teinte brunâtre, de telle sorte que la coloration normale de la variété disparaît.

La destruction des fanes contre le mildiou.

— La pratique du fauchage des fanes n’était employée autrefois que dans les rares cas où, comme nous l’avons expliqué, il était utile d’avancer la maturation des plantations tardives. Si, fin octobre, des gelées n’étaient pas survenues, on coupait parfois les tiges de façon à pouvoir récolter pendant la première décade de novembre.

Actuellement, la destruction préalable du feuillage est recommandée surtout dans deux circonstances : pour réduire les chances de contamination des tubercules des plantations mildiousées sur le tard de la végétation et pour diminuer les progrès de la dégénérescence.

La maladie appelée mildiou, qui sévit surtout en année humide, procède par invasions successives. Dans les champs non traités, il est fréquent de voir tout le feuillage noirci dès la fin août. Il est prudent alors d’attendre quinze à vingt jours après la dessiccation des feuilles. Ce délai facilite la diminution progressive de la virulence du champignon, l’ensemencement des germes sur le sol est réduit au moment de la récolte. Mais parfois aussi on remarque des invasions échelonnées jusqu’en octobre ; des taches récentes existent encore sur certaines parties vertes au moment où l’on se propose de récolter. C’est dans le cas d’invasions tardives qu’il est prudent de détruire préalablement les fanes par le fauchage, ou mieux par des procédés chimiques, et d’attendre quelques jours pour la récolte.

Cette destruction des fanes est recommandable aussi lorsque le traitement du mildiou par des bouillies cupriques a été effectué. Les pulvérisations, si soignées soient-elles, ne préservent jamais l’intégralité du feuillage, en sorte qu’on voit souvent et tardivement des taches de mildiou en activité apparaître sur les parties vertes.

Ajoutons que, si les fanes sont fauchées et non détruites par un toxique, il est nécessaire de les transporter hors du champ ; c’est là, on le conçoit, un gros travail.

La brûlure des fanes contre la dégénérescence.

— Certaines maladies à virus, notamment la maladie de l’enroulement, se diffusent fort bien, sur le tard de la végétation, par l’intermédiaire des pucerons vecteurs. On aperçoit sur le feuillage des plantes atteintes tardivement des incurvations plus ou moins prononcées, spécialement sur les folioles du sommet :

Pour limiter les dégâts, on recommande actuellement la destruction du feuillage dès la deuxième quinzaine de septembre, avant complète maturité. Cette destruction s’opère le plus souvent en brûlant les feuilles par l’épandage d’un produit caustique, par exemple de l’acide sulfurique à 10 p. 100 ; la solution est répandue avec un pulvérisateur.

Ce procédé, employé exclusivement dans les plantations reconnues aptes à fournir des plants sélectionnés, ne nuit pas à la germination des tubercules récoltés.

L’enlèvement préalable des pieds malades.

— S’il s’agit d’une récolte destinée à la plantation future, où le fauchage n’a pas eu lieu, le cultivateur a tout intérêt d’enlever au préalable certains pieds atteints de rhyzoctone ou de flétrissement bactérien.

Les premiers se reconnaissent à une grosse tige portant généralement au bas de petits tubercules aériens de couleur verte ; la production de ces pieds est faible et consiste en de nombreux tubercules petits et difformes. Dans les seconds, (les pieds à flétrissement), la production peut être peu diminuée, mais la conservation est souvent aléatoire.

L’opération de l’arrachage.

— Elle s’effectue, en petite culture, à l’aide d’outils maniés à la main.

Dans les fermes importantes, des arracheuses de pommes de terre sont d’un usage courant ; ce travail mécanique est peut-être moins parfait, mais il est beaucoup moins coûteux.

Une précaution essentielle concernant l’arrachage est celle-ci : il faut éviter de blesser les tubercules. Un tubercule coupé ou meurtri présente toujours une conservation difficile, car la blessure peut servir de porte d’entrée à des bactéries ou des champignons qui, ultérieurement, provoquent l’altération de la pulpe. La fusariose, notamment, est très fréquente chez les tubercules blessés.

Le triage et le ramassage de la récolte.

— Si les tubercules sont exclusivement réservés au bétail de la ferme, aucun triage n’a lieu ; toutefois, en cas de mildiou, on sépare les tubercules pourris ou simplement altérés en surface (la peau est brune par places). Cette récolte mildiousée, de conservation défectueuse, est mise à part pour l’utilisation immédiate ou pour l’envoi dans les féculeries.

Avec une récolte destinée à la consommation humaine, un triage a lieu sur le terrain ; les tubercules moyens et gros sont ramassés à part ; ceux au-dessous de 90 grammes environ servent à la nourriture du bétail.

Dans les cultures contrôlées pour la sélection, le travail du ramassage est plus long, car, d’habitude, un double triage s’effectue. Comme les tubercules de 40 à 120 grammes sont payés plus cher pour la semence, on les ramasse à part. Les gros tubercules, ramassés ensuite, servent à la consommation humaine ; les tout petits vont au bétail.

Que faire des fanes de pommes de terre ?

— Le feuillage étalé sur le sol renferme presque toujours les germes des diverses maladies de la pomme de terre. Il est prudent, lorsque les tubercules sont ramassés, de faire des tas de fanes sur le terrain. On peut soit brûler ces fanes lorsqu’elles sont sèches, soit les enlever pour en confectionner des silos spéciaux avec de la terre et de la chaux. La matière organique obtenue servira à la fumure des prairies.

Cl. PERRET.

Le Chasseur Français N°615 Août 1947 Page 544